Les stériles sont généralement entreposés à l’air libre. Cet environnement subaérien peut favoriser l’oxydation des minéraux sulfurés et ainsi être propice au déclenchement du drainage rocheux acide (DRA) et de l’émission correspondante de métaux présents à l’état de traces. L’industrie minière utilise et évalue présentement plusieurs stratégies, dont l’emplacement subaquatique des stériles riches en sulfures, dans le but de remédier ce problème. L’emplacement subaquatique présente un certain nombre de caractéristiques qui la rende attrayante comme solution d’entreposage à long terme. Cependant, les associations minérales secondaires qui s’accumulent au cours de l’exposition subaérienne pourraient influer considérablement sur le comportement géochimique des déchets immergés, par exemple en entraînant des effets nocifs sur la qualité de l’eau. Afin d’évaluer adéquatement les conséquences environnementales de l’entreposage subaquatique de stériles oxydés, on doit mettre au point des techniques permettant aux proposants et aux organismes gouvernementaux de faire une évaluation scientifique et, ultimement, de prévoir les impacts potentiels de cette stratégie de gestion des stériles sur la qualité de l’eau.
L’objectif ultime de ce projet était de concevoir un protocole d’essai en laboratoire qui pourrait servir à quantifier la stabilité chimique des produits d’oxydation des stériles dans divers environnements subaquatiques. À cette fin, on a d’abord examiné les mécanismes régissant la formation et la stabilité des minéraux secondaires dans les haldes de stériles, on a identifié les minéraux pouvant être présents dans ces haldes et on a évalué leur stabilité subséquente dans un environnement subaquatique. On a ensuite examiné les méthodes de laboratoire disponibles et la possibilité de les appliquer à l’évaluation des émissions de métaux par les stériles oxydés.
Dans une halde de stériles à l’air libre, l’importance de l’oxydation varie en fonction de l’emplacement; la distribution des produits d’altération est donc hétérogène. Le climat et les caractéristiques physiques d’une halde de stériles régissent indirectement la quantité de produits d’altération obtenus, en régulant l’intensité de divers facteurs physico-chimiques, comme le pH, la température, l’hydrologie de la halde et l’altération des minéraux. L’état physico chimique spécifique du site et les constituants élémentaires des stériles constituent une indication générale de la forme minéralogique des précipités métalliques. En déterminant les éléments associés à divers types de gisements de minerai et en établissant leur mobilité relative, on peut obtenir une indication des éléments qui seront retenus comme constituants majeurs ou mineurs des minéraux secondaires dans les stériles oxydés. Toutefois, les minéraux secondaires renfermant du fer et du sulfate sont présents couramment dans tous les haldes de stériles oxydés riches en sulfure et exercent un effet important sur la mobilité des autres éléments moins abondants.
La stabilité subaquatique d’un minéral est régie par ses propriétés thermodynamiques et cinétiques qui dépendent elles-mêmes de caractéristiques variables, comme l’aire, la cristallinité, la chimie en solution et la température. On a étudié quatre types généraux de dissolution minérale, soit la solubilité dans l’eau, la sensibilité au pH, la réductibilité et l’oxydabilité. Les précipités hydrosolubles présents dans les haldes de stériles sont normalement des minéraux constitués de sulfate hydraté, dont bon nombre produisent une augmentation de l’acidité lors de leur dissolution. Les minéraux du groupe des carbonates et les cations adsorbés sont extrêmement sensibles au pH et sont solubles en solution acide. Les minéraux matures constitués d’oxyhydroxydes et de sulfates sont généralement insolubles dans les eaux oxygénées, mais sont susceptibles à la dissolution réductive. On a aussi étudié la matière organique et les minéraux sulfurés, qui risquent d’être oxydés, mais l’entreposage subaquatique, on le sait, réduit au minimum les risques d’oxydation des sulfures.
On a examiné un certain nombre de méthodes d’essai pour évaluer la stabilité subaquatique des stériles oxydés; parmi ces méthodes, on compte l’extraction partielle, l’extraction séquentielle, l’agitation en flacon, essai en colonne et en réservoir. L’extraction séquentielle convient surtout comme méthode de sélection initiale pour l’évaluation des espèces métalliques libérées par les stériles subaquatiques. L’agitation en flacon, les essais en colonne et en réservoir ont été utilisés pour déterminer la stabilité subaquatique des produits d’oxydation. Toutefois, ces méthodes ne permettent pas de distinguer les processus géochimiques des phases minérales responsables de la dissolution des métaux. Comme l’extraction partielle ne permet de simuler qu’une condition environnementale, on ne peut pas, avec un essai normalisé, examiner toute une gamme d’environnements récepteurs. Par contraste, l’extraction séquentielle peut servir à évaluer le dégagement d’espèces métalliques pour toute une gamme de conditions environnementales extrêmes. L’utilisation de méthodes d’extraction séquentielle pour évaluer la stabilité subaquatique des stériles oxydés est comparable à la détermination de l’équilibre acide-base pour évaluer les caractéristiques acidogènes des stériles exposés en milieu subaérien. Cependant, les méthodes par extraction sont plus avantageuses, car elles permettent d’obtenir des données sur les associations élément-phase, que ne fournit pas la détermination de l’équilibre acide-base.
On propose une méthode d’extraction à quatre étapes pour étudier le partage des espèces métalliques dans les stériles oxydés, visant les quatre phases suivantes :
- F1 : matières solubles dans l’eau (p. ex., sulfates hydratés);
- F2 : matières échangeables/adsorbées/liées aux carbonates;
- F3 : matières réductibles totales (p. ex., oxyhydroxydes); et
- F4 : matières oxydables totales (p.ex., sulfures et matière organique).
Afin de déterminer la composition élémentaire de l’échantillon avant et après l’application de la méthode d’extraction proposée, on a utilisé deux techniques d’analyse, soit la fluorescence X et la digestion acide suivie d’une analyse par SM en plasma à couplage inductif. On devrait évaluer l’applicabilité de ces techniques au cours de la phase de vérification et de normalisation de la méthode d’extraction proposée, la méthode optimale étant retenue à ce stade. Il est indispensable de déterminer la teneur en éléments de toute la roche dans les fractions initiales et résiduelles, pour interpréter les résultats de la méthode d’extraction utilisée.
Il est de la plus haute importance de noter que les méthodes d’extraction séquentielle sont définies en fonction du besoin. Ainsi, il se peut qu’une méthode d’extraction permettant de représenter fidèlement le partage des espèces métalliques dans un type d’échantillon (p. ex., un échantillon de sol) soit inefficace pour un autre type d’échantillon (p. ex., un échantillon de stérile). Il faut donc vérifier et valider la méthode envisagée avant d’utiliser directement l’extraction séquentielle pour évaluer le dégagement de métaux par des stériles oxydés.
On peut utiliser la méthode d’extraction séquentielle pour évaluer efficacement les associations métal-phase dans un stérile, lorsque les méthodes plus directes (p. ex., microscopie électronique à balayage, fluorescence X, etc.) deviennent trop coûteuses et exigent trop de temps en raison de la nature amorphe/à grains fins de nombreux minéraux secondaires. L’extraction ne peut, à elle seule, prévoir les impacts quantitatifs sur la qualité de l’eau en raison du contrôle cinétique de la dissolution des minéraux; cependant, elle constitue, lorsqu’elle est couplée à des essais cinétiques ou in situ, un outil efficace permettant d’évaluer les risques environnementaux associés à l’emplacement subaquatique des stériles oxydés.