Phase I: évaluation du type de bouteille, du nettoyage des bouteilles et du filtre, et de la méthode de conservation
SOMMAIRE
Contexte
Les lignes directrices et les normes applicables aux concentrations de métaux et de métalloïdes dans les eaux de surface (CCME, C.-B., Ontario, EPA) sont actuellement remises en question, la majorité des parties intéressées convenant de la nécessité de réduire bon nombre des concentrations limites de x parties par milliard à x parties par billion et de définir des valeurs limites par espèce d’élément plutôt que des valeurs limites totales. Le recours systématique à la spectrométrie d’émission de plasma induit par haute fréquence (SE/PIHF) permet de repousser les limites de la détection jusqu’à des concentrations de l’ordre de quelques parties par billion. Toutefois, l’efficacité des différents protocoles d’échantillonnage et de conservation qui régissent actuellement la mesure de concentrations de métaux et de métalloïdes comprises dans la fourchette supérieure des parties par milliard n’a pas été vérifiée (dans la littérature) à des concentrations plus faibles comprises dans la fourchette inférieure des parties par billion. Certains protocoles (p. ex. méthode 1631 de l’EPA pour le Hg) prévoient l’usage exclusif de flacons en téflon fort dispendieux pour le prélèvement et l’entreposage des échantillons d’eau. Il convient toutefois de noter qu’au moment de la publication de ces protocoles, la gamme d’articles en plastique disponibles était encore extrêmement limitée. La fraction « dissoute » des métaux est définie en pratique comme étant la fraction qui traverse un filtre à mailles de 0,45 μm. Souvent, ces protocoles ne contiennent aucune spécification concernant le type de filtre (à trajectoire tortueuse, tamis) ou les systèmes de filtration et d’épuration (p. ex. méthodes 200.7 et 200.8 de l’EPA, méthode 6020 du programme de contact de laboratoire) à utiliser, alors que la méthode d’analyse proposée est décrite dans les moindres détails.
L’objectif des travaux décrits dans les pages qui suivent consistait à recommander la méthode la plus rentable (dans une perspective coût-efficacité) et la plus efficiente pour prélever, filtrer et conserver des échantillons d’eau de surface en vue de mesurer avec précision les concentrations de Al, Ag, As, Cd, Co, Cr, Cu, Fe, Hg, Mn, Mo, Ni, Pb, Sb, Se, Tl et Zn et, en bout de ligne, uniformiser les lignes directrices relatives à la qualité de l’eau. Les recommandations formulées ci-après s’appliquent aux échantillons d’eau filtrés (0,45 μm), et non pas au « total récupérable ». Enfin, les méthodes analytiques décrites ici ne visent pas à établir la composition de la fraction dissoute, mais plutôt à mesurer la fraction totale dissoute (à l’exception du Se, dont seules les formes inorganiques sont mesurées).
Le dosage de tous les éléments à l’exception du Hg et du Se a été effectué par SE/PIHF classique par nébulisation. Cette méthode permet de repousser les limites de détection à 0,03 parties par milliard pour l’Al, à 1,7 parties par milliard pour le Fe, à 20 parties par billion pour le Cu et le Ni et à ≤10 parties par billion pour les 11 autres éléments. Ces limites sont nettement inférieures aux limites fixées pour l’eau (source des informations : EnvCan, C.-B. et Ontario). Pour le dosage du Hg (Hgo) et du Se (SeH2), on a dû recourir à une version hybride de SE/PIHF par génération de vapeur pour obtenir des mesures suffisamment sensibles, les valeurs limites s’établissant à respectivement 1 et 4 parties par billion. Toutes les étapes expérimentales préliminaires aux analyses se sont déroulées dans une salle propre de classe 100.
Résultats
Éprouvettes
Les éprouvettes recommandées pour l’analyse des échantillons d’eau renfermant de faibles concentrations de contaminants sont les tubes à centrifugation en polypropylène distribués par la société Fisherbrand. Ces éprouvettes doivent subir un trempage dans du HNO3 à 1% pendant 24 heures puis un rinçage dans l’eau avant d’être utilisées. L’utilisation des bouchons en polystyrène bleu durant le dosage de l’Al et du Zn est contre-indiquée, sous réserve d’un nettoyage minutieux au préalable. Aucun nettoyage des éprouvettes n’est nécessaire pour le dosage du Hg et du Se à des concentrations égales ou supérieures à 1 partie par billion.
