On résume dans ce rapport les résultats d'un projet pilote, d'une durée d'un an, qui
avait été conçu pour évaluer l'efficacité de diverses matières organiques comme
couvertures permettant de limiter ou de réduire l'impact sur l'environnement du
drainage minier acide provenant des résidus acidogènes. Lakefield Research Limited a
conclu un contrat avec Falconbridge Limited pour effectuer ces travaux dans le cadre
du programme de Neutralisation des eaux de drainage dans l'environnement minier
(NEDEM). Trois matières de couverture ont été testées: boues d'épuration stabilisées
à la chaux, compost de déchets solides municipaux et tourbe. Des résidus désulfurés,
une matière de couverture inorganique, ont aussi été utilisés lors de l'étude, et ce, à
des fins de comparaison et en raison de la production potentielle de volumes
importants de ce matériau sur les sites miniers en exploitation.
Le programme d'essais comprenait trois volets: caractérisation des résidus et de la
matière de couverture, détermination en colonne de la migration des sels et tests en
cellule à l'échelle pilote. Les déterminations en colonne de la migration des sels et les
tests en cellule à l'échelle pilote ont, tous les deux, permis d'évaluer le système
couverture-résidus.
On a procédé à une caractérisation chimique, physique, minéralogique et
hydrogéologique des résidus oxydés, des résidus de pyrrhotine et des matières de
couverture. Une analyse multi-éléments a révélé que les résidus oxydés présentaient
une teneur en aluminium, en calcium, en magnésium et en sodium de 3 à 4 fois plus
élevée que les résidus de pyrrhotine. Des concentrations semblables de cadmium, de
cobalt, de chrome, de cuivre, de manganèse et de plomb ont été mesurées dans les
résidus oxydés et dans les résidus de pyrrhotine. Les concentrations de nickel et de
zinc étaient plus élevées dans les résidus de pyrrhotine que dans les résidus oxydés.
Les concentrations de fer et de soufre total dans les résidus oxydés étaient de 38 % et
de 19 %, respectivement, alors qu'elles étaient de 53 % et de 31 % dans les résidus de
pyrrhotine.
Le compost, la tourbe et la matière capillaire présentaient une distribution
granulométrique plus grossière, tandis que les résidus oxydés, les résidus désulfurés,
les résidus de pyrrhotine et les boues d'épuration stabilisées à la chaux étaient
constitués de grains beaucoup plus fins. La taille granulométrique de 80 % des
matières tamisées était de 3022 μm dans le cas de la matière capillaire, de 2835 μm
dans le cas du compost, de 2653 μm dans le cas de la tourbe, de 170 μm dans le cas
des résidus oxydés, de 130 μm dans le cas des résidus désulfurés, de 76 μm dans le
cas des boues d'épuration stabilisées à la chaux et de 34 μm dans le cas des résidus
de pyrrhotine.
La teneur volumique en humidité au moment de la réception était de 158 % pour la
tourbe, de 32 % pour les boues d'épuration stabilisées à la chaux et de 13 % pour le
compost. La valeur calculée de la porosité était de 71 % dans le cas des boues
d'épuration stabilisées à la chaux, de 59 % dans le cas du compost et de 60 % dans le
cas de la tourbe.
L'analyse minéralogique a révélé que la pyrrhotine constituait le principal minéral
sulfuré des résidus oxydés (75-80 % de sulfures, en volume) et des résidus de
pyrrhotine (>90 % de sulfures, en volume).
Des mesures in situ réalisées à la surface des couvertures dans les cellules pilotes ont
indiqué que la conductivité hydraulique ne changeait pas après un an d'essais réalisés
sur les résidus oxydés (2,0 x 10-5 cm/s), les résidus désulfurés (3,5 x 10-5 cm/s) et les
boues d'épuration stabilisées à la chaux (3 x 10-3 cm/s). Toutefois, la conductivité
hydraulique diminuait d'un ordre de grandeur à la surface de la couverture de compost
(de 2,1 x 10-1 à 2,6 x 10-2 cm/s) et de la couverture de tourbe (de 6,8 x 10-2 à 4,8 x
10-3 cm/s). La décomposition et le compactage étaient, estime-t-on, responsables de
cette diminution observée dans les valeurs de conductivité hydraulique.
Les valeurs d'entrée d'air (AEV), qui ont été estimées à partir des courbes de drainage,
étaient de 450 cm de H2O pour les résidus oxydés, de 525 cm de H2O pour les résidus
désulfurés, de 100 cm de H2O pour les boues d'épuration stabilisées à la chaux, de
25 cm de H2O pour le compost et de 15 cm de H2O pour la tourbe. Ces valeurs
indiquent que les résidus oxydés et les résidus désulfurés peuvent retenir de l'eau
sous une succion beaucoup plus intense que les boues d'épuration stabilisées à la
chaux, le compost et la tourbe. Le drainage procéderait plus rapidement dans les
boues d'épuration stabilisées à la chaux, dans le compost et dans la tourbe que dans
les résidus.
