Pour prévenir à long terme le drainage acide, il est théoriquement possible de mélanger ou de stratifier des couches de stériles potentiellement acidogènes avec des stériles consommateurs d'acide, de manière à obtenir un composite dont les effets géochimiques seront pour ainsi dire négligeables. Dans le présent rapport, on décrit les principes théoriques généraux qui sous-tendent le mélange et la stratification de telles couches pour prévenir ou limiter le drainage rocheux acide (DRA), ainsi que certaines études de cas portant sur l'application de cette technique dans des mines, au Canada, aux États-Unis et dans d'autres parties du monde.
Le présent rapport porte particulièrement sur le mélange et la stratification de couches de stériles, ainsi que, dans une certaine mesure, sur l'ajout de calcaire et d'autres matières alcalines. L'ajout de matière alcaline avait été initialement considéré comme dépassant la portée de ce projet parrainé par le Programme de neutralisation des eaux de drainage dans l'environnement minier (NEDEM, Projet 2.37. 1). Toutefois, la portée du projet a été élargie car on a trouvé très peu d'études portant exclusivement sur les stériles mélangés, particulièrement dans les terrains houillers. On traite le cas des mines de charbon et de métaux.
Mines de charbon
La plupart des mines de charbon dont on a étudié le cas étaient situées dans la région des Appalaches, dans l'est des États-Unis, où le soufre sous forme de pyrite titrait de 0,1 à 1%. À ces endroits, l'effet du mélange des stériles était souvent masqué en raison de l'application d'autres mesures de gestion comme l'ajout de chaux et de cendres volantes ou le drainage acide provenant d'anciens sites voisins, ou les deux. Au cours du présent projet, on n'a pas trouvé de rapports exhaustifs contenant des compilations ou des évaluations des données relatives au bilan acide-base ou à des essais cinétiques, aux prévisions à long terme de la composition des effluents, au suivi des caractéristiques des stériles avant et après l'exploitation minière et au suivi de la composition des eaux de drainage avant et après l'exploitation minière. Cependant, de nombreux articles traitaient des pratiques spécifiques et générales de gestion dans des sites donnés.
Les chercheurs dans la région des Appalaches ont compilé des estimations des données relatives au bilan acide-base, pondérées en fonction du volume, provenant d'analyses de carottes de forage et ils ont comparé ces valeurs à la composition des effluents d'autres eaux de suintement. Ces compilations (diPretoro et Rauch, 1988; Ericksen et Hedin, 1988; Brady et al., 1994) ont donné lieu à l'élaboration de critères généraux applicables aux mélanges globaux de stériles, pondérés en fonction du volume, jugés susceptibles de produire des eaux de drainage alcalines, mais sans nécessairement prévenir la lixiviation des métaux. Les critères couramment cités pour les Appalaches (P. Ziemkiewicz, communication personnelle, 1997) sont les suivants:
Potentiel de neutralisation net (PNN) > 10 kg CaCO3 équivalent/tonne;
Potentiel de neutralisation (PN) > 15 kg CaCO3 équivalent/tonne;
Rapport du potentiel de neutralisation au potentiel acide (PN/PA) > 2.
Les études relatives aux stériles de charbon avaient tendance à examiner l'ajout de matières alcalines plutôt que le mélange délibéré de stériles producteurs d'acide avec des stériles consommateurs d'acide. Ces études ont montré que:
a) De fines matières alcalines réparties uniformément à travers une halde de stériles permettaient de retarder efficacement la production d'effluent acide;
b) La stratification de couches de calcaire dans les haldes testées permettait de réduire efficacement la quantité nette d'acidité produite et de retarder la production d'effluent acide, sans prévenir efficacement l'apparition d'acidité au sein des parties potentiellement acidogènes des haldes;
c) La poussière de four à chaux réduisait plus efficacement la quantité d'acidité nette produite et prévenait plus efficacement la production d'effluent acide que le calcaire, peut-être en raison de sa surface plus étendue et de la plus grande réactivité du CaO;
d) L'ordre suivant lequel les morts-terrains étaient déposés par rapport aux couches acidogènes influait beaucoup sur la composition du lixiviat;
e) Le dépôt des morts-terrains le plus tôt possible après l'excavation réduisait avantageusement le DRA.
En général, on n'a pas prévu le rapport critique de la quantité de matière alcaline ajoutée au potentiel acide qui préviendrait en permanence la production de drainage acide à des sites miniers donnés.
Mines de métaux
On a trouvé peu de mines de métaux qui avaient délibérément envisagé ou appliqué le mélange ou la stratification, ou les deux, comme méthode de prévention. En général, les sites anciens pour lesquels on disposait de données relatives à la composition de l'eau sur de longues périodes, pour confirmer ou infirmer l'efficacité de cette technique, n'offraient pas suffisamment de documentation sur les matières dont étaient constitués les haldes de stériles ni sur le degré de mélange pour permettre de tirer des conclusions. Dans le cas des sites plus récents, les matières et les procédures avaient été caractérisées, mais pas pendant assez longtemps pour faire la démonstration du succès ou de l'échec de la méthode.
Les données relatives aux sites et les données fournies à partir des essais en laboratoire avaient tendance à indiquer que:
a) Dans la majorité des cas évalués, les mélanges présentaient des rapports PN/PA inférieurs à 2;
b) Le mélange ne réduisait pas le taux d'oxydation des sulfures des matières potentiellement acidogènes sauf si une matière neutralisante hautement réactive (calcaire) avait été appliquée et si le mélange était presque idéal. En général, il n'était possible d'obtenir un mélange idéal que dans les essais en colonne ou en cellule humide. On considère qu'un tel mélange idéal ne pourrait être obtenu à grande échelle;
c) En stratifiant des couches jusqu'à 10 cm, on ne réduisait pas le taux d'oxydation des sulfures dans les matières potentiellement acidogènes;
d) Le mélange et la stratification retardaient efficacement la production d'effluent acide et réduisaient les charges en métal et en acidité sortant de la matière combinée. La présence d'eaux de drainage alcalines issues des matières de neutralisation semblait atténuer la production locale de lixiviat acide, ce qui donnait lieu à des niveaux moins élevés de drainage acide et de métaux en raison de la solubilité réduite des phases hydroxyde et carbonate aux pH élevés.
e) En prévenant la formation de l'effluent acide avec des matières mélangées ou stratifiées, on n'empêchait pas nécessairement les problèmes résultant de la quantité de métaux dissous.
Les études examinées dans le cas des mines de métaux n'ont pas permis de caractériser des mélanges de stériles sûrs qui préviendraient le DRA et la lixiviation des métaux à ces endroits.
D'après la documentation et les études de cas passées en revue, il semble que le mélange et la stratification des stériles producteurs et consommateurs d'acide puisse constituer une méthode légitime pour neutraliser les eaux de drainage acide, permettant aussi de réduire la lixiviation des métaux en faisant précipiter les métaux dans la halde. Toutefois, l'incertitude reste considérable et une étude plus poussée de l'application de cette méthode est nécessaire. Plus particulièrement, il faudrait obtenir davantage d'information dans le cadre d'études contrôlées à grande échelle sur le terrain. On recommande également la caractérisation et la documentation détaillée d'autres sites, en association avec des essais prévisionnels en laboratoire. Il s'agit de savoir quelle part de l'alcalinité peut servir à neutraliser l'acidité produite par l'oxydation des sulfures, et dans quelle mesure cette part dépend du mélange des stériles producteurs d'alcalinité et d'acidité à un site donné.