Les répercussions du drainage acide sur l’environnement sont nettement reconnues dans les régions du Canada dépourvues de pergélisol. Au Canada, les mines abandonnées, en exploitation et à l’état de projets sont nombreuses dans les régions à pergélisol. Ces mines nordiques disposent d’un outil supplémentaire pour lutter contre la production d’acide, soit le gel des rejets et leur conservation dans cet état. Cet outil doit faire l’objet d’une évaluation approfondie afin qu’il soit possible de déterminer où et comment il peut être utilisé économiquement par l’industrie minière en vue de la fermeture des parcs à résidus et des haldes de stériles.
Les couvertures placées sur les résidus et les stériles réactifs dans les régions dépourvues de pergélisol ont été étudiées et soumises à des essais sur le terrain durant de nombreuses années. Un bon nombre de mines en exploitation situées dans la zone de pergélisol canadienne encapsulent, ou envisagent d’encapsuler, les résidus réactifs dans le pergélisol. Cette technique peut être appliquée dans les régions à pergélisol où la température de l’air est suffisamment froide et à condition de prévoir pour la couche active. Située à la surface du sol, cette couche dégèle chaque été, ce qui peut potentiellement entraîner l’oxydation des résidus ou des stériles pendant l’été. Pour encapsuler des résidus ou des stériles dans du pergélisol, il faut placer sur ces résidus ou ces stériles un matériau (p. ex., une couverture) qui emprisonnera la zone de dégel saisonnier annuel, ou couche active, et préviendra ainsi le dégel des résidus ou des stériles près de la surface.
L’encapsulation dans le pergélisol semble être une bonne option pour les résidus réactifs lorsqu’il s’agit de pergélisol continu, parce qu’elle ne nécessite pas de 1) couverture sèche comme une formation morainique argileuse, un matériau qui est généralement absent dans la région du pergélisol continu ou de 2) couverture aqueuse, qui est difficile à maintenir en raison des taux d’évaporation élevés dans la plus grande partie de la région à pergélisol du Canada. De plus, les couvertures aqueuses coûtent cher dans les régions arctiques éloignées parce que les coûts de construction, d’inspection et d’entretien y sont plus élevés qu’ailleurs.
La mise à l’essai récente de quatre couvertures construites sur des résidus réactifs dans du pergélisol continu fournit de l’information sur les paramètres qui régissent la conception d’une couverture destinée à maintenir les résidus dans un état de gel. Ces études de cas exécutées à Nanisivik, Raglan, Lupin et Rankin Inlet correspondent à diverses opérations de gestion des résidus; approches en matière de conception de la couverture; et conditions climatiques et physiques.
Évidemment, il n’est pas question d’encapsuler des résidus dans du pergélisol lorsque les températures de l’air ne sont pas suffisamment basses pour créer un pergélisol continu. Le pergélisol se définit comme étant un terrain dont la température demeure à 0 ºC ou sous 0 ºC durant deux années consécutives mais, aux fins de l’encapsulation dans le pergélisol, il est préférable que la température de ce dernier à la profondeur d’amplitude annuelle zéro soit de – 2 ºC ou moins élevée. Cette température du sol se traduit par une température annuelle moyenne de l’air (TAMA) d’environ – 8 ºC lorsque les fluctuations à court terme de la température annuelle de l’air sont d’environ 1,5 ºC et que la différence entre la TAMA et la température annuelle moyenne de la surface du sol est de quelque 4,5 ºC.
Le critère ci-dessus ne tient pas compte du réchauffement de la planète, lequel peut avoir d’importantes répercussions sur le pergélisol. Nichols a documenté le réchauffement de la planète dès 1975. Au moyen de la datation de la tourbe par le carbone 14, il a démontré que la Terre a connu une courte période glaciaire il y a environ 300 ans et qu’elle se réchauffe depuis. Trois tendances à un réchauffement progressivement plus élevé ont été enregistrées depuis.
Les observations indiquent que près de 50 % des glaciers des Alpes suisses ont fondu entre 1850 et 1985 et qu’une proportion supplémentaire de 25 % a fondu depuis 1985 (allocution prononcée à 2003 Permafrost Conference). Anisimov et Fitzharris (2001) ont signalé que les températures de l’air ont augmenté en général de 2 à 4 º C partout dans le monde et qu’elles se sont accrues de 5 ºC/100 ans depuis le début du 20e siècle en certains endroits du nord de la Sibérie et de l’Alaska. Une hausse de la tendance au réchauffement a été observée en Alaska (Esch, 1990) et au Canada depuis 1980 (Dyke et Brooks, 2000). Les données sur la TAMA à certains sites canadiens sont fournis dans ce rapport.
À l’heure actuelle, l’encapsulation des résidus est en général faisable au nord-ouest du fleuve Mackenzie dans les Territoires du Nord-Ouest, dans tout le Nunavut et dans l’extrême-nord du Québec. Cependant, en raison de la tendance au réchauffement de la planète, l’encapsulation dans le pergélisol dans certaines régions nordiques des Territoires du Nord-Ouest et du Québec pourrait ne pas être durable dans 100 à 200 ans. Les mines qui envisagent l’encapsulation des résidus dans le pergélisol devront déterminer quel impact le réchauffement de la planète aura sur leur design.