Bouteilles
Les cinq types de bouteilles suivants ont été évalués : téflon (FEP, Nalge #1600); polyéthylène haute densité (HDPE, Nalge #2007); copolyester de polyéthylène téréphthalate (PETG, Nalge #2019); polypropylène (PP, Nalge #2006); HDPEP avec prénettoyage (analysé en vertu de la Loi Superfund pour respecter ou dépasser les spécifications de l’EPA). Deux méthodes de nettoyage ont été évaluées : une variante de la méthode 1638 de l’EPA; et une méthode proposée par l’État de Virginie. Ces deux méthodes se ressemblent dans la mesure où elles prévoient toutes deux l’utilisation de HNO3; la méthode de l’EPA préconise toutefois l’utilisation d’acide concentré (12M), tandis que la méthode de la Virginie utilise dans un premier temps une concentration beaucoup plus faible de 5% (v/v) et, dans un deuxième temps, du HNO3 à seulement 0,5%. La méthode de l’EPA comporte en outre un lavage initial avec une solution savonneuse. Une troisième méthode, consistant simplement à rincer trois fois chaque bouteille avec de l’eau désionisée avant le remplissage, a également été évaluée. Des groupes de cinq bouteilles ont été nettoyées selon l’une ou l’autre des trois méthodes susmentionnées. Ensuite, 125 mL de HNO3 à 0,4% (concentration d’acide couramment utilisée à des fins de conservation par la CGC et d’autres établissements) et une charge de 1 mL de HNO3 8M ont été versés dans chaque groupe de cinq bouteilles. Le dosage de tous les éléments, à l’exception du Hg, a été réalisé six jours plus tard. Le dosage du Hg a été effectué à l’aide d’une méthode complètement différente nécessitant l’emploi d’autres agents de conservation.
L’approche utilisée par certains laboratoires, qui prévoit l’ajout d’une solution de réactif HNO3 concentrée ($8M) dans la bouteille quelques heures ou quelques jours précédant le prélèvement de l’échantillon d’eau, est jugée inacceptable. La contamination est beaucoup moins importante si l’acidification survient pendant ou après le prélèvement de l’échantillon. Le nettoyage n’enlève pas les éléments disponibles, alors qu’un contact prolongé avec le HNO3 provoque la lixiviation de quantités importantes d’éléments.
La bouteille la moins dispendieuse (environ 0,90 $Can), faite de polyéthylène haute densité (HDPE) est également celle qui présente les meilleures caractéristiques. Son utilisation est de ce fait fortement recommandée. Aucun nettoyage minutieux préalable n’est nécessaire (un simple rinçage à l’eau désionisée suffit) si les lots ont été vérifiés, mais un rinçage avec une solution faible de HNO3 (5%) apparaît indiquée.
L’achat de bouteilles HDPE prénettoyées constitue une dépense inutile (environ 2,30 $Can), car les caractéristiques de ce type de bouteille sont inférieures à celles de la bouteille HDPE non prénettoyée. En outre, le niveau de contamination par le Zn augmente considérablement pour atteindre 739±195 parties par billion (comparativement à 7±4 parties par billion). La même tendance s’observe avec l’Al, le Cr, le Ni et le Pb.
D’un coût comparable à celui de la bouteille HDPE, la bouteille en polypropylène (PP) nécessite un nettoyage lorsque l’éventualité d’une contamination par l’Al constitue un problème (niveau de contamination : 594±40 parties par billion). Les deux méthodes de nettoyage permettent de réduire le niveau de contamination à un seuil négligeable. Nettement plus dispendieuse à l’achat (2,60 $Can), la bouteille en copolyester de polyéthylène téréphthalate (PETG) nécessite également un nettoyage, mais selon la méthode prévoyant l’utilisation de HNO3 à 5%.
La bouteille en téflon n’est pas recommandée en raison de son coût exorbitant. Parmi les cinq types de bouteilles examinés, c’est de loin la bouteille la moins propre. Les deux méthodes de nettoyage permettent de réduire efficacement le niveau de contamination par le Cr, le Fe, le Co, le Ni, le Cu, le Zn, le Mo et le Pb pour les projets environnementaux. Toutefois, certains éléments (p. ex. Cr et Ni) continuent de poser un problème s’il s’agit d’un projet de cartographie géochimique.
Dans l’ensemble, l’évaluation révèle que la méthode de nettoyage la moins dispendieuse, soit celle proposée par la Virginie, est supérieure à la méthode de l’EPA. L’élimination de la deuxième étape de trempage au HNO3 à 5% permettrait probablement d’accélérer cette méthode.
Tous les types de bouteilles - FEP, HDPE, PETG et PP - peuvent être utilisées sans nettoyage préalable (c’est-à-dire, après un simple rinçage) pour le dosage du Hg dans l’eau à des concentrations aussi faibles que 1 à 2 parties par billion. Aucun des milieux de conservation couramment utilisés pour le Hg - BrCl à 0,5%, HCl à 2% ou K2Cr2O7 à 0,04% dans HNO3 à 0,1% - ne semble entraîner un lessivage de concentrations détectables de ces éléments à partir du matériel utilisé pour la fabrication des bouteilles. Les méthodes de nettoyage 1631 et 1638 de l’EPA, fort complexes, peuvent donc être omises pour le Hg.
