SOMMAIRE
L'étude du site de la mine Dome (Ontario) est l'une des quatre évaluations sur le terrain effectuées en 1997 dans le cadre du Programme d'évaluation des techniques de mesure d'impacts en milieu aquatique (ETIMA), programme conjoint gouvernement-industrie destiné à évaluer le rapport coût-efficacité des technologies d'évaluation des impacts liés aux activités minières dans le milieu aquatique. Les trois autres sites miniers étudiés étaient ceux de Myra Falls (Colombie-Britannique), de Mattabi (Ontario) et de Heath Steele (Nouveau-Brunswick). On présente un résumé et une évaluation des résultats de ces quatre études dans un rapport sommaire distinct.
La mine Dome de Placer-Dome, qui combine une grande mine à ciel ouvert et une mine souterraine, est située à l'ouest de Timmins (Ontario). Ouverte en 1910, elle est l'une des plus anciennes et des plus grandes mines d'or du Canada. Ses effluents s'écoulent d'un bassin de décantation des résidus après un traitement d'élimination du cyanure combinant la dégradation naturelle à un procédé SO2/air de l'Inco. On déverse les effluents pendant la période sans glace afin de profiter de la dégradation naturelle du cyanure. On a commencé à utiliser le système de traitement Inco en 1997. Les effluents miniers sont déversés dans la rivière South Porcupine, un cours d'eau relativement petit à faible gradient qui se jette, à environ 3 km en aval du point de rejet des effluents, dans la rivière North Porcupine, dont les eaux se déversent dans le lac Porcupine.
Dans le bassin hydrographique de la rivière South Porcupine, en aval du point de rejet des effluents de la mine Dome, divers ouvrages et déchets peuvent constituer des sources de contaminants par écoulement et infiltration.
Les objectifs du programme sur le terrain de L997 étaient de vérifier 13 hypothèses formulées pour tenter de répondre à quatre questions principales :
- Est-ce que les contaminants pénètrent dans le réseau aquatique (et dans l'affirmative, dans quelle mesure et dans quels compartiments)?
- Les contaminants sont-ils biodisponibles?
- La réponse (biologique) est-elle mesurable?
- Les contaminants sont-ils la cause de ces réponses?
Ces hypothèses représentent des questions plus spécifiques concernant la capacité (relative) des différents outils de surveillance de répondre à ces quatre questions générales sur les effets des activités minières. L'évaluation des outils prévoyait notamment la surveillance des sédiments (tests de toxicité des sédiments), la surveillance des poissons (dosage de la métallothionéine et des métaux dans les tissus et détermination des indicateurs des populations/communautés) et, enfin, l'intégration des outils (rapports entre l'exposition et les réponses biologiques et utilisation de la toxicité sublétale des effluents).
On a vérifié 11 des 13 hypothèses au site de la mine Dome (voir le tableau 1.1). Les deux hypothèses non vérifiées sur ce site étaient les hypothèses H5 (prises de poissons par unité d'effort) et H6 (communauté de poissons). On a rayé, ces hypothèses de la liste à cause de différences touchant l'habitat naturel et les communautés de poissons d'une zone à l'autre.
On a utilisé les trois paramètres de la qualité des sédiments comme outil supplémentaire pour l'évaluation des liens entre la toxicité des sédiments, la chimie des sédiments et la réponse de la communauté benthique (H10 et H11) dans les rivières South et North Porcupine. Ces trois paramètres donnent une vue plus générale pour l'évaluation des outils.
Plan de l'étude
Au site Dome, le plan de l'étude était basé sur l'échantillonnage des poissons des lacs et des rivières, ainsi que sur l'échantillonnage du benthos des rivières, la chimie des sédiments et la toxicité des sédiments. L'échantillonnage des rivières était basé sur un modèle zone voisine - zone éloignée - zone de référence, la zone voisine étant située après la zone de mélange des effluents dans la rivière South Porcupine, la zone éloignée, en aval du confluent de cette rivière avec la rivière North Porcupine, et la zone de référence, en amont de la source des effluents dans la rivière South Porcupine. Pour les poissons de la rivière, à cause de l'absence d'une espèce sentinelle en aval, on a choisi un autre endroit comme zone lointaine, immédiatement en amont du confluent avec la rivière North Porcupine. Dans le lac Porcupine (zone d'exposition) et dans le lac McDonald's (zone de référence), on n'a échantillonné qu'une seule espèce de poisson.
