SOMMAIRE
L'étude du site de la mine Mattabi (Ontario) est l’une des quatre évaluations sur le terrain effectuées en 1997 dans le cadre du Programme d'évaluation des techniques de mesure d'impacts en milieu aquatique (ETIMA), programme conjoint gouvernement-industrie destiné à évaluer le rapport coût-efficacité des technologies d'évaluation des impacts liés aux activités minières dans le milieu aquatique. Les trois autres sites miniers étudiés étaient ceux de Dome (Ontario), de Myra Falls (Colombie-Britannique) et de Heath Steele (Nouveau-Brunswick). On présente un résumé et une évaluation des résultats de ces quatre études dans un rapport sommaire distinct.
La mine Mattabi de Noranda Inc. exploitait une mine à ciel ouvert de cuivre, de plomb et de zinc combinée à une mine souterraine et à une installation de concentration à 80 km au nord-est d'Ignace, dans le nord-ouest de l'Ontario. Cette mine a été fermée en 1991 et on y effectue actuellement des travaux de restauration; toutefois, on continue à recueillir des eaux de ruissellement et d'infiltration, qui sont traitées avant leur rejet afin de limiter l’impact des eaux d'exhaure des roches acides et de la lixiviation des métaux. On traite les effluents avec de la chaux, on les purifie et on les rejette dans le ruisseau Bell, qui se déverse dans le lac Sturgeon. Au cours des années passées, on a noté dans ce lac et dans d'autres lacs plus petits (notamment le lac No Name) des effets d'eaux d'exhaure acides, de charges de zinc et d'autres métaux, ainsi que de sédiments enrichis en métaux.
Les objectifs du programme sur le terrain de 1997 étaient de vérifier 13 hypothèses formulées pour tenter de répondre à quatre questions principales :
- Est-ce que les contaminants pénètrent dans le réseau aquatique (et dans L’affirmative, dans quelle mesure et dans quels compartiments)?
- Les contaminants sont-ils biodisponibles?
- La réponse (biologique) est-elle mesurable?
- Les contaminants sont-ils la cause de ces réponses?
Ces hypothèses représentent des questions plus spécifiques concernant la capacité (relative) des différents outils de surveillance de répondre à ces quatre questions générales sur les effets des activités minières. L'évaluation des outils prévoyait notamment la surveillance des sédiments (tests de toxicité des sédiments), la surveillance des poissons (dosage de la métallothionéine et des métaux dans les tissus et détermination des indicateurs des populations/communautés) et, enfin, L’intégration des outils (rapports entre l'exposition et les réponses biologiques, et utilisation de la toxicité sublétale des effluents).
On a vérifié 12 des 13 hypothèses au site de la mine Mattabi (voir le tableau 1.1). Les hypothèses non vérifiées à ce site concernent la toxicité chronique des effluents et ses liens avec les effets benthiques et les effets sur les poissons (H13). On a retiré cette hypothèse de la liste afin d'optimiser le plan de travail sur le terrain (pour le budget du projet).
On a utilisé les trois paramètres de la qualité des sédiments comme outil supplémentaire pour l'évaluation des liens entre la toxicité des sédiments, la chimie des sédiments et la réponse de la communauté benthique (H10 et H11) dans un gradient de qualité des sédiments du lac No Name et de la baie Mine Creek (lac Sturgeon). Ces trois paramètres donnent une vue plus générale pour l'évaluation des outils.
Plan de l'étude
Le plan de l'étude à la mine de Mattabi était basé sur l'échantillonnage des lacs pour l'étude du benthos, ainsi que de la chimie et de la toxicité des sédiments selon un gradient, et notamment dans cinq zones d'exposition dont les sédiments présentaient différentes concentrations de zinc (lac No Name, baie Mine Creek) et dans deux zones de référence (lac Tag et anse Peterson - lac Sturgeon). On a prélevé des échantillons dans trois stations de chacune de ces sept zones pour déterminer la qualité et la toxicité des sédiments, ainsi que pour l'étude du benthos.
Dans le ruisseau Bell, l'échantillonnage suivait un modèle zone de référence (témoin) - zone d'exposition (impact), qui permettait de vérifier des hypothèses liées aux poissons. La zone de référence pour le collecte des poissons était située dans un habitat à peu près semblable dans un bassin hydrographique voisin, mais distinct (rivière English). On a prélevé des échantillons de poissons dans quatre stations de chacune des deux zones, de façon à obtenir des exemplaires multiples pour vérifier les hypothèses concernant les populations et les communautés de poissons (H5 et H6).
