Stratos Inc. a été chargée, dans le cadre du Programme de neutralisation des eaux de drainage dans l'environnement minier (NEDEM), d'évaluer les impacts du changement climatique sur le drainage minier acide (DMA) dans les mines canadiennes. Pour réaliser ce projet, Stratos a fait appel à l’expertise technique de Brodie Consulting Ltd.
Le changement climatique présente plusieurs risques pour l’exploitation minière. À titre d’exemple, des phénomènes météorologiques extrêmes et des variations du régime des précipitations pourraient notamment interrompre la production minière et endommager les infrastructures des mines. La dégradation du pergélisol et l’augmentation des précipitations pourraient menacer l'intégrité des structures de confinement des rejets, p. ex. les couvertures et les digues des parcs à résidus. Les conditions de sécheresse pourraient entraîner une pénurie de l'eau nécessaire au traitement et à la gestion des rejets (dans le cas des couvertures d’aqueuses). Le changement climatique pourrait aussi avoir une incidence sur les infrastructures d’énergie électrique et de transport de la main d’œuvre, des approvisionnements et des produits, qui sont essentielles au secteur minier.
La présente évaluation porte principalement sur les risques liés au drainage minier acide et à la lixiviation des métaux (DMA/LM) produits par les activités minières. Le DMA et la LM se produisent lorsque les minéraux qui contiennent des métaux et du soufre (appelés minéraux sulfurés) sont exposés à l’air et à l’eau. Dans les sites miniers, la prévention et la gestion du DMA comprennent la gestion de l’eau, des résidus et des stériles. Par conséquent, les risques posés par le changement climatique relativement au DMA découlent des répercussions d’un climat en évolution sur les structures et activités de gestion de l’eau, les structures de retenue des rejets ainsi que sur les conditions hydrologiques, hydrogéologiques et géochimiques influant sur l’écoulement de l’eau et des contaminants dans les sites miniers.
Des activités d’exploitation minière ont lieu partout au Canada, de sorte qu’elles sont exposées au large éventail d’impacts régionaux projetés par les modèles climatiques, y compris les impacts plus marqués dans le nord (à cause de l’amplification arctique). Des études précédentes sur les impacts du changement climatique au Canada ont permis de déterminer divers impacts potentiels dans le secteur minier, notamment ceux qui sont associés au DMA. La présente évaluation s’appuie sur des travaux antérieurs pour analyser de plus près les répercussions possibles sur certains éléments des infrastructures et déterminer quels sont les impacts les plus probables et significatifs sur les activités minières et la société.
La présente évaluation est une analyse de risques de haut niveau, mais il ne s’agit pas d’une étude technique détaillée. Les conclusions sont fondées sur le jugement professionnel d’une équipe multidisciplinaire (ingénierie, développement durable, finances). Un petit nombre d’entrevues ont également été effectuées auprès d’experts techniques. L’évaluation comporte, entre autres, un examen de rapports récents sur les impacts du changement climatique au Canada, et, plus particulièrement, sur l’incidence de ce phénomène sur le secteur minier. Les risques ont été établis en appliquant des conditions de changement climatique (projections pour 2050) à l’infrastructure et aux activités minières les plus pertinentes en tenant compte des pratiques de prévention et de gestion du DMA. Des estimations indicatives des coûts (valeur actualisée nette) associés aux impacts ont été élaborées pour quelques uns des scénarios pertinents les plus probables.
Les conclusions suivantes ont été tirées à la suite de l'examen et de l'analyse que nous avons effectués :
Exploitation – Impact sur les activités et l'infrastructure
Un grand nombre des effets du changement climatique, sauf l'exception notable des phénomènes météorologiques extrêmes, seront graduels – de petits changements se produiront sur de longues périodes. Selon les projections actuelles des changements du climat au Canada, il est possible que les travaux d'exploitation minière en cours, qui sont prévus ou entrepris actuellement, puissent s’adapter à la plupart des changements environnementaux qui se produiront progressivement au cours des 25 à 30 prochaines années, en modifiant les pratiques de gestion ou en engageant de modestes dépenses d'investissement. Nous croyons que, pendant la phase d'exploitation de ces mines, les changements de paramètres environnementaux (température, précipitations, pergélisol) qui orientent la conception des structures clés pertinentes au DMA (c.àd. les couvertures, digues, systèmes de traitement et autres structures de gestion de l'eau) ne seront pas suffisamment importants pour accroître le DMA ou nécessiter une modification en profondeur des stratégies de prévention du DMA. Étant donné que les impacts du changement climatique varieront d'une région à l'autre, les mines seront touchées différemment et à différents degrés.