Programme d’échantillonnage
On a terminé les relevés sur le terrain pour le site Dome vers la fin de septembre et le début d'octobre 1997, notamment:
- l'échantillonnage de l'eau de rivière à trois stations de la zone voisine, à trois stations de la zone éloignée et à six stations de la zone de référence pour la détermination des concentrations des métaux dissous (filtrés) et totaux, de cyanure et d'autres paramètres; et l'échantillonnage de l'eau du lac à quatre endroits dans les lacs Porcupine et McDonald's. Comme Dome n'avait pas déversé d'effluents depuis le 12 août 1997, il était peu probable que les conditions de la qualité de l'eau au moment du relevé reflètent un impact direct des effluents;
- l'échantillonnage des sédiments de la surface dans la rivière aux sept stations proches, aux sept stations éloignées et aux sept stations de référence à l'aide d'un échantillonneur «Petite Ponar». Avec ces échantillons, on a mesuré les concentrations «totales» des métaux, les concentrations partielles de certains métaux (p. ex. la fraction liée aux oxydes de Fe et de Mn), les concentrations des sulfures volatils en milieu acide et celles des métaux extractibles simultanément;
- l'échantillonnage des sédiments en surface aux 21 stations ci-dessus pour l'analyse de la communauté des macroinvertébrés benthiques et pour les essais de toxicité des sédiments (survie et croissance d'Hyalella azteca, de Chironomus riparius et de Tubifex tubifex);
- l'échantillonnage de la perchaude dans les lacs McDonald's et Porcupine pour l'analyse de sa croissance ainsi que pour déterminer le poids du foie, des gonades et la fécondité de cette espèce (environ 20 mâles et 20 femelles par lac). Pour la capture des poissons, on a utilisé surtout une seine dans le lac Porcupine et un filet maillant dans le lac McDonald's. On a utilisé un sous-ensemble de 12 poissons par lac pour doser la métallothionéine (MT) et les métaux des muscles (métaux seulement), du foie, des branchies et des reins;
- l'échantillonnage du mulet perlé (20 mâles, 20 femelles par site) des zones voisine et éloignée, ainsi que de la zone de référence de la rivière pour les analyses de la croissance, du poids du foie, du poids des gonades et de la fécondité. On a capturé la plupart des poissons à l'aide de pièges appâtés avec des ménés. On a dosé la MT et les métaux des viscères de neuf échantillons de mulets perlés par site. On a prélevé neuf échantillons supplémentaires de mulets perlés dans une deuxième zone de référence (étang à castors dans la rivière South Porcupine) pour des dosages de MT et de métaux;
- l'échantillonnage de jeunes de l'année de perchaudes en cage, provenant d'un lac voisin n'ayant pas subi d'impacts de la mine, après dix jours d'exposition dans chacune des deux zones de lac et des trois zones de rivière. On a dosé la MT et les métaux de trois échantillons composés de viscères de ces poissons;
- des tests de toxicité chronique des effluents, basés sur trois échantillonnages. On a recueilli le premier échantillon dans les conditions du traitement avec le procédé Inco, le second sans le traitement Inco (dégradation naturelle seulement) et le troisième en octobre, dans des conditions de non-rejet d'effluents de l'étang de décantation.
Aperçu des données
Qualité de l'eau
De façon générale, les concentrations de Cu, de Co et de Ni des stations proches et éloignées et celles du lac Porcupine étaient supérieures à celles des zones de référence, et la teneur en Cu total dépassait les limites des Recommandations pour la qualité des eaux au Canada (RQEC). Cela peut indiquer la présence d'effluents résiduels dans cette rivière à écoulement lent ou un impact secondaire des métaux des activités minières dans ses sédiments. Il semble que les concentrations de cuivre et de cobalt étaient influencées par la mine Dome, alors que les concentrations de nickel l'étaient tant par la mine que par la rivière North Porcupine. Dans l'une des zones de référence, les concentrations d'arsenic étaient supérieures aux limites des RQEC, ce qui semble être dû à l'impact des rejets de déchets miniers anciens. De plus, les valeurs d'autres paramètres, notamment le nitrate, le sulfate, la dureté et les matières totales dissoutes, étaient également plus élevées dans les zones d'exposition que dans les zones de référence.