Programme d’échantillonnage
On a terminé les relevés sur le terrain à Mattabi vers la mi-octobre 1997, et notamment :
- l'échantillonnage de l’eau dans chacune des sept zones d'échantillonnage pour les sédiments ou les organismes benthiques (un pour chaque zone) et dans chacune des deux zones d'échantillonnage pour les poissons (quatre par zone). On n'a utilisé que les données du ruisseau Bell et de la rivière English pour la vérification des hypothèses;
- l'échantillonnage des sédiments de surface à chacune des 2l stations d'échantillonnage (7 zones x 3 stations) à l’aide d'un échantillonneur " Petite Ponar > pour la détermination de la concentration " totale " des métaux, de la concentration partielle des métaux (c.-à-d. la fraction liée aux oxydes de Fe et de Mn), ainsi que des concentrations de sulfure volatil en milieu acide et des métaux extractibles simultanément;
- l'échantillonnage des sédiments de surface à ces 21 stations pour l’analyse de la communauté des macroinvertébrés benthiques et pour des tests de toxicité des sédiments (survie et croissance d'Hyalella azteca, de Chironomus riparius et de Tubifex tubifex);
- l'échantillonnage des communautés de poissons à l’aide de filets maillants (au moins deux échantillons par station) à chacune des quatre stations d'exposition et à quatre stations de référence pour la détermination des paramètres des communautés et des populations de poissons, ainsi que pour obtenir des spécimens de meunier noir et de grand brochet pour des analyses de tissus;
- l'échantillonnage d'un nombre total de 83 meuniers noirs et de 85 grands brochets de deux zones d'échantillonnage pour le dosage des métaux et de la métallothionéine (MT) des muscles (métaux seulement), du foie, des reins et des branchies.
Aperçu des données
Qualité de l'eau
Les effluents du Mattabi étaient enrichis en zinc, en calcium et en sulfate. L'eau du ruisseau Bell contenait des fortes concentrations de zinc, de cuivre, de cadmium et de plomb par rapport à celles de la rivière English, ainsi que des concentrations de zinc dépassant les limites des Recommandations pour la qualité des eaux au Canada en aval de la mine.
De plus, les concentrations de zinc étaient élevées dans l’eau du lac No Name, ainsi que dans la baie Mine Creek (mais beaucoup moins dans celle-ci) par rapport aux zones de référence du lac. Les limites des Recommandations n'étaient dépassées que dans les eaux du lac No Name, où l’on observait un dépassement de presque deux ordres de grandeur pour le zinc.
Pour les concentrations de principaux métaux dissous et totaux (Zn, Cu, Cd, Pb), on observait, dans la plupart des cas, des profils de distribution spatiale semblables, avec des valeurs du même ordre pour les métaux dissous et totaux, sauf pour le Pb du lac No Name (Pb dissous plus faible que le Pb total).
Qualité des sédiments
Tous les sédiments étaient riches en matières organiques et sableux, avec des teneurs en carbone organique total de 20 à 30 %. Les concentrations de Zn, Pb, Cd, Cu, As, Ni et Hg totaux dépassaient les valeurs de l'évaluation intérimaire canadienne de la qualité des sédiments (Canadian Interim Sediment Quality Assessment Values) à la plupart des stations d'exposition, avec des valeurs maximales pour le zinc dépassant de jusqu'à deux ordres de grandeur les teneurs à effets probables. Les concentrations des métaux suivaient un gradient de concentration décroissant sur la plage des valeurs observées dans les zones d'exposition échantillonnées.
Les gradients des concentrations partielles des métaux étaient plus faibles que ceux des concentrations totales des métaux, ce qui indique que la fraction la plus importante des métaux est liée de façon relativement forte aux particules de sédiments.
Les rapports des concentrations des sulfures volatils en milieu acide et de celles des métaux extractibles simultanément ne correspondaient à aucun profil distinct de distribution spatiale, même si dans le gradient d'exposition, les valeurs de ces concentrations étaient très supérieures à celles observées dans les zones de référence. Ces résultats indiquent une certaine possibilité de toxicité des sédiments, bien que les valeurs de ces rapports soient relativement faibles (inférieures ou égales à 1,5) dans la plupart des zones d'exposition (sauf dans le lac No Name, où l’on a observé des valeurs de rapports plus élevées). Une valeur de rapport supérieure à l’unité indique une certaine possibilité de toxicité des sédiments, surtout avec des valeurs élevées de métaux extractibles simultanément.
