L'application de la télédétection et de la géophysique à la détection et à la surveillance des eaux acides de drainage minier (EADM) a dépassé l'étape expérimentale; en effet, on utilise ces techniques pour la gestion des déchets d'un bon nombre de mines en activité et abandonnées. Des études expérimentales, réalisées surtout en Amérique du Nord et en Australie, ont permis de montrer que des mesures non invasives réalisées à partir de plates-formes satellitaires, aéroportées, terrestres et maritimes peuvent servir à reconnaître et à cartographier de façon efficace le déplacement des effluents acides dans les chantiers de mines et autour de ceux-ci. Certaines méthodes ne permettent de déterminer que les modifications se produisant dans le premier mètre environ de la surface du sol; d'autres sont efficaces pour des profondeurs allant de 1 à 5 mètres. D'autres, par contre, permettent de détecter des panaches à plusieurs dizaines de mètres ou plus sous la surface du sol. Certaines méthodes sont qualitatives, d'autres permettent d'obtenir des données quantitatives offrant divers degrés de précision et de fiabilité. Des études, parrainées essentiellement par des organismes gouvernementaux, mais appuyés dans de nombreux cas par l'industrie, visent à déterminer l'efficacité de toute une gamme de méthodes et de techniques, surtout par des essais et par l'examen de données dont on dispose pour les alentours des mines abandonnées. L'étude la plus ambitieuse à ce jour est peut-être celle qui vient d'être effectuée dans la région de Sudbury en Ontario dans le cadre du programme NEDEM (Programme de neutralisation des eaux de drainage dans l'environnement minier) par l'INCO Exploration and Technical Services Limited (King, 1994). Cette étude établit des paramètres utiles à l'application de certaines techniques dans un milieu géologique donné. Il est nécessaire que des études semblables soient effectuées le plus rapidement possible pour augmenter la gamme des méthodes utilisables et des applications possibles et permettre d'étendre celles-ci à d'autres milieux géologiques et topographiques.
De grands progrès ont été réalisés dans l'élaboration de lignes directrices pour l'application rentable tant de la télédétection que de la géophysique aux problèmes des EADM. Par exemple, les techniques autres que d'application géophysique de télédétection sont particulièrement efficaces pour déterminer les paramètres de cartographie thématique et de terrain nécessaires à une surveillance adéquate des changements des conditions qui se produisent avec le temps dans les milieux de drainage minier tant actifs que potentiels.
La cartographie de l'envahissement par la végétation, de la mortalité massive et de la morbidité des plantes ainsi que du stress qu'elles subissent, de même que la détermination du pourcentage et de la distribution de la couverture végétale par type, constituent des techniques permettant d'évaluer efficacement les effets de l'infiltration des EADM et de toute mesure de dépollution. Bien que nous recommandions avec confiance les données LANDSAT et autres données satellites de télédétection pour les études préliminaires, des recherches récentes réalisées sur les techniques multispectrales aériennes semblent indiquer qu'il s'agit-là d'un processus plus efficace, à cause de la meilleure résolution tant spatiale que spectrale qu'il permet.
La détection directe et la cartographie efficace de l'humidité superficielle liée à l'infiltration, à l'accumulation d'eau et aux configurations de drainage passe d'abord par l'utilisation des techniques traditionnelles de la photographie aérienne pour la production de cartes tridimensionnelles des zones de drainage ou du terrain, puis par l'utilisation de données satellites et multispectrales aériennes pour la cartographie des étangs et la détection des infiltrations. Pour déceler l'humidité sub-superficielle, on utilise des techniques à infrarouge thermique ou la méthode indirecte de surveillance du stress et des caractéristiques de la vigueur de la végétation et de la couverture végétale. Citons, comme autres indicateurs potentiels : la cartographie des mines à ciel ouvert, de l'alluvionnement des chenaux de dérivation, de rupture de barrages et de la variation des conditions menant à une rupture imminente de barrage. Ces indicateurs peuvent tous être décelés au moyen de photos aériennes et de surveillance par images multispectrales et infrarouges.
Alors que, d'un avis assez général, les méthodes de télédétection classiques, (à l'exception peut-être des mesures infrarouges), ne permettent que la détection directe de conditions d'infiltration très peu profonde, l'utilisation de techniques multispectrales, tant satellites qu'aériennes, permet de déceler des changements dans la végétation ou la couverture végétale qui révèlent des problèmes d'EADM sous la surface du sol. Ces techniques sont plutôt récentes, et méritent - ce qui se produira probablement - qu'on s'y attarde plus dans un proche avenir.
L'utilisation des spectroradiomètres est relativement nouvelle et se répand rapidement. La collecte de signatures spectrales de référence est devenue une composante importante de la caractérisation des sites à des fins de dépollution de l'environnement. En outre, les géologues commencent à utiliser les spectroradiomètres pour l'exploration minérale en milieux arides et semi-arides et pour la caractérisation des résidus miniers et des stériles. On voit apparaître sur le marché des logiciels permettant aux analystes d'utiliser les signatures de référence recueillies ou d'avoir accès aux banques spectrales existantes, ces données pouvant faire partie intégrante de l'analyse des données aériennes ou satellites.
