Le drainage minier acide (DMA) et d'autres effluents métallifères acides sont couramment traités dans l'industrie minière et métallurgique par la neutralisation à la chaux. Au moment de la neutralisation, les métaux précipitent dans l'effluent sous forme d'hydroxydes. Cette neutralisation produits des boues d'hydroxydes volumineuses à faible teneur en solides (fréquemment < 5 %). Malgré les améliorations récentes apportées à la méthode traditionnelle de neutralisation, on estime que la quantité de boues produites au Canada chaque année atteint 6,7 millions de mètres cubes. En outre, l'industrie minière canadienne est confrontée au problème de la stabilité à long terme des boues issues du traitement du DMA et de leur mise en place de manière à ce qu'elles ne présentent pas de danger pour l'environnement.
Des protocoles standard d'échantillonnage, de manutention et de caractérisation doivent être élaborés pour les boues issues du traitement du DMA. Il faut en effet adopter une approche systématique pour évaluer les caractéristiques chimiques, physiques et liées à la lixiviation des boues; celle-ci permettra de prévoir la stabilité et de manière à prendre des décisions éclairées au sujet de leur déposition.
Dans le présent rapport, on résume les travaux effectués dans les trois domaines suivants :
! une enquête sur place et un échantillonnage des boues issues du traitement du DMA de 11 mines canadiennes;
! une caractérisation détaillée des boues recueillies, notamment leurs propriétés physiques, chimiques, minéralogiques et thermiques;
! la lixiviation des échantillons de boue au moyen de deux essais distincts, avec examen des règlements en vigueur au sujet des déchets dangereux.
Le présent rapport fournit une banque de données relatives aux caractéristiques des boues traitées à la chaux qui a été appliquée ici à la discussion de la stabilité des boues. De plus, cette information peut se révéler utile aux exploitants, aux chercheurs et aux responsables de la réglementation, dans le cadre de la mise au point de méthodes de traitement améliorées, de méthodes de déposition efficaces et de tests réglementaires appropriés pour les boues issues du traitement à la chaux. Ces données peuvent aussi servir à comparer les opérations de traitement et à prévoir des problèmes liés aux boues susceptibles de surgir dans les usines de traitement.
Échantillonnage des boues
Des échantillons de boue ont été prélevés à 11 mines canadiennes (sept de métaux communs, deux d'uranium et une de charbon) de décembre 1995 à mars 1996. Pour tous les sites, on a compilé de l'information générale sur la production de DMA, la production des boues et leur mise en place, ainsi que sur l'ensemble du traitement. Lorsque c'était possible, on a prélevé des échantillons frais (c.-à-d. en bout de tuyau) et vieillis (c.-à-d. carotte prélevée en profondeur dans le bassin) pour étudier les effets du vieillissement naturel des boues.
Les plans d'échantillonnage ont été développés avant le prélèvement des carottes de boue pour que l'échantillon composite de boue vieillie soit représentatif. Le nombre d'échantillons a été choisi en grande partie d'après le volume de boue, alors que les points d'échantillonnage ont été définis après examen des caractéristiques spécifiques du site, notamment des dimensions et tendances relatives à la déposition dans le bassin. Une carotteuse manuelle commerciale avec rallonge a permis d'atteindre des profondeurs allant jusqu'à 6 m et cet outil a été recommandé pour le prélèvement des carottes en eau peu profonde ou pour le prélèvement à travers une couche de glace en hiver.
Caractérisation des boues
Les échantillons humides ont été soumis à des essais de caractérisation physique et de lixiviation. Les autres analyses (chimiques, minéralogiques et thermiques) ont été effectuées avec des échantillons de matière lyophilisée.
Les boues échantillonnées avaient un pH alcalin qui variait de 8,2 à 10,8. Dans la plupart des cas, les boues vieillies présentaient un pH plus faible que les échantillons frais. Les valeurs de Eh variaient de 58 à 315 mV, les boues vieillies enregistrant fréquemment les valeurs les plus faibles.
