Le traitement de la roche stérile produite par l'exploitation de gisements sulfureux pose un défi à l'industrie minière. Lorsque les minéraux sulfureux (principalement la pyrite et la pyrrhotine) contenus dans la roche sont exposés à l'air et à l'eau, ils produisent de l'acide. En l'absence d'une quantité suffisante de minéraux alcalins ou neutralisant, l'eau de drainage devient acide, et est caractérisée par de concentrations élevées de sulfate de fer et de métaux lourds. Cette eau acide peut contaminer l'eau de surface et les eaux souterraines, et nuire à la santé de la flore, de la faune terrestre et aquatique et, possiblement, à celle des humains.
Le Centre de technologie Noranda (CTN), en collaboration avec le Centre de recherches minérales (CRM), a entrepris une étude en vue d'évaluer l'efficacité relative de diverses techniques de réduction du drainage acide produit par la roche stérile. Cette étude a été réalisée au CTN dans le cadre du programme NEDEM (Neutralisation des eaux de drainage dans l'environnement minier). Les techniques étudiées comprennent les couvertures aqueuses, les barrières géologiques, les recouvrements d'écorce, ainsi que l'ajout de calcaire et de phosphate (apatite).
Des échantillons de roche stérile susceptible de produire de l'eau acide ont été obtenus du site Stratmat de Heath Steele, près de Newcastle, au Nouveau-Brunswick, et du site Les Mine Selbaie, près de Joutel, au Québec. Les deux types de roche stérile ont été broyés à une grosseur de particules de 25 à 50 mm. L'étude comprenait des essais extérieurs en lysimètres, ainsi que des essais en laboratoire (colonnes). Les expériences ont porté sur une couverture aqueuse de 1 m, une barrière géologique composée d'une couche d'argile de 150 mm, saturée d'eau, entre deux couches de sable de 75 mm, et un recouvrement de 150 mm d'écorce de bois. Des quantités de calcaire et de phosphate ont été ajoutées en doses de 1 et 3 %. Des essais témoins, c'est-à-dire de la roche stérile sans recouvrement et sans additif, ont également été installés pour fins de comparaison. Les essais réalisés à l'extérieur ont été soumis aux conditions climatiques naturelles (pluie, gel-dégel, et évaporation). Les essais en laboratoire ont été réalisés à une température moyenne de 200 C et soumis à un cycle de 8 semaine en condition sèche, et de 8 semaines en condition humide (ajout d'eau). L'eau a été ajoutée pour simuler la précipitation annuelle moyenne dans une municipalité avoisinante, soit Dorval, Québec. Tous les essais ont été réalisés en triple.
La surveillance de la qualité de l'effluent, qui s'est échelonnée sur une période de trois ans (154 semaines), a révélé que la roche stérile dans les essais témoins commençait à produire de l'eau acide très tôt (vers la cinquième semaine). On a déterminé le taux de production d'acide (mg de CaCO3 par jour par kilogramme de roche); ce taux était plus élevé en laboratoire qu'à l'extérieur, ce qui est probablement dû à la température plus élevée à l'intérieur. La roche de Stratmat produisait de l'acide plus rapidement que la roche de Selbaie, même si cette dernière présentait une teneur cinq fois plus élevée en pyrite. Une étude détaillée des deux types de roches a été réalisée après les essais à l'Université de Western Ontario, par porosimétrie au mercure et à l'aide de techniques d'analyse de surface et de méthodes de fluorescence et de diffraction X. Les résultats indiquent que les roches fraîches et non oxydées de Stratmat et de Selbaie possèdent une structure de pores semblable mais une minéralogie de gangue différente. La roche de Stratmat est constituée de pyrite et de quantités moindres de sulfures métalliques dans une matrice de minéraux silicatés comprenant l'illite et le feldspath. Par contre, la roche de Selbaie contient surtout de la pyrite et du quartz. Il semble y avoir des traces de sulfures métalliques en solution solide avec la pyrite. Les résultats des essais de lixiviation accélérée montraient clairement que la composition de la gangue de la roche de Stratmat influait considérablement sur sa capacité de production d'acide, ce qui expliquerait le taux différent de production d'acide de la roche de Stratmat et de la roche de Selbaie.
