Selon des données limitées, la réactivité chimique et biologique des résidus miniers serait inhibée lorsque ces résidus sont éliminés sous l'eau. L'élimination subaquatique des résidus pourrait donc constituer une alternative prometteuse à l'élimination sur terre, qui est plus nuisible à l'environnement. Bien que l'on ait documenté les répercussions, sur la biocènose, de l'élimination subaquatique des résidus, ces répercussions semblent étre transitoires. Afin de les évaluer, on a examiné la qualité des eaux, les conditions géochimiques des sédiments et la biocénose du lac Benson près de Port Alice, en Colombie-Britannique. Le lac Benson a été utilisé comme parc à résidus pendant environ 11 ans, avant qu'on ait mis fin aux activités en 1973.
Le lac Benson est un lac oligotrophe, petit et profond, de chaîne côtière qui se situe dans la zone biogéoclimatique côtière de la pruche occidentale, dans l'extrême nord de l'île de Vancouver. Au cours de la période allant d'août 1962 à janvier 1973, Cominco Ltée. a éliminé les résidus de sa mine de cuivre (Benson Lake Coast Copper Mine) en les déversant, sous licence, dans le bassin lacustre profond. Par conséquent, pendant certaines périodes prolongées, la turbidité des eaux du lac a été plus élevée que la normale. En outre, les particules fines comprises dans les résidus miniers ont couvert les sédiments de la zone profonde du lac, effaçant ainsi toute trace de vie benthique. On a aussi trouvé des particules fines de résidus dans la rivière Benson inférieure. Enfin, le déversement de résidus a fait augmenter, par rapport aux niveaux de fond, les concentrations de zinc dans les eaux et dans la chair des poissons du lac.
En 1973, Cominco Ltée. a cessé ses activités et mis fin à l'élimination des résidus miniers. Une évaluation subséquente du lac, menée 10 mois plus tard, a révélé que les particules colloïdales des résidus dans les eaux du lac s’étaient déposées, et que les eaux avaient retrouvé leur limpidité d'origine. En outre, les fortes concentrations de zinc qui avaient été notées dans la tranche d'eau durant la période de déversement des résidus, avaient baissé. Cependant, on a noté que les zones profondes du lac étaient encore dépourvues d'invertébrés. En septembre 1990, soit plus de 17 ans après que la société eût arrêté d'y déverser les résidus, le lac Benson montrait peu d'indications qu'elle avait servi de parc à résidus.
L'échantillonnage de la qualité physique et chimique de l'eau, entrepris à trois stations dans le lac, a révélé que les eaux lacustres ressemblent à presque tous les égards aux eaux du lac Keogh, lac témoin situé à proximité. Or, certaines différences ont été notées, mais elles sont attribuées aux caractéristiques inhérentes du réseau hydrographique du lac Benson et à la présence d'une piscifacture dans le lac témoin. La conductivité, les matières totales dissoutes, l'alcalinité et la teneur en calcium et en potassium sont toutes plus élevées dans le lac Benson que dans le lac témoin, mais les niveaux de chacun de ces paramètres traduisent les niveaux dans les apports d'eaux provenant des rivières Benson et Raging et du ruisseau Craft. La piscifacture du lac Keogh semble avoir un effet fertilisant de sorte que la quantité de substances nutritives (phosphore et azote) et le degré de développement planctonique sont plus élevés dans le lac témoin que dans le lac Benson.
Des échantillons de sédiments lacustres et terrestres riches en résidus ont été prélevés puis examinés en détail. L'analyse des métaux et de la pétrographie des échantillons lacustres indique que les résidus sont très étendus dans le lac. Une couche organique superficielle s'accumule sur les résidus et pourrait aider à empêcher le passage benthique de métaux dans la tranche d'eau sus-jacente. Les prélèvements séquentiels d'échantillons lacustres à prédominance de résidus et d'échantillons de résidus terrestres montre que les échantillons subaquatiques ne libèrent pas de quantités significatives de métaux de la phase hydrosoluble ou de la phase de cations échangeables. Par opposition, il y a libération de métaux dans la phase hydrosoluble de l'échantillon de résidus terrestres. Dans les deux échantillons, la plupart des métaux semblent être associés principalement à la phase résiduelle inerte. Cependant, une quantité significative de métaux est associée à la phase oxydable (complexes organométalliques, sulfures de métaux) dans l'échantillon de résidus lacustres, ce qui n'était pas apparent dans l'échantillon de résidus terrestres. Ces résultats provisoires portent à croire que les résidus subaquatiques ont une réactivité chimique minimale et qu'ils ne provoquent pas la dégradation de l'environnement biochimique dans le lac Benson.
On a examiné en détail le biote du lac Benson. On s'est rendu compte que la communauté d'invertébrés benthiques du lac s'était rétablie de sorte à refléter la structure des communautés et la densité d'organismes typiques des lacs oligotrophes partout au Canada et à travers le monde. Les densités nettes de phytoplancton et la structure des communautés ressemblent à d'autres densités et assemblages qui se trouvent dans le lac témoin et dans d'autres lacs de chaîne côtière en Colombie-Britannique. En outre, la composition des espèces de zooplancton du lac Benson ressemble à celle du lac témoin, mais les densités sont beaucoup moins élevées dans ces deux lacs que dans d'autres lacs oligotrophes côtiers.
La végétation aquatique est bien établie dans la zone littorale du lac, notamment le long des rivages sud et est. La végétation du lac Benson contient des quantités élevées d'arsenic et de cuivre, comparativement à la végétation du lac témoin. L'arsenic s'accumule dans les racines, les tiges et les feuilles du prêle (Equisetum sp.) et du potamot (Potamogeton sp.) et le cuivre, dans les racines du prêle et dans les racines, les tiges et les feuilles du potamot.
L'échantillonnage de poissons a confirmé la présence de truite arc-en-ciel dans les lac Benson et Keogh, d'une espèce d'omble dans le lac Benson, et de truite fardée dans le lac Keogh. Les poissons du lac Benson sont beaucoup plus grands et ont un coefficient de condition beaucoup plus élevé que les poissons du lac témoin. En outre, les concentrations de métaux dans la chair des poissons du lac Benson sont inférieures à la charge corporelle de métaux des poissons du lac témoin, bien que les concentrations de métaux dans le foie soient plus élevées. Toutefois, les concentrations de tous les métaux dans les poissons des deux lacs se trouvent dans la gamme de concentrations des mêmes métaux dans les tissus et foies de poissons provenant d'eaux canadiennes non polluées. Le contenu des estomacs de poissons du lac Benson porte à croire que la communautés rétablie d'invertébrés benthiques fait partie du régime alimentaire des poissons du lac.