Les véritables points forts de ces méthodes ne sont pas tant les données brutes que la capacité d'analyser et d'intégrer ces données à d'autres sources de données en cernant avec précision la réalité décrite par un ensemble de données inférentielles et ce, grâce à l'analyse des images et aux systèmes SIG (système d'information géographique). Cette capacité d'intégration est cruciale dans le cas des EADM. Etant donné que les sources d'information nécessaires sont très diversifiées, il faut non seulement analyser et intégrer adéquatement les diverses séries de données de télédétection, mais il faut aussi incorporer à ce processus une vaste gamme de données géophysiques et les analyser.
Les données de levés géophysiques aériens classiques, surtout électromagnétiques, mais aussi de spectrométrie magnétique et gamma, peuvent être utilisées comme information de base pour établir les paramètres physiques naturels du sol, et pour déceler et surveiller en continu des changements causés par des effluents de mine acides. Selon l'ampleur de l'infiltration et la composition des effluents, les changements peuvent être décelés à des dizaines et parfois à des centaines de mètres sous la surface du sol.
On utilise largement les techniques géophysiques terrestres dans l'industrie de la gestion des déchets pour cartographier les panaches de contaminants ainsi que la structure et la stratigraphie des sites d'enfouissement. Ces techniques sont souvent suivies des forages habituels et d'une surveillance par des méthodes physiques et chimiques in situ. Les levés géophysiques constituent des techniques de reconnaissance peu coûteuses permettant de déterminer et d'établir les limites des problèmes d'infiltration, de diriger des programmes de forage rentables et de surveiller les changements qui se produisent au-delà des zones forées.
Les diagraphies géophysiques sont largement utilisées pour déterminer les paramètres physiques touchés par la contamination acide et pour trouver les zones de contamination décelées au moyen des mesures en surface. On combine les mesures faites entre les sondages et de la surface à des sondages pour tenter d'obtenir des représentations tridimensionnelles des zones d'anomalies de la conductivité électrique ou d'impédance acoustique. Les méthodes de sondage ne font pas l'objet de la présente étude. On y fait brièvement référence (voir bibliographie générale).
L'objectif second de toutes ces techniques géophysiques est de déterminer la stratigraphie, la structure du substratum rocheux, l'architecture des stériles miniers, etc., qui peuvent aider à élaborer un programme de vérification et de suivi des mesures correctrices apportées.
Les méthodes géophysiques terrestres qui semblent présenter le plus grand potentiel pour les études des EADM font appel à l'électromagnétique Oarges bandes ou multifréquences), au géoradar, à la polarisation induite et, étonnamment, au potentiel spontané. Les trois premières méthodes fournissent de l'information directe sur les panaches de contaminants ainsi que des données indirectes sur la structure du sol et les trajectoires potentielles d'infiltration. La méthode du potentiel spontané est la seule qui permette de détecter le déplacement des contaminants acides.
La documentation actuelle souligne sans cesse l'importance d'intégrer les méthodes afin d'éliminer toute ambiguïté et d'améliorer l'identification des zones de drainage d'effluents acides. Il arrive très fréquemment qu'une condition anormale résulte d'un changement de lithologie ou de la présence d'eaux souterraines acides. L'utilisation d'une seconde méthode peut parfois aider à éliminer l'une de ces deux possibilités. Dans le cas des levés géophysiques, on insiste sur le fait que ni les données brutes, ni les données traitées, présentées sous forme de courbes, d'isolignes ou de pseudosections des paramètres mesurés, ne permettent de comprendre aussi efficacement les conditions souterraines que les données inversées.
L'inversion des données, queue soit bidimensionnelle ou tridimensionnelle, permet de présenter la distribution d'une propriété physique dans le sol, laquelle devrait correspondre aux propriétés observées lors d'un forage. Il existe maintenant des techniques d'inversion de la plupart des types de données géophysiques, mais ce n'est que depuis très récemment quelles sont utilisées dans l'industrie. Selon les auteurs, il s'agit d'un domaine qui connaîtra des progrès importants au cours des quelques prochaines années.
Ce manuel est le fruit d'une étude approfondie de la littérature, d'un sondage de plus de 900 organismes, de synthèses de catalogues de fournisseurs de matériel et de services et de nombreuses discussions entre les auteurs et des chercheurs travaillant dans le domaine de la télédétection et de la géophysique. Aucune de ces étapes n'est complète; par exemple, pour le sondage, bon nombre d'organismes oeuvrant dans les domaines de la télédétection et de la géophysique n'ont pu être rejoints. Toutefois, nous croyons que notre analyse de l'état des connaissances en ce qui a trait aux méthodes et aux applications, est plutôt précise, grâce à la synthèse que nous avons pu faire de l'information provenant des sources précitées.
Il nous a été impossible d'inclure les données concernant tous les systèmes (techniques et instruments) que l'on peut utiliser pour effectuer des levés de télédétection et géophysiques. Les lecteurs sont priés de s'adresser aux services aux clients des entreprises dont les noms figurent aux chapitres 5 et 12 et de consulter des répertoires de professionnels pour connaître d'autres fournisseurs que ceux qui ont été mentionnés dans le présent manuel.
Finalement, nous tenons à souligner que les technologies décrites dans le présent manuel sont pour la plupart relativement éprouvées, mais que leur application aux problèmes environnementaux en général et aux EADM en particulier est récente. Les auteurs ont tenté de découvrir d'autres façons d'appliquer les méthodes de télédétection géophysique aux problèmes des EADM. Nous encourageons les lecteurs à faire leurs propres essais, ajoutant ainsi à la base d'information et d'expérience existante.