On observait des profils semblables de distribution spatiale pour les concentrations de métaux totaux et dissous. Dans le cas du cuivre et de l'arsenic, la fraction dissoute représentait la plus grande partie des concentrations totales de métaux présentes dans l'eau.
Chimie des sédiments
Les sédiments du réseau de la rivière South Porcupine étaient surtout constitués de silt et d'argile, avec des teneurs relativement faibles en carbone organique.
Dans le cas du Cu et du Ni, les concentrations de métaux totaux dans les sédiments étaient les plus élevées dans la zone voisine et les plus faibles dans la zone de référence. Les concentrations d'arsenic dans les sédiments étaient plus élevées dans certains échantillons de sédiments de la zone de référence, même si les teneurs en As étaient plus variables dans les sédiments de cette zone qu'ailleurs. Pour d'autres métaux, on a noté des profils variables de distribution spatiale qui ne semblaient pas liés aux activités de Dome. Les concentrations de Cu, de Ni et d'As dépassaient les valeurs de l'évaluation intérimaire canadienne de la qualité des sédiments (teneurs à effets probables) (Canadian Interim Sediment Quality Assessment Values) pour la plupart des stations (Cu, Ni) ou pour l'ensemble de celles-ci (As).
De façon générale, dans le cas de As, Ni et Cu, les concentrations partielles de métaux présentaient des profils de distribution spatiale semblables à ceux observés pour les métaux totaux. Les fractions métalliques partielles représentaient environ la moitié des métaux totaux dans le cas de As et de Ni, mais seulement environ 1 % dans le cas du cuivre.
Dans les sédiments, le rapport des concentrations des sulfures volatils en milieu acide et de celles des métaux extractibles simultanément était faible (inférieur ou égal à 0,5), ce qui suggère que, de façon générale, les sédiments ne devraient pas être toxiques pour les organismes benthiques.
Toxicité des sédiments
On n'a noté d'effets de toxicité des sédiments pouvant être liés aux activités minières que dans le cas du taux de survie d'Hyalella, bien qu'on ait observé une mortalité significative par rapport à des témoins en laboratoire tant pour Hyalella que pour Chironomus. On n'a pas observé d'effets sublétaux liés aux activités minières.
Macroinvertébrés benthiques
La communauté des macroinvertébrés benthiques semblait réagir par une diminution des densités totales, du nombre de taxons et du nombre de taxons indicateurs dans la zone voisine. Les nombres de taxons Ephemeroptera, Plecoptera et Trichoptera (EPT) et l'abondance relative des chironomidés distinguait également les zones exposées des zones de référence. Cependant, de façon générale, les impacts dans les zones éloignées n'étaient pas évidents.
Poissons
Les espèces de poissons les plus communes dans les rivières étaient l'épinoche à cinq épines, le mulet perlé, le ventre rouge du nord et le tête-de-boule. Toutefois, on n'a pu capturer de mulet perlé en aval du confluent de la rivière North Porcupine et, donc, on en a capturé dans la zone voisine de la rivière South Porcupine et à environ 1,5 km en aval, juste en amont du confluent avec la rivière North Porcupine. Pour le mulet perlé, on a observé les plus fortes valeurs de taille, de poids du foie, de poids des gonades et de fécondité chez les poissons exposés et les plus faibles valeurs chez les poissons de la zone de référence. Toutefois, après des ajustements pour tenir compte du poids corporel, les valeurs du poids des gonades et de la fécondité étaient plus faibles chez les mulets exposés que chez ceux de la zone de référence.