La couverture aqueuse s'est avérée la technique la plus efficace lors des essais réalisés à l'intérieur sur une période de trois ans. Venaient ensuite l'ajout de 3 % et de 1 % de calcaire, la barrière géologique et finalement l'ajout de 3 % et de 1 % de phosphate. Voici les taux d'efficacité des diverses techniques observés lors des essais à l'extérieur: couverture aqueuse, 99 %; ajout de 1 % de calcaire, 93 %; barrière géologique, 70 %; et ajout de 1 % de phosphate, 9 %. Il y avait accroissement de 10 -15 % de l'efficacité (qui passait de 83 % à 98 %) lorsque la quantité de calcaire ajoutée à la roche était augmentée de 1 à 3 %. Un accroissement semblable de la quantité de phosphate se traduisait par une efficacité accrue qui passait de 10 % à 70 %. Toutes les techniques, à l'exception de la couverture aqueuse, étaient légèrement plus efficaces en laboratoire qu'à l'extérieur. La couverture aqueuse était aussi efficace (E 99 %) en laboratoire qu'à l'extérieur. La barrière géologique était plus efficace en laboratoire (98 %) qu'à l'extérieur (70 %). Les effets des conditions climatiques naturelles défavorables (par exemple, gel et dégel), qui sont absents lors des essais en laboratoire, peuvent expliquer cette différence. L'oxygène et l'eau, croit-on, pénètrent dans la roche stérile protégée par la barrière géologique, en passant surtout par les parois latérales des lysimètres. Il y avait dans le phosphate une certaine quantité de minéraux du groupe des carbonates (calcite), ce qui a probablement retardé pendant un certain temps la production d'acide (dans le cas de l'ajout de 3 % de phosphate). On a observé une augmentation de l'acidité et une diminution du pH dans les roches de Stratmat et de Selbaie, lorsque toute la calcite, du moins le suppose-t-on, avait été consommée. Il y a lieu de noter que l'efficacité relative des différentes techniques risque de changer avec le temps, en raison de la diminution de l'alcalinité ou de l'épuisement des substances phosphatées.
Dans le cas d'un recouvrement d'écorce, la production d'acide était accrue d'environ 60 % en laboratoire et de 500 % à l'extérieur. On a invoqué le rôle des ferrobactéries (Thiobacillus ferrooxidans) pour expliquer cette production accrue. Ce fait a été confirmé par la réduction considérable de la quantité d'acide produite après l'addition d'un bactéricide (solution contenant 0,02 % de thymol) à l'écorce. Les ferrobactéries sont surtout autotrophes (c.-à-d. qu'elles ont besoin de carbone inorganique pour leur métabolisme) et deviendraient plus actives en utilisant le CO2 produit par la décomposition fongique de l'écorce. D'autres ferrobactéries hétérotrophes utiliseraient le carbone organique dans l'écorce pour leur métabolisme. Un recouvrement d'écorce ne constitue donc pas, estime-t-on, une bonne technique pour réduire la production d'acide par les roches stériles sulfurées.
Après deux ans et demi, de faibles quantités de métaux (zinc, fer et plomb) commençaient à se dégager des roches stériles recouvertes d'une couverture aqueuse. Le temps nécessaire à l'apparition de ce phénomène peut être attribué à la présence de traces de minéraux alcalins qui étaient probablement épuisés après la période de deux ans et demi. Selon les résultats de l'étude obtenus jusqu'ici, la couverture aqueuse, même si elle ne prévient pas complètement l'oxydation, permet de diminuer considérablement la quantité d'acide produite. En fait, du point de vue rentabilité et efficacité, il s'agit, pour l'industrie, de la technique la plus prometteuse de réduction du drainage acide. Le taux d'oxydation est réduit de deux façons importantes: d'abord, l'oxydation commencera beaucoup plus tard si la roche fraîche est recouverte (deux ans et demi dans le présent cas), puis l'oxydation se poursuivra à un taux considérablement moindre, en raison de la barrière de diffusion de l'oxygène que constitue l'eau. La durée de la période qui précède le début de l'oxydation est probablement proportionnelle au potentiel de neutralisation de la roche. Dans le cas d'une roche stérile oxydée que l'on recouvre d'eau, les substances alcalines seront probablement épuisées et l'oxydation commencera immédiatement.
On peut améliorer l'efficacité de la couverture aqueuse en augmentant l'épaisseur de la couche d'eau ou en appliquant une couche organique sur les roches stériles. En présence d'une couche organique, l'oxygène sera utilisé par le processus de biodégradation, avant d'atteindre les sulfures. L'aspect pratique de l'application d'une couverture aqueuse comporte certaines autres questions (par exemple, maintien d'une couche d'eau d'épaisseur appropriée et stabilité à long terme des structures nécessaires au maintien de cette couche) qu'il faudra résoudre par l'exécution d'études hydrologiques et ingénieries. Avant de mettre cette technique en application, il faudra également procéder à des études en laboratoire, comme celle-ci, pour résoudre les incertitudes initiales.