Des épisodes plus fréquents de précipitations abondantes sont prévus au Canada (RNCan, 2008; TRNEE, 2010). Il se pourrait que la capacité des ouvrages hydrauliques dans les sites miniers (digues, fossés, déversoirs de crue, étangs de retenue) ne soit pas suffisante lors de tels événements, ce qui causerait un écoulement contaminé plus important provenant du site minier ou nécessiterait la prise d'autres mesures temporaires, comme l’inondation de la fosse, risquant ainsi de causer l'arrêt des activités. Selon notre analyse de la valeur actualisée nette d'une mine de cuivre fictive au Canada, ces arrêts à eux seuls ne nuiraient pas à la rentabilité de la mine, mais pourraient avoir un impact significatif sur le résultat net. De nouvelles digues sont conçues en tenant compte des projections climatiques les plus récentes (y compris les impacts du changement climatique), mais les digues existantes pourraient, elles, être vulnérables à long terme. Les documents examinés dans le cadre de la présente évaluation semblent indiquer que les travaux de recherche doivent être poursuivis afin de déterminer les impacts du changement climatique sur les valeurs de précipitations maximales probables (PMP) et de crues maximales probables (CMP), qui sont utilisées dans la conception de digues.
Fermeture – Impact sur les activités et l'infrastructure
Les impacts du changement climatique sur les infrastructures mises en place après la fermeture d’une mine, pour le stockage et le confinement à long terme ou « permanents » des résidus et d'autres contaminants – y compris les couvertures et les digues à résidus – constituent une plus grande inquiétude. Ces impacts compliquent les défis sur le plan de la conception technique et des politiques qu’il faut relever pour assurer l’intégrité à long terme des sites miniers après leur fermeture.
Notre évaluation indique que la plupart des types de couvertures (simples couvertures de sol, couvertures qui emmagasinent et libèrent l’eau, couvertures d’aqueuse, de pergélisol ou géosynthétiques) sont vulnérables à différents degrés au changement climatique. Les couvertures géosynthétiques sont les moins sensibles aux effets directs du changement climatique . La dégradation du pergélisol dans d’une couverture de pergélisol pourrait entraîner une percolation accrue dans la couche des rejets. Les changements des régimes de précipitations, d’évapotranspiration et de température auront une incidence sur les végétaux qui pousseront sur les couvertures. Des précipitations plus abondantes et des conditions plus humides pourraient augmenter la percolation dans la couche des rejets pour les couvertures qui emmagasinent et libèrent l’eau et aussi pour les couvertures de pergélisol, ce qui augmenterait le lessivage des contaminants (DMA) dans l’environnement. Dans les régions où l’on prévoit un plus grand nombre d’épisodes de sécheresse, il pourrait y avoir une plus grande exposition des résidus à l’air et une augmentation du DMA. Ces risques pourraient toutefois être gérés en modifiant légèrement la profondeur de la couverture aqueuse. Dans les régions où le changement climatique favorisera des bilans hydriques positifs, les couvertures aqueuse ne seraient pas plus vulnérables à l’évolution du climat que les couvertures géosynthétiques.
Selon notre analyse, le scénario comportant les incidences sur les coûts les plus importantes pour une exploitation minière prévoit l’utilisation d’une couverture géosynthétique plutôt que d’une couverture plus classique afin de réduire au minimum les impacts potentiels du changement climatique. L’ampleur de l’augmentation des coûts dépendrait de la taille de la mine et du parc à résidus. Selon notre analyse de la valeur actualisée nette (VAN) d’une mine de cuivre fictive au Canada, le coût additionnel des mesures d’adaptation pourrait représenter une réduction de l’ordre de 20 % de la valeur actualisée nette (VAN).