Toxicité des sédiments
Au site Mattabi, la toxicité des sédiments (effets létaux et sublétaux) correspondait à une réponse faible à nulle du gradient de qualité des sédiments pour toutes les espèces testées. Malgré la mortalité observée chez Chironomus et Hyalella, les réponses paraissaient semblables quel que soit l’emplacement (comparaison entre la zone de référence et la zone d'exposition).
Macroinvertébrés benthiques
On notait certaines tendances des communautés benthiques dans le gradient de qualité des sédiments, avec des nombres réduits de taxons dans la plupart des sédiments touchés. À ces endroits, on observait notamment des réductions d'abondance chez Hydracarina (hydrachnidés), Caenis (éphémères) et Pisidium (pisidies).
Poissons
Pour toutes les espèces de poissons combinées, on n'observait pas de différences marquées entre les prises par unité d'effort de la zone de référence et celles de la zone d'exposition. On notait une plus grande abondance apparente de meunier noir dans la zone d'exposition, et de grand brochet dans la zone de référence. Pour le meunier noir, la croissance, la taille du foie et des gonades et la fécondité étaient comparables chez les poissons de la zone de référence et de la zone d'exposition. Pour le brochet, les valeurs de taille des poissons selon l'âge, ainsi que celles de la taille des organes et de la fécondité, étaient beaucoup plus grandes chez les poissons exposés (ruisseau Bell) que chez ceux de la zone de référence. Après un ajustement pour tenir compte du poids corporel, les valeurs de taille des organes restaient plus élevées chez les brochets exposés.
Les concentrations de métaux dans les tissus mesurées dans la zone de référence présentaient certaines différences par rapport à celles de la zone d'exposition, et ces différences étaient le plus prononcées pour le sélénium dans tous les tissus chez ces deux espèces. Cet effet pourrait être lié aux activités minières, étant donné qu'on a détecté la présence de sélénium dans les effluents de la mine Mattabi, mais dans aucun autre échantillon d'eau.
On n'a noté une réponse de la métallothionéine que pour les branchies et les reins du grand brochet, et non pour le meunier noir.
Vérification des hypothèses
Les résultats des vérifications des hypothèses sont résumés au tableau 5.2; ils indiquent que certains contaminants (métaux) sont biodisponibles, qu'on observe certaines réponses biologiques et que les contaminants peuvent être à l’origine de certaines de ces réponses.
Évaluation des techniques
Avec certains des outils évalués, on notait un effet dû aux activités de la mine Mattabi, ce qui n'était pas le cas pour d'autres (tableau 6.2). Les outils de surveillance indiquant des effets, même partiels, étaient notamment la plupart des outils de chimie de l’eau et des sédiments (sauf pour le rapport des concentrations des sulfures volatils en milieu acide et de celles des métaux extractibles simultanément), la plupart des outils d'étude des macroinvertébrés benthiques et certains outils d'analyse des tissus des poissons et de la réponse de métallothionéine (selon le métal, le type de tissu et l’espèce de poisson). Les outils avec lesquels on n'obtenait pas de réponse cohérente en fonction de l’impact étaient notamment plusieurs trousses d'outils pour la détermination de la santé des poissons, des paramètres des populations ou des communautés de poissons et de la toxicité des sédiments. L'efficacité limitée de certains de ces outils pourrait être due à une faible biodisponibilité des métaux, peut-être combinée aux effets des variations naturelles. Au site Mattabi, on n'a pas observé de différences importantes concernant l’efficacité des outils de surveillance de la même « trousse d'outils », avec lesquels on notait des effets (p. ex. concentrations totales par rapport aux concentrations partielles de métaux dans les sédiments; métaux par rapport à la métallothionéine dans les tissus, etc.) (tableau 6.3).
Dans l’ensemble, les impacts relativement modestes des métaux de la mine Mattabi sont inattendus et remarquables, car les conditions générales sont très différentes des conditions de plus grande biodisponibilité des métaux et d'impact aux sites Heath Steele et Myra Falls. Cela est d'autant plus difficile à expliquer que les concentrations de métaux dans les sédiments du site Mattabi sont plus élevées que celles observées à tous les autres sites miniers étudiés dans le cadre du programme ETIMA.
Un document distinct, « Summary and Cost-Effectiveness Evaluation of Aquatic Effects Monitoring Technologies Applied in the 1997 AETE Evaluation Program », présente les conclusions sur le rapport coût-efficacité de ces outils, qui sont basées sur les résultats obtenus pour les quatre sites miniers étudiés en 1997.