Le concept du design dans le cas de l’encapsulation des résidus réactifs dans le pergélisol consiste à fournir un matériau de couverture suffisamment épais pour que la couche active (dégel annuel) soit maintenue dans la couverture. L’épaisseur de la couche active est fonction de la température de l’air au site, de la teneur en eau des diverses couches de sol/roche, de la couverture végétale, de l’orientation de la pente, de la couleur du matériau de surface (albédo), de l’épaisseur de la neige (qui varie selon la topographie locale) et d’autres facteurs. Comme ces facteurs varient grandement d’un site à l’autre et même quelquefois au sein d’un même site, l’épaisseur de la couche active peut se situer entre 0,5 m et 5 m. Il est important de tenir compte des facteurs particuliers au site dans la conception des couvertures.
Les facteurs dominants de l’épaisseur de la couche active dans les quatre cas présentés sont la température de l’air et la teneur en eau. Les autres facteurs sont moins importants pour ces raisons :
- couverture végétale – établir une couverture végétale dans les régions à pergélisol prend beaucoup de temps; on peut raisonnablement supposer qu’aucune végétation ne couvrira les résidus ou les stériles durant une bonne période;
- orientation de la pente – la majeure partie des résidus n’ont presque pas de pente;
- couleur – la plupart des matériaux pour les couvertures ont des couleurs similaires; cependant, la couleur pourrait être un facteur, comme le montrent les essais réalisés à Nanisivik.
Après l’établissement de la répartition de la température de l’air au site, la teneur en eau du matériau de la couverture est le plus important paramètre pour gouverner la profondeur maximale du dégel ou de l’épaisseur à donner à la couverture.
L’effet de la teneur en eau du matériau de la couverture sur l’épaisseur de la couche active est illustré par les quatres études de cas présentés dans ce rapport et par la conception proposée pour la couverture à Diavik.
Raglan - Une couverture de 2,4 m d’épaisseur a été choisie. Elle consiste en une couche de stériles concassés qui a une épaisseur de 1,2 m et qui repose sur un esker de sable et de gravier concassés d’une épaisseur de 1,2 m. Selon les mesures effectuées, la base de la couche active se trouve à 1,9 m de profondeur (pour une température de congélation de 0º C). Le sol dégèle sur 1,9 m.
Nanisivik - Cinq cellules expérimentales ont été construites. La couverture a 2 m d’épaisseur et la stratigraphie est hétérogène. Aux cinq sites, l’épaisseur de la couche active varie selon la teneur en eau de la couverture, allant de 1 m pour une teneur de 34 % à près de 1,5 m pour une teneur de 7 %. La profondeur moyenne du gel aux cinq sites varie de 1,0 à 1,4 m. La pénétration du dégel la moins élevée correspond à la teneur en eau de la couverture la plus élevée.
Lupin - La couverture a une épaisseur de 0,6 à 1,6 m et est composée de sable et de gravier d’esker. L’épaisseur de la couche active est fonction de la nappe phréatique. Elle varie de 1,3 m lorsqu’il n’y a pas de couverture et que les résidus sont entièrement saturés jusqu’à 1,8 m lorsque la nappe phréatique se trouve à la base de la couverture d’une épaisseur de 1,6 m.
Rankin Inlet - La couverture est constituée de 1 m de sable et de gravier d’esker. Le point de congélation est abaissé jusqu’à environ -4º C en raison d’une infiltration d’eau de mer et de la dissolution des sulfures oxydés. L’on estime que la couche active a une épaisseur de près de 5 m, compte tenu du rabaissement du point de congélation et de la glace visible. L’on estime que le sol dégèle jusqu’à 2,7 m de profondeur à 0 C.
Les quatre études de cas démontrent que, pour réduire le plus possible l’épaisseur de la couche active située dans une couverture, la teneur en eau de la couverture doit être la plus élevée possible. Évidemment, la teneur en eau la plus élevée que peut avoir une couverture est la saturation complète. Cependant, la saturation partielle ou totale de la couverture pourrait déboucher sur la formation, dans la couverture, d’une couche d’eau stagnante qui prévient l’oxydation sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours au gel (Li et coll., 1997). Le NEDEM a déjà montré dans certaines de ses études (NEDEM 2.22.2) qu’on obtient une barrière efficace contre la diffusion de l’oxygène si l’on maintient le degré de saturation d’une couche du sol à un niveau plus élevé que 85 à 90 %.
D’après un concept de design fourni dans NEDEM 6.1, les travaux effectués sur une couverture d’eau stagnante par Li et coll. (1997) et des essais sur colonne réalisés par CANMET (NEDEM 2.12.1e), Lupin a choisi une couverture avec zone saturée en vue de la fermeture de ses cellules situées dans le parcs à résidus (Holubec, 2002). Les résidus seront recouverts d’une couche de sable et de gravier d’esker d’une épaisseur de 1 m qui maintiendra une zone de saturation à la base de la couverture. Les résultats du suivi des conditions thermiques et de la nappe phréatique dans les cellules recouverts en 1995 et en 1998 confirment la validité de ce concept.