Les boues plus denses, généralement obtenues à partir du procédé de traitement à haute densité (HDS) présentaient à la fois les plus faibles granulométries médianes et les répartitions granulométriques les plus étroites. Un grand nombre des boues produites à partir de traitements classiques ou de traitements basiques présentaient des distributions granulométriques bimodales. Dans tous les cas sauf un, la granulométrie mesurée était plus élevée pour les boues vieillies.
La teneur en solides des boues variait de 2,4 % à 32,8 %. Dans presque tous les cas, on a constaté une augmentation d'au moins 25 % de la teneur en solides dans les échantillons vieillis par rapport aux échantillons frais. D'après les échantillons testés, aucune corrélation n'a été observée entre le degré de densification et soit l'âge de la boue déposée, soit la présence (ou l'absence) d'une couche d'eau sur le bassin de rétention des boues.
Les valeurs du potentiel de neutralisation (PN) des boues prélevées variait de 108 à 725 tonnes d'équivalents CaCO3 par 1000 tonnes de boue. Bien que les faibles valeurs du PN soient intéressantes au niveau de l'efficacité de l'usine, les boues dont le PN est élevé ont une capacité de neutralisation accrue qui influe directement sur la stabilité des boues à long terme. La teneur des boues en calcium variait de 3,8 % à 27 %; le calcium est présent sous deux formes principales, soit la calcite ou le gypse. La teneur en métaux de la boue peut être considérée comme un actif potentiellement récupérable ou comme une source de métaux sujets à la lixiviation. Il est possible de récupérer le zinc à partir de certaines boues ([Zn]>14 %). La concentration de zinc variait de 0,019 % à plus de 14,4 %. Les faibles concentrations mesurées dans le cas du cuivre et du nickel (généralement moins de 1 %) ne justifient pas la récupération de ces métaux. La teneur en aluminium variait de 0,1 % à 11 %. Le cuivre, l'arsenic, le bore, le cadmium, le chrome, le mercure, le plomb et le sélénium ne sont présents qu'à l'état de traces, soit généralement moins de 0,01 %. Les boues renfermaient de 1,5 % à 28 % de fer.
Toutes les boues contenaient des sulfates, parfois dans une proportion supérieure à 30 %. Il existait une corrélation directe entre la teneur en sulfates et la quantité de soufre total dans la plupart des échantillons de boues, signe que tout le soufre présent dans ces échantillons se trouvait sous forme de sulfates.
Les analyses minéralogiques de tous les échantillons de boue ont mis en évidence une importante phase amorphe. Les métaux facilement sujets à la lixiviation comme le zinc étaient fréquemment associés à cette phase qui semblait piéger efficacement les métaux (Al, Cu, Fe, Mg, Na, Ni, Zn) au moment de la précipitation. Le calcium est présent sous forme de calcite, de gypse et de bassanite, en grains et dans la phase amorphe. La quantité de calcite peut indiquer le degré de recristallisation et la stabilité accrue des boues. Le quartz, les silicates, les sulfures et les particules d'oxyde de fer présents dans les boues sont d'origine détritique.
Lixiviabilité des boues
On a soumis à la lixiviation des échantillons de boues issues du traitement du DMA suivant deux protocoles. La méthode d'extraction du lixiviat de l'Ontario (Ontario Leachate Extraction Procedure ou LEP) utilise comme lixiviant une solution d'acide acétique alors que la LEP modifiée (Modified LEP) consiste à remplacer l'acide acétique par une pluie acide artificielle. L'acide acétique imite les acides organiques qu'on s'attend à retrouver dans une décharge municipale et se base sur un assomption de co-déposition des déchets de traitement minier et des déchets municipaux. Par ailleurs, le mélange d'acides sulfurique et nitrique simule mieux les acides inorganiques qui sont susceptibles de venir en contact, par l'intermédiaire des précipitations acides, avec les boues dans les bassins. Généralement, on a extrait des boues moins de métal par lixiviation en les soumettant à la méthode LEP modifiée qu'avec la méthode LEP de l'Ontario. La lixiviabilité des boues dépend beaucoup du pH final du lixiviant, lequel influe sur le choix de ce lixiviant et le potentiel de neutralisation de la boue. La lixiviabilité des métaux augmente de manière inversement proportionnelle au pH, dans le cas des pH inférieurs à 9,5 environ. La quantité de métal extraite par lixiviation dépend aussi de la concentration de métal dans la boue elle-même. En général, les échantillons de boue vieillie étaient plus stables que les échantillons frais comme l'indiquent les résultats de la lixiviation, appuyés par les données minéralogiques et les analyses granulométriques.
