Cette étude constitue une autre contribution dans le cadre de la série des études du programme NEDEM sur la prévision et le contrôle des eaux de drainage acides des haldes de stériles dans l'environnement minier. Au site de la mine Samatosum, dans le sud-est de la Colombie-Britannique, on a mis en œuvre en grandeur réelle pour la halde de stériles des couches superposées de roches acidifiantes et de roches neutralisantes dont les proportions ont été définies d’après un ensemble d’essais sur colonnes.
Pour cette étude, on a examiné l’information existante, interprété de nouveau d’anciennes données et obtenu de nouvelles données pour la halde en couches superposées à Samatosum et les simulations sur colonnes. À Samatosum la plupart des unités lithostratigraphiques, à l’exception des roches pyroclastiques mafiques (RPM), renferment des proportions importantes de roche génératrice nette d’acidité. La roche a donc été séparée en RPM et en roches potentiellement acidogènes (RPA). Les RPA ont été encapsulées dans des couches de RPM à l’intérieur de la halde et le rapport global du potentiel neutralisant (PN) sur le potentiel acidifiant total (PAT) dans la halde s’établissait à 3/1.
Dans les essais sur colonnes on a utilisé de 10 à 50 kg de RPM et de RPA disposées ou non en diverses couches pour des simulations. Ces essais sur colonnes ont été menés pendant jusqu’à 5,5 années afin de déterminer si la conception retenue pour la halde de stériles était appropriée. Dans les deux colonnes simulant des couches de RPA et de RPM, les rapports PN/PAT étaient cependant davantage voisins de 1/1 que de 3/1.
Puisque les concentrations en métaux comme le calcium et le magnésium dans les effluents n’ont pas été mesurées pendant les essais sur colonnes, il a été impossible de déterminer les taux d’affaiblissement ou d’épuisement du PN. Toutefois, de simples relations géochimiques et des données recueillies dans d’autres mines ont indiqué que le rapport de l’affaiblissement du PN sur l’épuisement des matériaux sulfurés dans les colonnes stratifiées de roche était vraisemblablement supérieur à 1/1. De plus, ce n’est pas la totalité du PN mesuré à Samatosum qui est disponible pour la neutralisation; jusqu’à 10 t CaCO3/1000 t ne sont pas disponibles. Il a ainsi été prévu que les colonnes auraient éventuellement dégagé une acidité nette si on en avait poursuivi l’exploitation, ce qui était contraire aux prévisions antérieures principalement parce que dans les travaux précédents on avait supposé un taux de diminution du PN inférieur et équivalent au taux de production d’alcalinité. En réalité, la production d’alcalinité ne représente de manière caractéristique qu’une partie de l’affaiblissement total du PN.
Des comparaisons des analyses effectuées avant et après les essais pour les diverses plages de granulométries utilisées dans les colonnes indiquent que l’utilisation de couches d’une épaisseur aussi faible que 0,2 m ne modifiait pas les vitesses de réaction et le comportement géochimique des RPA et des RPM. En d’autres mots, la stratification avec des RPM n’a pas ralenti les vitesses de réaction dans les couches de RPA adjacentes. Les effluents provenant des colonnes stratifiées étaient cependant tributaires des deux matériaux présents.
D’importantes accumulations de sulfates provenant de l’oxydation des sulfures ont été observées dans les RPA, dont ils provenaient, et dans les couches basales de RPM des colonnes. De plus, le PN des couches de RPM avait considérablement diminué, surtout dans les matériaux présentant la granulométrie la plus fine. En fait, l’affaiblissement du PN dans les particules les plus fines de RPM avait rendu celles-ci génératrices nettes d’acide, ce qui suggère que le PN des particules plus grosses peut ne pas être facilement disponible, ce qui confirme la prévision d’une éventuelle production nette d’acidité par les colonnes.
La surveillance du drainage provenant de la halde à Samatosum a révélé des indications d’une imminente production nette d’acidité. En fait, le pH mesuré en une des stations a oscillé entre des valeurs acides et des valeurs neutres, les valeurs acides devenant moindres et plus persistantes en fonction du temps. Toutefois, à l’opposé de ce qui a été observé dans les colonnes, la halde présentait un rapport global PN/PAT de 3/1 et aucune génération nette d’acidité n’y est ainsi prévue.
Le rapprochement des données prévues et des données de surveillance est basé (1) sur les observations sur colonnes à l’effet que la mise en place en couches ne réduit pas les vitesses de réaction dans les RPA et (2) sur le fait que la roche plus grossière peut acheminer l’eau à l’intérieur d’une couche. En conséquence, l’apparition d’une acidité nette dans une certaine partie des effluents de la halde résulte simplement de conditions physiques plutôt que d’une invalidité des principes de la géochimie, ce qui souligne l’importance de la conception physique et de l’hydrogéologie physique des futurs projets de haldes de stériles en couches. Si les eaux de drainage ne traversent pas toutes les couches neutralisantes disponibles, un drainage acide peut se manifester même en présence d’un potentiel neutralisant en excès.
Une remarque finale concentre l’attention sur la lixiviation des métaux. Bien qu’il soit possible de prévenir un pH acide par une conception et une mise en place soignées des couches, la lixiviation des métaux n’est pas si facile à contrôler. Puisque les vitesses de réaction à l’intérieur, même de couches peu épaisses (de l’ordre de 0,2 m), de roche de Samatosum génératrice nette d’acide pourraient se maintenir sans être réduites par la roche adjacente présentant un potentiel neutralisant net, il peut probablement se produire une lixiviation accélérée des métaux dans les haldes stratifiées. Si les solubilités de minéraux secondaires spécifiques à certains emplacements sont relativement élevées, les concentrations de métaux dans l’eau peuvent excéder celles prescrites dans les normes relatives à la qualité de l’eau même dans des eaux de drainage presque neutres. La mise en place en couches ne s’avère donc pas nécessairement une technique de contrôle contre la lixiviation des métaux.