L'évaluation de la réactivité des stériles comportant un risque de production d'acide
et/ou de dégagement de métaux fait appel généralement à des méthodes d'essai
cinétique, comme les cellules d'humidité et les essais en colonne. En général, ces
essais sont effectués sur des périodes allant de dizaines à des centaines de semaines
pour l'évaluation d'un seul échantillon de stérile. Chaque essai permet de mesurer une
seule vitesse de production d'acide ou de dégagement de métaux. De toute évidence,
il y a lieu de disposer d'autres méthodes d'essai qui permettraient d'obtenir des
données plus rentables pour évaluer la réactivité des stériles.
Nous avons adapté la méthode de mesure de la vitesse de consommation d'oxygène,
initialement mise au point pour évaluer les résidus réactifs en laboratoire et sur le
terrain, en vue de déterminer les vitesses de réaction d'échantillons de stérile dans le
cadre d'expériences de courte durée. Cette technique permet d'obtenir des données
sur les vitesses de réaction qui viennent compléter celles obtenues avec les cellules
humidité. Comme elle traite simultanément de nombreux échantillons, cette technique
fournit un plus grand nombre de données cinétiques qui permettent de procéder de
façon plus rentable à l'évaluation statistique et à l'interprétation. Cette étude porte sur
la mise au point de cette technique, sur la démonstration de l'interprétation et sur une
comparaison de plusieurs types de stérile provenant de certaines mines et obtenus au
cours de certains projets d'exploration.
Nous avons mis au point une méthode expérimentale permettant d'évaluer la vitesse
de consommation d'oxygène par les stériles sulfurés. Dans cette technique, on place
un échantillon de stérile acidogène dans une enceinte scellée, puis on mesure la
concentration d'oxygène dans la phase gazeuse sur une période de 2 à 3 jours. Le
programme de recherche avait pour but d'évaluer l'effet de la granulométrie, la teneur
en soufre, la température et l'inoculation avec Thiobacillus ferrooxidans sur la vitesse
de consommation d'oxygène par des échantillons de stérile. Nous avons prélevé des
échantillons de stérile et de carotte à un certain nombre d'endroits, puis nous avons
comparé et confronté les vitesses de consommation d'oxygène par différents types de
roches.
Selon les prévisions, la vitesse de consommation d'oxygène augmenterait en présence
d'une dimunition de la granulométrie, d'une augmentation de la température et d'une
teneur en soufre plus élevées et après inoculation avec T. ferrooxidans. En général,
les résultats expérimentaux concordaient avec les tendances prévues. Les effets de la
granulométrie ont été étudiés sur une plage de tailles allant de 0,07 à 100 mm. La
vitesse de consommation d'oxygène était une fonction de 1/dn, où n était généralement
compris entre 0,8 et 1,6 inclusivement pour les échantillons non inoculés. Les valeurs
de n étaient légèrement plus faibles pour les échantillons inoculés avec
T. ferrooxidans, se situant normalement entre 0,3 et 0,7. La vitesse de consommation
d'oxygène par des échantillons inoculés avec T. ferrooxidans variait de façon linéaire
avec la teneur totale en soufre des stériles. Les vitesses de consommation d'oxygène
par des échantillons de roche non inoculés ne dépendaient pas étroitement de la
teneur en soufre. La vitesse de consommation d'oxygène par des roches contenant de
la pyrrhotine comme minéral sulfuré principal augmentait par un facteur de 2 à 10
après inoculation avec T. ferrooxidans à des températures de 20 et de 30 oC. Les
vitesses de consommation d'oxygène par des roches contenant de la pyrite comme
minéral sulfuré principal augmentaient par un facteur pouvant atteindre 60 après
inoculation. L'augmentation plus prononcée des vitesses de consommation par la
pyrite semblait dépendre des vitesses relativement élevées d'oxydation de la
pyrrhotine en l'absence de bactéries, en comparaison des vitesses de consommation
par la pyrite dans des conditions semblables. À des températures inférieures à 20 oC,
l'inoculation n'augmentait guère les vitesses de consommation d'oxygène.
Nous avons mesuré les vitesses de dégagement de sulfate par certains échantillons
de roche utilisés pour déterminer la consommation d'oxygène et nous les avons
comparées aux vitesses de consommation d'oxygène obtenues à partir de la
stoechiométrie de l'oxydation de la pyrite et de la pyrrhotine. La vitesse de
consommation d'oxygène surestimait régulièrement la vitesse de dégagement de
sulfate par les échantillons contenant de la pyrrhotine. L'oxydation partielle du sulfure
dans la pyrrhotine, qui entraînait un enrichissement en soufre à la surface, permet de
rendre compte de 60 à 90 % de la consommation totale d'oxygène par la pyrrhotine, ce
qui concorde avec les résultats obtenus lors d'études plus fondamentales de la
cinétique d'oxydation de la pyrrhotine pendant les premières étapes de l'oxydation
(allant de semaines à des mois). Les échantillons contenant de la pyrite comme
minéral sulfuré principal consomment de l'oxygène à des vitesses qui concordent
étroitement avec la quantité de sulfate dégagé.
Les mesures de la consommation d'oxygène permettent de déterminer les vitesses de
réaction dans les échantillons de stérile, que l'on peut utiliser pour interpréter les
risques de production d'acide et les vitesses de lixiviation de métaux. Les données
peuvent servir à évaluer les vitesses d'épuisement des minéraux sulfurés, ainsi que le
potentiel de neutralisation. La méthode ne permet pas d'établir la chimie en milieu
aqueux, mais les vitesses de consommation d'oxygène peuvent servir à déduire la
chimie du drainage et à fournir des données complémentaires lors d'autres essais
servant à déterminer la cinétique, comme les cellules d'humidité. De plus, les résultats
des déterminations de la consommation d'oxygène peuvent être utilisés dans des
modèles perfectionnés simulant les stériles, si de telles méthodes sont nécessaires
pour procéder à des évaluations plus poussées.