Les boues issues du traitement du DMA sont des déchets sujets aux règlements relatifs à la gestion des déchets. Il est possible d'effectuer un test d'extraction pour déterminer si le lixiviat produit par ces déchets est susceptible de présenter une concentration supérieure aux limites permises de certains polluants. Un déchet produisant un lixiviat non conforme aux limites spécifiées dans une juridiction donnée, peut être considéré comme dangereux. Tous les échantillons de boue sauf deux qui avaient été soumis à la méthode LEP de l'Ontario ont été jugés conformes d'après une comparaison des concentrations de métaux dans le lixiviat avec les limites réglementaires régissant la classification des déchets dangereux dans les juridictions canadiennes. Une boue fraîche provenant d'une installation d'extraction des métaux communs contenait trop de zinc et une boue vieillie d'une mine d'uranium, trop d'uranium. Il existe seulement trois juridictions au Canada où la concentration de zinc est réglementée et cette boue aurait été jugée non conforme uniquement en vertu de la réglementation québécoise actuelle. Notons toutefois que les nouvelles limites réglementaires québécoises proposées ne couvrent pas le zinc. Aucun des échantillons de boue n'a échoué au test LEP modifié. Les concentrations de lixiviat mesurées par les deux tests étaient généralement au moins cinq fois plus faibles que les limites réglementaires les plus sévères.
Ainsi, les boues fraîches issues du traitement du DMA ne seraient généralement pas classifiées comme étant des déchets dangereux d'après les protocoles de lixiviation actuels et les limites réglementaires relatives aux polluants. Les boues vieillies sont encore moins susceptibles d'être considérées comme des déchets dangereux. D'après les échantillons testés, ces travaux ont montré que la stabilité des boues pose des difficultés, mais qu'il faudrait surtout se concentrer sur la mise en place et la réduction du volume des boues.
De nombreux protocoles de lixiviation ont été mis au point pour tester les déchets solides. Aucun de ces essais de lixiviation n'a été spécifiquement conçu pour évaluer la lixiviabilité des boues issues du traitement du DMA. On fournit un examen approfondi des protocoles de lixiviation réglementaires et expérimentaux utilisés au Canada et aux États-Unis. Bien que les tests réglementaires de lixiviation utilisés pour la classification des déchets dangereux au Canada fassent intervenir l'acide acétique dans leurs protocoles, des tests plus appropriés comme la méthode LEP modifiée doivent être envisagés pour évaluer la lixiviabilité des boues de traitement du DMA en vue de leur mise en place dans un bassin. C'est finalement le contexte dans lequel la lixiviabilité des boues (stabilité) est mesurée qu'il faut considérer dans l'application d'un test de lixiviation.
Dans la plupart des provinces et territoires, la mise à l'essai des boues issues du traitement du DMA et leur entreposage/mise en place sont régis par des permis spécifiques des sites ou des permis basés sur la législation pertinente. On passe en revue la réglementation du Canada et des États-Unis relative aux déchets dangereux, ainsi que d'autres règlements et lignes directrices pertinents, dans la mesure où ils s'appliquent à l'évaluation de la lixiviabilité des boues issues du traitement du DMA.