L’ajout de chaux est une méthode courante pour le traitement du drainage rocheux acide (DRA), cette neutralisation favorisant une réduction de l’acidité et la précipitation des métaux dans des boues abondantes pouvant contenir du gypse, de la calcite, des oxydes de fer et toute une gamme d’autres phases. En raison de la granulométrie extrêmement fine et du caractère souvent amorphe (non cristallin) des solides contenus dans ces boues, la composition de ces matières est difficile à élucider. Les méthodes classiques, comme la diffraction X (XRD) et la microscopie optique par exemple, se sont avérées largement inefficaces. Afin d’obtenir plus de renseignements sur la caractérisation de la phase solide des boues de neutralisation, nous avons étudié des boues de haute densité (BHD) provenant de sept sites miniers à travers le Canada, à l’aide de techniques de microscopie haute résolution en combinaison avec la caractérisation de l’influent et de l’effluent. Les principaux objectifs de la présente étude étaient : 1) de définir la nature des associations de phases métalliques présentes dans les boues, et ; 2) de définir les liens entre la chimie de l’influent/effluent du DRA, le procédé de traitement et la composition de la boue; 3) de fournir la base à partir de laquelle développer un cadre de gestion des boues dans la perspective d’une stabilité chimique à long terme.
Parmi les méthodes de microscopie haute résolution utilisées, il y avait la microscopie électronique à balayage (MEB), la microscopie électronique à balayage par transmission (MEBT) et la spectroscopie de structure près du front d’absorption X (XANES pour X ray Absorption Near Edge Structure). La MEB et, en particulier, la MEBT ont permis d’obtenir la résolution spatiale requise pour résoudre les associations trace-métal dans les échantillons de boue. En ce qui concerne la XANES, il y a une absence générale de composés modèles pertinents analogues à la plupart des phases de boue examinées et, en conséquence, l’applicabilité de la XANES pour différencier les associations métalliques dans les échantillons de boue est actuellement limitée. Toutefois, les données acquises en XANES pour le Zn donnent des renseignements sur la stabilité potentielle du Zn grâce à la différentiation de complexes potentiellement labiles ou non.
Comme prévu, SO4 était un élément dominant de tous les influents de DRA. Toutefois, nous avons pu observer une très grande variabilité des autres paramètres principaux. Parmi les chimies dominantes de l’influent, sur une base molaire, on retrouvait :
SO4>>Mg>Al>Fe>>Ca>Cl>F>Mn>Zn (Equity Mine),
SO4>Fe>>Ca =Mg (Geco Mine),
SO4>Ca>Mg>>Al>Cl>Cu =>Zn (Britannia Mine),
Na>SO4>Mg>Ca=Cl>Zn (Brunswick Mine),
Cl>Na>Ca>SO4>Mg>Zn (Chisel North Mine),
SO4>Mg>Ca>Fe>Zn (Samatosum Mine) et
SO4>Mg>>Ca>Fe>Na=Cl (Sullivan Mine).
Les compositions de l’écoulement étaient uniformément d’un pH neutre et avaient des valeurs grandement réduites en Fe, Mn, Al et les éléments traces (p. ex. Zn, Cu). Dans certains cas, les valeurs pour les espèces principales ont aussi exhibé des déclins prononcés avec le procédé BHD, y compris en SO4 (Equity, Geco et Samatosum) et pour Mg (Equity, Samatosum et Sullivan).
Les boues de traitement ont exhibé des compositions élémentaires variables, mais dans tous les cas les abondances élémentaires peuvent être liées à la chimie de l’influent du DRA. Parmi les matières cristallines identifiées par XRD, nous avons retrouvé la calcite ou la calcite-Mg (Britannia, Brunswick, Chisel, Samatosum et Sullivan) et le gypse (Equity, Geco, Samatosum et Sullivan). Toutefois, aucune de ces phases ne s’est avérée être un dépôt significatif pour les métalliques précipités.
La MEB et la MEBT ont permis de montrer que les phases comportant des métaux traces présentes dans les matières BHD étaient amorphes ou peu cristallisées, et de composition variable (allant de relativement pure à fortement hétérogène). Les phases abritant les métaux traces avaient invariablement une granulométrie fine, souvent sous forme d’agrégats ovales de taille allant de < 5 à 20 μm, et disséminées avec d’autres matières ne comportant pas de métal (p. ex. gypse). La zonalité compositionnelle, souvent en couches concentriques, est commune, les zones comportant des signatures des ions principaux contrastantes (p. ex. Fe, Mg, Al). Nous pensons qu’une telle zonalité est le résultat du recyclage de la boue lors du procédé BHD.
Les phases dominantes comportant des métaux étaient spécifiques au site et comprenaient de l’oxyhydrure de Fe pur (Geco), de l’hydroxysulfate de Mg-Al-(Fe) amorphe (Equity), de l’oxyhydrure de Zn-Cu (Britannia), de l’oxyhydrure de Zn-Fe-Mn (Brunswick et Chisel North) et de l’oxyhydrure de Fe-Mg (Samatosum et Sullivan). Pour tous les échantillons BHD, les diagrammes de diffraction électronique de zones sélectionnées ont révélé de larges anneaux diffus, en accord avec les phases amorphes et peu cristallisées. Les spectres XANES de la structure K du Zn ont révélé un mélange d’espèces du Zn labiles (complexes de sphère extrême) et moins labiles (incorporées dans la structure).
Les données indiquent que la nature de la phase dominante comportant des métaux présente dans les matières BHD est fortement dépendante de la chimie de l’influent de DRA, les concentrations et les proportions relatives de Fe, Mg, Mn, Al et SO4 étant les variables dominantes. Ainsi, les résultats de la présente évaluation soulignent le potentiel pour le développement d’un cadre de gestion des boues qui peut permettre de prédire le type de boue à partir de la composition du DRA. Afin de développer un cadre défendable, une caractérisation de la boue plus poussée serait requise afin d’évaluer sa variabilité dans une même mine et d’une mine à une autre. Une autre exigence serait aussi d’avoir une compréhension détaillée de la stabilité chimique des divers types de boue dans des environnements de dépôt variables. Actuellement, nous ne disposons pas d’assez de renseignements pour évaluer la stabilité chimique des diverses phases comportant des métaux traces identifiées dans la présente étude. Étant donné les contrastes marqués entre la nature des diverses phases comportant des métaux traces, on peut s’attendre à des différences significatives de la stabilité chimique. Pour qu’un cadre potentiel puisse être appliqué avec succès, la stabilité chimique de la boue en fonction du pH et des conditions redox doit être établie. À cette fin, il serait préférable de faire la collecte in situ d’eaux interstitielles de boue et des études en laboratoire pour déterminer les paramètres de solubilité dépendants du pH et du pE.