Le flux d'évaporation a été mesuré en laboratoire, et il a été déterminé qu'au cours des
sept premiers jours le rapport entre l'évaporation réelle et l'évaporation potentielle était
en moyenne de 0,75 pour les résidus oxydés, de 0,893 pour les résidus désulfurés, de
0,831 pour les boues d'épuration stabilisées à la chaux, de 0,869 pour le compost et
de 0,843 pour la tourbe. Ces rapports ont servi lors du calcul de la perte d'eau par
évaporation dans les cellules pilotes durant les mesures du bilan hydrique des cellules.
La teneur en carbone organique total (COT) de trois matières de couverture
organiques a été déterminée au début et à la fin de l'essai en cellule pilote d'une durée
d'un an. La teneur initiale était de 1,68 % dans le cas des boues d'épuration stabilisées
à la chaux, de 20,1 % dans le cas du compost et de 23,1 % dans le cas de la tourbe.
Après un an d'essais, la COT était la même dans les boues d'épuration stabilisées à la
chaux, tandis qu'il y avait eu diminution d'environ 69 % et 29 % à une profondeur de
15 cm et de 45 cm dans la couverture de compost, respectivement, et d'environ 4 % et
16 % à une profondeur de 15 cm et de 45 cm dans la couverture de tourbe,
respectivement.
Un essai d'incubation à court terme et une modélisation ont été effectués sur des
boues d'épuration stabilisées à la chaux semblables à celles utilisées lors des essais
en cellule pilote et sur un mélange constitué de ces boues d'épuration et de résidus
désulfurés. L'essai d'incubation n'a révélé aucune trace de décomposition manifestée
par un dégagement de dioxyde de carbone. Le dosage, avant et après l'essai, du COT
et du carbone organique soluble laisse supposer qu'il n'y avait décomposition que dans
les boues d'épuration stabilisées à la chaux et non dans le mélange constitué de
boues d'épuration et de résidus désulfurés. La modélisation des résultats des dosages
du COT permet de prévoir un taux annuel de décomposition de 16 % pour les boues
d'épuration stabilisées à la chaux, au cours des deux premières années, dans des
conditions climatiques semblables à celles qui règnent dans la région de Sudbury.
Après deux ans, lorsque toute la matière organique facilement décomposable aura été
épuisée, le taux de décomposition diminuera considérablement. Selon des estimations
grossières, environ 80 % du COT sera transformé en dioxyde de carbone après dix
ans. Le mélange constitué de boues d'épuration sèches stabilisées à la chaux et de
résidus désulfurés est très résistant à la décomposition.
Lors de la détermination en colonne de la migration des sels, on a observé que la
vitesse d'évaporation en surface diminuait au fur et à mesure qu'augmentait la
profondeur de la couverture. Parmi les matières de couverture examinées, les résidus
désulfurés et la tourbe présentaient les vitesses d'évaporation les plus élevées, tandis
que les boues d'épuration stabilisées à la chaux et le compost présentaient les
vitesses les plus faibles. La plus grosse augmentation de conductivité électrique a
aussi été observée à la surface des couvertures de résidus désulfurés et de tourbe,
tandis que la plus faible a été notée dans le compost et les boues d'épuration
stabilisées à la chaux, ce qui laisse supposer l'existence d'une relation directe entre
l'évaporation et l'accumulation de sel à la surface. Le sel accumulé à la surface était
surtout constitué de sulfate, de fer et de magnésium.
La vitesse d'évaporation dépendait de la teneur en humidité près de la surface des
couvertures. Au fur et à mesure qu'augmentait la profondeur de la couverture, la
teneur en humidité à la surface diminuait, entraînant ainsi une réduction de la vitesse
d'évaporation et une faible augmentation correspondante de la conductivité électrique.
La conductivité électrique élevée des boues d'épuration stabilisées à la chaux n'était
reliée, estime-t-on, ni à la vitesse d'évaporation ni à la migration vers la surface des
sels en provenance des résidus oxydés sous-jacents, mais dépendait plutôt de la
dissolution des sels présents dans les boues d'épuration. Les sels responsables de
l'augmentation de conductivité électrique étaient surtout constitués de calcium, de
magnésium, de sulfate et probablement d'ions bicarbonate et hydroxyle.