Les communautés de poissons des lacs McDonald's et Porcupine présentaient des différences : alors que le crapet des roches dominait dans le lac McDonald's, il était absent des prises du lac Porcupine. On a capturé des perchaudes dans les deux lacs, mais cette espèce était difficile à capturer dans la zone de référence. Pour la perchaude, les valeurs de la croissance, de la fécondité, du poids du foie et du poids des gonades des poissons exposés étaient semblables à celles des poissons de la zone de référence. Toutefois, après des ajustements pour tenir compte du poids corporel, les poids des gonades des perchaudes exposées étaient plus faibles.
On a observé un effet qui semblait être lié aux activités minières dans les teneurs en métaux (Cu, Ag et Se) des viscères chez le mulet perlé. On n'a observé aucune réponse de la métallothionéine des viscères (MT) chez le mulet.
Chez la perchaude, les teneurs en métaux des tissus présentaient d'importantes variations d'un lac à l'autre et d'une espèce à l'autre. On a observé les plus fortes concentrations de métaux dans les tissus du foie, des reins et des muscles des perchaudes de la zone voisine, même si on observait la tendance opposée dans les branchies (teneurs plus élevées en métaux chez les poissons de la zone de référence). En général, les résultats des dosages de la MT des tissus ne correspondaient pas à un effet lié aux activités minières, étant donné que les valeurs de MT étaient plus élevées dans les branchies et les reins des poissons de la zone de référence, mais légèrement plus élevées dans le foie des poissons exposés.
Pour ce qui est des concentrations de MT ou de métaux des viscères, on n'observait pas de réponse chez les juvéniles de perchaude en cage. Dans la plupart des cas, leurs concentrations de métaux diminuaient et leurs concentrations de MT augmentaient au cours de la période d'exposition, ce qui indique que le fait d'utiliser des poissons en cage peut être un facteur qui influe sur les résultats.
Toxicité des effluents
Les effluents de Dome étaient relativement toxiques pour les espèces testées et ils avaient des effets létaux pour Ceriodaphnia (tous les échantillons) et la tête-de-boule (deux échantillons). L'échantillon de juin était le moins toxique et celui d'octobre, le plus toxique. Ceriodaphnia et Lemna étaient les espèces les plus sensibles [toxicité chronique (CI25) inférieure à 15 % d'effluent], et la tête-de-boule était la moins sensible.
Vérification des hypothèses
Les résultats des vérifications des hypothèses sont résumés au tableau 5.2; ils indiquent que certains contaminants (métaux) sont biodisponibles, qu'on observe certaines réponses biologiques et que les contaminants peuvent être à l'origine de certaines de ces réponses.
Évaluation des techniques
Avec certains des outils évalués chez Dome, on a observé un effet dû aux activités minières, mais pas avec d'autres (tableau 6.2). Les outils de surveillance jugés efficaces étaient notamment la plupart des outils de chimie de l'eau et des sédiments (sauf le rapport des concentrations des sulfures volatils en milieu acide et de celles des métaux extractibles simultanément), les outils d'évaluation de la communauté benthique, certains des outils d'évaluation de la santé des poissons (après des ajustements pour tenir compte du poids corporel) et certains des outils de dosage des métaux dans les tissus des poissons. Les outils qui n'indiquaient pas d'effets dus aux activités minières étaient notamment les outils de dosage de la MT, les outils d'évaluation des populations ou des communautés de poissons (à cause d'effets liés à l'habitat venant brouiller les pistes) et les outils de mesure de la toxicité des sédiments (à l'aide de Chironomus et de Tubifex). On peut attribuer en partie l'inefficacité de certains outils de surveillance au fait qu'il n'y a pas eu de rejet d'effluents pendant plusieurs semaines avant le relevé, ainsi qu'à d'autres facteurs venant brouiller les indices (habitat, autres sources de contaminants).
On a noté des différences d'efficacité relativement faibles entre les outils efficaces apparentés (p. ex. le dosage des métaux totaux et dissous dans l'eau) (voir le tableau 6.3). Donc, le coût est un facteur important pour déterminer le rapport coût-efficacité de ces outils, comme on l'explique pour les quatre mines à l'étude dans un document distinct de 1997 « Summary and Cost-Effectiveness Evaluation of Aquatic Effects Monitoring Technologies Applied in the 1997 AETE Field Evaluation Program »