Systèmes de filtration
La majorité des filtres de 12 à 0,45 μm et de 2 à 5 μm évalués (type seringue, en ligne ou sous vide) provenaient de deux importants fabricants, Gelman et Millipore. L’objectif visé par les évaluateurs était double, dans la mesure où les niveaux de contamination prévus pour l’échantillon d’eau ordinaire (p. ex. cours d’eau) et l’échantillon d’effluent acide (p. ex. point de rejet)] étaient souhaités dans les deux cas. De l’eau désionisée de type I et du HNO3 à 0,4% ont été utilisés comme milieux d’essai.
De façon générale, les meilleurs rendements en ce qui a trait à la contamination et à la facilité d’utilisation ont été observés avec le filtre Acrodisc de type seringue à membrane Supor pour chromatographie d’échange d’ions (Gelman) et la capsule filtrante Sterivex pour seringue à membrane Durapore (Millipore). Les membranes en nylon sont à éviter, car elles sont lentes et présentent un rendement inférieur en ce qui a trait à la contamination. Le préfiltre de type seringue Millex LS 5 μm est recommandé pour les échantillons renfermant de fortes concentrations de particules. Sont également considérés comme acceptables pour la surveillance environnementale les dispositifs suivants : flacon Millicup à membrane Durapore (système sous vide); système en ligne AquaPrep à membrane Thermopor de Gelman; système AquaPrep 250 à membrane Supor. Pour la filtration des échantillons acides, les systèmes suivants sont à éviter : filtre Acrodisc nylon de type seringue; système sous vide en verre Millipore; capsule pour eaux souterraines Gelman; système AquaPrep 250 de Gelman.
Ces filtres ont également été évalués en fonction de leur capacité de retenir des éléments qui, à l’état colloïdal, devraient pouvoir traverser des pores de 0,45 μm. Un échantillon témoin global prélevé dans l’Outaouais et un échantillon d’eau traité artificiellement ont été utilisés à cette fin. Bien que recommandé en raison de son faible niveau de contamination, le système Acrodisc à membrane Supor de Gelman a présenté un rendement nettement inférieur à celui des systèmes Millipore à membrane Durapore pour ce qui est de la récupération de certains contaminants à partir de l’échantillon d’eau de l’Outaouais. Ces résultats indiquent une rétention partielle des éléments Al, Cr, Fe, Mn, Co, Pb et Zn à l’état colloïdal. En considération des taux de récupération systématiquement élevés obtenus avec les systèmes Millipore pour les 17 éléments présents dans l’échantillon d’eau témoin prélevé dans l’Outaouais, le système à capsule Sterivex ou les unités filtrantes à membrane Durapore sont recommandés pour la mesure de la fraction d’un élément de taille égale ou inférieure à 0,45 μm. Les taux de récupération les plus faibles ou, en d’autres mots, les plus forts taux de rétention des formes colloïdales ont été enregistrés avec les systèmes à membrane Supor de Gelman.
La capacité de sorption du Hg sous sa forme ionique libre des différents systèmes de filtration demeure à évaluer. Contrairement aux 16 autres éléments, les quantités de Hg ajoutées aux échantillons d’eau désionisée n’ont pas été récupérées entièrement par tous les systèmes de filtration. Des pertes minimales ont été enregistrées avec les systèmes Millipore, en particulier le flacon Millicup munie à membrane Durapore.
Stabilité
Quatre échantillons d’origine différente - rivières Outaouais, Rideau et Gatineau et eau traitée - ont été utilisés pour vérifier si l’utilisation d’un milieu à base de HNO3 à 0,4% permet de conserver efficacement les 16 éléments (c’est-à-dire, tous les éléments sauf le Hg) durant une période prolongée (un mois).
L’acidification en présence de HNO3 à 0,4% devrait assurer la conservation des éléments Al, As, Cd, Co, Cr, Cu, Fe, Mn, Mo, Ni, Pb, Sb, Se, Tl et Zn dans les échantillons pendant une période d’au moins un mois à la température de la pièce. Au-delà de cette période, la stabilité de l’Ag à des concentrations de plusieurs centaines de parties par billion est incertaine et dépend de la matrice. Le matériel utilisé pour la fabrication des contenants n’influe pas sur la stabilité de ces éléments.
Le meilleur réactif pour la conservation du Hg est le BrCl à 0,5%. Ce réactif permet de conserver des concentrations de Hg de l’ordre des parties par billion durant au moins un mois. La capacité de conservation du HCl à 2% et, tout particulièrement, du K2Cr2O7 pourrait ne pas être satisfaisante.