Le sélénium et le molybdène sont des éléments traces d’origine naturelle qui sont souvent libérés dans l’environnement dans des concentrations relativement peu élevées par l’industrie minière. À l’heure actuelle, le Règlement sur les effluents des mines de métaux (REMM) du Canada n’identifie pas de limites pour l’un ou l’autre de ces éléments. Pour établir de façon indépendante des objectifs de rejet pour le sélénium et le molybdénium, il est possible d’utiliser des critères de qualité de l’eau pour la protection de la vie aquatique, par exemple 0.001 mg/L pour le sélénium et 0.073 mg/L pour le molybénium. Cette approche simple est problématique parce que les limites réglementaires récemment établies pour protéger la qualité de l’eau sont très peu élevées, ce qui reflète des scénarios extrêmes qui ne se produiront probablement pas dans les milieux récepteurs à la plupart des sites miniers au Canada. Les limites réglementaires pour le sélénium et le molybdène s’inspirent d’une approche basée sur les critères génériques qui comporte de nombreuses hypothèses multiplicatives de par leur conservatisme. Ces limites assureront la protection de l’environnement, mais elles sont très probablement exagérément restrictives pour la plupart des sites. Une approche particulière au site, basée sur l’évaluation des risques écologiques est souhaitable dans la majorité des cas pour résoudre la question des limites des effluents.
L’établissement de limites à partir des critères de qualité de l’eau génériques est problématique dans le cas du sélénium et du molybdène, à cause d’aspects uniques à ces deux éléments, notamment :
• les deux éléments sont des nutriments essentiels pour les plantes et les animaux, et des processus uniques régissent leur régulation physiologique;
• la marge relativement mince entre les niveaux d’exposition qui sont suffisants et requis, du point de vue de la nutrition, et les niveaux qui peuvent éventuellement être toxiques;
• la variabilité dans la répartition, la bio-absorption et la toxicité du sélénium et du molybdène, selon la forme de ces éléments;
• la possibilité que les rejets de sélénium et de molybdène dans l’eau aient des effets toxiques sur la faune terrestre, en raison des voies d’exposition directes et indirectes dans la chaîne alimentaire; et
• la complexité générale des interactions dans le milieu récepteur qui déterminent la forme chimique du sélénium ou du molybdène et la répartition entre les divers milieux environnementaux, notamment les chaînes alimentaires aquatiques et terrestres.
Le sélénium est l’un des rares éléments pour lesquels des impacts importants à la fois sur les biotes aquatiques et terrestres ont été démontrés via la colonne d’eau. C’est pourquoi le sélénium a fait l’objet d’une réglementation restrictive et de recherches sur les risques écologiques au Canada et ailleurs. Il est important de comprendre que les exemples documentés d’impacts attribuables au sélénium (p. ex. réservoirs de drainage agricole dans les régions sélénifères de l’ouest des États-Unis et réservoirs touchés par les effets du charbon) sont plutôt uniques. Bien que ces exemples aient permis d’augmenter de beaucoup les connaissances, toute hypothèse selon laquelle tous les milieux récepteurs auront la même réaction n’est pas justifiée ou fondée, comme le montrent les nombreux cas, dont des sites miniers au Canada, où sont enregistrés des dépassements de seuils réglementaires d’exposition au sélénium alors que les seuils sont conservateurs et qu’il n’y a aucun effet mesurable.
On doit l’établissement de limites réglementaires pour le sélénium aux constatations faites aux sites problématiques. Cette compréhension du comportement environnemental et de l’écotoxicité du sélénium représente la régio-spécificité en termes des milieux et des organismes en cause. Par conséquent, en appliquant ces cas à la protection de l’environnement ailleurs, il faut faire preuve de prudence et tenir compte des facteurs modificatifs clés. Les données de ces sites sont présentées pour démontrer diverses approches d’évaluation spécifique au site et le rôle des facteurs modificatifs déterminant le risque issu du sélénium.
Il n’existe aucune preuve que le molybdène a eu des impacts importants comparables à ceux qui sont attribués au sélénium. La crainte que les rejets de molybdène dans les réseaux aquatiques aient des impacts sur la chaîne alimentaire est en grande partie théorique et découle des éventuels effets toxiques du molybdène sur un groupe d’animaux particulièrement sensibles (c.-à-d. les ruminants). La plupart des recherches et des données sur les sites problématiques indiquent une probabilité extrêmement faible que le molybdène contenu dans les effluents déversés dans les plans d’eau aient des répercussions nuisibles sur les espèces sensibles de la faune terrestre ayant besoin du milieu aquatique. Certaines des données spécifiques aux sites problématiques sont présentées pour clarifier ce point de vue.
En fin de compte, une extrapolation générale des préoccupations conservatrices et la caractérisation toxicologique du sélénium et du molybdène ne sont pas efficaces pour déterminer la présence d’effets mesurables dans le cas d’un rejet de ces éléments dans un plan d’eau. L’évaluation des risques particuliers au site (ERPS) constitue le meilleur moyen de déterminer si un rejet de sélénium ou de molybdène aura vraisemblablement des impacts. Cette façon de procéder représente un consensus émergent parmi de nombreux intervenants avertis et chercheurs.
L’ERPS peut permettre d’assurer jusqu’à un certain point que les effets nuisibles seront évités sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à un conservatisme indu ou à des mesures excessives de gestion préventive. Dans le cas du sélénium, l’ERPS nécessite de prendre en compte tous les processus de transport dans l’environnement et toutes les chaînes de pénétration dans l’environnement qui peuvent être en dernier ressort liés à l’environnement et au réseau trophique. Les valeurs générales implicites des divers paramètres du transport sont identifiées dans le présent document, mais il est fortement recommandé d’utiliser les valeurs spécifiques au site. Pour le sélénium, les éléments cruciaux de l’ERPS comprennent :
• la caractérisation du milieu récepteur, parce que l’absorption du sélénium par le réseau trophique dépend beaucoup des caractéristiques de l’habitat – l’évaluation des sédiments est essentielle parce que ce milieu environnemental peut représenter le principal lien entre le sélénium dans le milieu physique et la chaîne alimentaire;
• une sélection attentive des facteurs de bioaccumulation qui conviennent au scénario étudié – il faut autant que possible utiliser les valeurs spécifiques au site;
• l’utilisation de seuils de toxicité basés sur les tissus nécessite une solide connaissance de l’absorption ainsi que la prise en compte des récepteurs du site et de leur régime alimentaire.
Dans le cas du molybdène, l’ERPS ne nécessitera probablement pas le même niveau de détail et de délimitation des chaînes de pénétration dans l’environnement que dans le cas du sélénium. Cela s’explique principalement par le fait que le molybdène a beaucoup moins tendance à bioaccumuler comparativement au sélénium et par le fait que l’exposition au molybdène par le biais du réseau trophique est généralement peu élevée par rapport aux seuils de toxicité. La principale préoccupation consiste en l’exposition des ruminants par le biais de la consommation de plantes renfermant beaucoup de molybdène.
Pour la gestion de l’un ou l’autre élément à des fins de protection de l’environnement, l’ERPS doit tenir compte efficacement de tous les modes d’exposition pertinents. L’ERPS ne doit pas être utilisée seule, tout particulièrement dans le cas du sélénium. L’ERPS doit faire partie d’un plan de gestion global qui inclut une caractérisation appropriée du site, une planification des rejets, et des programmes de suivi des effets sur l’environnement ciblés et efficaces. Ces derniers points sont illustrés dans des études de cas portant sur des sites miniers situés au Canada.