Les conséquences en matière de coûts et de risques pour les exploitants miniers, les organismes de réglementation et la société varieront selon la façon dont on traitera les vulnérabilités des couvertures de rejets ou d’autres structures. Si le modèle de couverture sélectionné est mal adapté aux changements du climat, d’autres mesures correctives probablement plus coûteuses, comme le traitement permanent de l’eau, pourraient s’avérer nécessaires. Après la fermeture planifiée de sites miniers, dans nombre de cas, certaines activités s’y dérouleront encore et il y restera des éléments de structures techniques (digues, amas de rejets, usines de traitement) devant faire l’objet d’une surveillance et d’un entretien à long terme, voire de façon permanente. À moins de prendre des dispositions financières solides à long terme, des mines seront probablement abandonnées ou deviendront orphelines, et la responsabilité financière qui s’y rattache incombera aux contribuables. La probabilité croissante que ce scénario se réalise, ou l’impression qu’il se réalisera, pourraient constituer un risque lorsqu’un promoteur présente une demande de permis d’exploitation minière, particulièrement dans les juridictions où des plans de fermeture prévoyant le traitement permanent de l’eau suscitent déjà des préoccupations. Cela représente un risque à court terme pour les entreprises minières.
Dans le cas des mines situées près de la limite sud de la zone de pergélisol, ou dans d’autres zones où une dégradation significative du pergélisol est prévue, la conception de couvertures de pergélisol ou la décision d’utiliser une couverture de pergélisol devraient tenir compte d’analyses thermiques qui prennent en considération les scénarios de changements climatiques futurs. Ces changements auront des répercussions plus grandes sur les mines dans le nord qu’ailleurs au Canada, mais il est important de noter que les méthodes de conception technique tiennent déjà compte de l’évolution des conditions dans les climats froids. Cependant, les mines qui ont été fermées avant que ces méthodes ne soient adoptées sont probablement plus à risque.
Impacts du changement climatique sur le processus de DMA
On ne prévoit pas que les augmentations de température projetées pendant la période visée par l’étude (2,5 °C à 3,5 °C) (TRNEE, 2010) feront varier de façon significative les taux d’oxydation des sulfures d’une mine au cours de sa période d’exploitation. Lorsque le DMA est traité, un plus grand apport de réactifs de traitement pourrait être nécessaire, mais on ne s’attend pas à ce que ce seul changement entraîne une grande augmentation des coûts d’exploitation ni qu’il ne menace le potentiel de la mine.
De même, après la fermeture d’une mine, une augmentation du taux d’oxydation des sulfures pourrait entraîner une hausse des coûts de traitement à long terme. Toutefois, on estime que cet impact serait moins important que les autres impacts potentiels du changement climatique (p. ex. la défaillance de la couverture du parc à résidus) et des facteurs non liés au climat, qui pourraient nécessiter une modification de la méthode de gestion du site.
D’autres ont signalé qu’on ne comprend toujours pas bien l’incidence que les températures basses, la glace et la dégradation du pergélisol ont sur la production d'acides et la dynamique liée au potentiel acidifiant (Stratos, 2009). Selon le rapport 1.61.6 du NEDEM (SRK, 2006), peu de recherches ont été effectuées sur l’effet qu’ont les basses températures sur le rendement des installations de gestion des rejets miniers, et il y est donc recommandé de poursuivre les recherches dans ce domaine.
Il est important de noter que les sites miniers où le DMA pose déjà des problèmes, que ce soit à cause d’une conception, d’une gestion ou d’une surveillance réglementaire inadéquates, pourraient aussi être plus vulnérables aux impacts du changement climatique.
En règle générale, il existe des méthodes et des moyens plus efficaces pour minimiser le DMA plus tôt dans la durée de vie de la mine. De même, les mesures d’adaptation au changement climatique sont plus efficaces et moins coûteuses lorsqu’elles sont élaborées et intégrées aux étapes de la planification et de la conception. L’adaptation préventive comprendrait l’adaptation de la conception des infrastructures, particulièrement des couvertures, à l’étape de la conception afin que les infrastructures résistent aux conditions caractérisant l’évolution du climat à long terme.