Sommaire
La toxicité de l’eau interstitielle (ou eau de porosité) et la chimie des sédiments occupent une place importante dans les évaluations visant à déterminer la biodisponibilité des contaminants dans les cours d’eau recevant des effluents miniers. Les méthodes et les approches utilisées dans le cadre de ces évaluations varient considérablement quant à leur portée, leur application, leur sensibilité, leur exactitude et leur précision, leurs exigences en ce qui a trait aux ressources, leur crédibilité scientifique et leur applicabilité au secteur minier. Les responsables de la présente évaluation technique ont effectué un examen approfondi de la documentation pertinente et formulé une série de recommandations fondées sur les conclusions d’études révisées par des pairs, des rapports techniques et l’opinion de spécialistes provenant d’universités, de l’industrie, d’entreprises d’experts-conseils et du gouvernement.
Il a été démontré que l’eau interstitielle est une importante voie d’exposition aux contaminants pour de nombreux organismes benthiques. Les contaminants présents dans l’eau interstitielle peuvent se propager aux couches d’eau sus-jacentes par diffusion, bioturbation et remise en suspension. La contamination des sédiments et des couches d’eau interstitielle avoisinantes peut dès lors avoir des conséquences néfastes pour les écosystèmes aquatiques et les chaînes trophiques qui leur sont associées. L’utilité relative des échantillonnages d’eau interstitielle réalisés à des fins d’évaluation de la contamination chimique et de la toxicité dépend des objectifs de la recherche et de la nature des sédiments dans la zone étudiée. Parmi les sédiments, ce sont les dépôts d’alluvions qui soulèvent les préoccupations les plus importantes en raison de leur niveau de contamination généralement très élevé.
L’examen de la documentation consacrée à la contamination des sédiments a permis de dégager les tendances et généralités suivantes : 1) le nombre de publications révisées par les pairs et de projets financés consacrés aux sédiments contaminés s’est accru considérablement au cours des quelques dernières années; 2) la supériorité de l’approche privilégiant le dosage des fractions de contaminants biodisponibles sur celle prévoyant le dosage des concentrations totales, en vue d’évaluer les dommages causés aux écosystèmes, est clairement établie; 3) l’approche fondée sur le poids de la preuve utilisant une combinaison de variables liées aux propriétés physico-chimiques, à l’habitat, aux espèces indigènes et à la toxicité est maintenant largement reconnue comme la meilleure approche pour évaluer les problèmes causés par les contaminants en raison du fait qu’elle permet notamment de réduire l’incertitude des approches prévoyant le recours à des outils uniques; 4) l’amélioration des méthodes d’analyse et la mise au point d’indicateurs sublétaux de la toxicité et du stress ont permis d’accroître considérablement la sensibilité des méthodes de détection de la contamination des sédiments; 5) la nature des sédiments est à la fois complexe et variable; 6) l’échantillonnage et les analyses des sédiments en laboratoire peuvent modifier considérablement la biodisponibilité des contaminants; 7) la contamination des sédiments entraîne la dégradation de nombreux écosystèmes aquatiques; 8) la toxicité de l’eau interstitielle est moins fréquemment évaluée que celle des sédiments totaux.
Il est difficile de prévoir quelle fraction de la concentration totale de métaux est biodisponible, car les métaux peuvent former divers complexes renfermant un très grand nombre d’entités différentes, et leur toxicité varie rapidement en fonction du type de composés chimiques et des complexes. Il est cependant possible de déterminer la biodisponibilité des métaux totaux et de formuler des conclusions solides en utilisant les méthodes et les protocoles d’assurance de la qualité appropriés. La présente évaluation permet de tirer les conclusions suivantes : 1) l’évaluation de la toxicité de l’eau interstitielle constitue un complément utile à l’analyse des sédiments totaux; 2) les concentrations de métaux dans l’eau interstitielle pourraient s’avérer les meilleurs indicateurs de la biodisponibilité liés à la chimie des sédiments; 3) les concentrations de métaux qui dépassent les normes de qualité de l’eau doivent être considérées comme dangereuses; 4) pour faire en sorte que les résultats des essais de toxicité de l’eau interstitielle soient fiables, il faut contrôler minutieusement toutes les étapes du prélèvement, de l’extraction et des essais; 5) l’évaluation de la toxicité de l’eau interstitielle doit être effectuée seulement si les lignes directrices appropriées relatives à l’AQ et au CQ sont respectées; 6) la collecte “peeper” in situ d’échantillons d’eau interstitielle est la méthode la plus fiable, car elle permet de réduire les artefacts liés à l’échantillonnage pour les analyses chimiques et les essais de toxicité qui peuvent être effectués à partir d’échantillons de faible volume; 7) le prélèvement et(ou) l’analyse des échantillons in situ est(sont) préférable(s) à l’extraction et à l’analyse en laboratoire; 8) toutes les précautions voulues doivent être prises pour réduire les artefacts liés à l’échantillonnage (p. ex. oxydation, mélange des gradients verticaux); 9) les essais de toxicité doivent être entrepris le plus rapidement possible après l’extraction; 10) la centrifugation (10 000 x g, 30 min., 4 °C) en l’absence de filtration est considérée comme la meilleure méthode d’extraction de l’eau interstitielle lorsque les méthodes de collecte in situ s’avèrent impraticables; 11) s’il est vrai qu’un très faible nombre de laboratoires possèdent l’expérience nécessaire pour évaluer la toxicité de l’eau interstitielle, il existe quelques laboratoires qualifiés au Canada; 12) la fiabilité des concentrations de métaux totaux dans les sédiments est optimale en cas de contamination sévère; 13) les fractions facilement extractibles peuvent fournir des renseignements utiles sur certains sites, mais leur utilisation est encore confinée au domaine de la recherche; 14) la méthode d’extraction simultanée des métaux / sulfite acide volatil semble efficace pour le dosage de certains métaux dans les sédiments anaérobiques (p. ex. Cd et Ni); 15) le carbone organique dissous joue vraisemblablement un rôle déterminant dans la disponibilité du Cu; 16) le recours à une approche d’évaluation intégrée prévoyant la réalisation d’essais de toxicité et l’examen des caractéristiques des communautés biologiques et de l’habitat et des propriétés physicochimiques permet d’obtenir des résultats d’une grande précision.
Étant donné la nécessité d’adopter une approche nationale uniforme pour les évaluations environnementales, il convient d’entreprendre un projet de démonstration sur le terrain dans des sites miniers présentant des caractéristiques géologiques différentes afin de mieux évaluer l’utilité des essais de toxicité de l’eau interstitielle. Ce programme d’évaluation devrait comporter une étape de validation sur le terrain des lignes directrices sur la protection et la gestion des sédiments aquatiques en vue d’une application systématique à la surveillance des effets de l’activité minière sur les écosystèmes aquatiques. Une fois ce projet de démonstration mené à bien, il faudrait élaborer des lignes directrices en vue de l’application réglementaire des essais de toxicité de l’eau interstitielle.