L'utilisation de barrières capillaires pour réduire la migration des sels vers la surface
était efficace dans le cas d'une couverture de 0,15 m, mais non dans le cas d'une
couverture de 0,5 m et de 1,0 m de profondeur. La barrière capillaire n'avait aucun
effet perceptible sur la vitesse d'évaporation. Les barrières capillaires ne permettaient
pas de réduire efficacement l'accumulation de sels dans la couverture épaisse, en
raison de l'ascension capillaire provoquée par le compactage et l'utilisation d'un
matériau à granularité étalée.
Lors des essais en cellule pilote d'une durée d'un an, on a observé des effets positifs
sur la réduction de la quantité d'acide produite sous la couverture constituée de boues
d'épuration stabilisées à la chaux. Il y avait augmentation du pH et de la teneur en
carbone organique dissous dans l'eau interstitielle et diminution de la teneur en sulfate
et en métaux dissous dans l'eau interstitielle des résidus oxydés sous la couverture de
boues d'épuration stabilisées à la chaux. On a aussi observé, dans la cellule pilote
comportant une couverture de boues d'épuration stabilisées à la chaux, une
augmentation du pH du lixiviat et une diminution de la concentration de sulfate et de
métaux dissous dans le lixiviat, ainsi qu'un apport moindre dans l'environnement de
sels provenant des résidus oxydés sous-jacents. L'alcalinité élevée des boues
d'épuration stabilisées à la chaux contribuait à l'augmentation de pH observée dans
l'eau interstitielle et le lixiviat. D'autres processus microbiens qui consomment de
l'acide (par exemple, la réduction des sulfates par les bactéries sulfatoréductrices)
contribuent également à l'augmentation du pH. La diminution des teneurs en sulfate et
en métaux des résidus oxydés sous-jacents était peut-être le résultat (1) de la
précipitation du fer sous forme d'hydroxyde ferrique et du sulfate sous forme de sulfate
de calcium hydraté et (2) de la précipitation des sulfures métalliques par l'intervention
de bactéries sulfatoréductrices. Les boues d'épuration stabilisées à la chaux pouvaient
consommer beaucoup d'oxygène et restaient saturées à plus de 90 % dans l'ensemble
de l'épaisseur de la couverture.
Comme on l'a mentionné plus haut, les boues d'épuration stabilisées à la chaux
comportent de nombreux avantages, mais elles suscitent aussi certaines inquiétudes
dont: pH très élevé (>12) et conductivité électrique élevée, ce qui constitue un
environnement difficile pour les plantes; concentrations de cuivre élevées dans l'eau
interstitielle des boues d'épuration stabilisées à la chaux; concentrations élevées de
phosphore total dans l'eau interstitielle et les lixiviats des boues d'épuration stabilisées
à la chaux; et concentrations élevées de phénol dans le lixiviat.
La couverture de résidus désulfurés était efficace également pour réduire l'apport de
substances dans l'environnement, en maintenant un taux élevé d'humidité et en
freinant l’infiltration de l'oxygène et de l'eau vers les résidus sous-jacents. Les résidus
désulfurés présentaient une valeur d'entrée d'air élevée (510 cm de H2O) et une faible
conductivité hydraulique (de l'ordre de 10-5 cm/s) et conservaient un degré de
saturation à plus de 90 % dans l'ensemble de l'épaisseur de la couverture. Ces
caractéristiques alliées aux faibles concentrations de sels dans la couverture ont
entraîné une diminution des volumes de lixiviat provenant des résidus oxydés
sous-jacents. Les résidus désulfurés ne convenaient pas, estimait-on, comme matière
de couverture unique, en raison de la vitesse élevée d'évaporation et de la formation
subséquente dans la couverture de fissures permettant à l'oxygène de migrer
directement jusqu'aux résidus oxydés sous-jacents. Cette migration directe de
l'oxygène est peut-être responsable de l'augmentation, indicative de l'oxydation en
cours, des concentrations de fer et de sulfate observée dans l'eau interstitielle des
résidus oxydés sous-jacents.
Le compost possédait une grande capacité de consommation d'oxygène et présentait
un pH alcalin. Toutefois, la teneur en carbone organique dissous et le pH de l'eau
interstitielle des résidus oxydés sous-jacents ne changeaient pas, mais sa teneur en
sulfate et en fer augmentait, ce qui permet de supposer que le lixiviat provenant de la
couverture n'avait pas interagi positivement avec les résidus sous-jacents. Le compost
maintenait un degré de saturation d'environ 60 % et pouvait piéger toute la
précipitation qui le pénétrait, ce qui entraînait dans l'environnement un important
apport de sels en provenance des résidus oxydés sous-jacents.
Parmi les matières organiques utilisées comme couverture qui ont été soumises à des
essais, c'est la tourbe qui semble posséder les caractéristiques les moins favorables.
La tourbe n'exerçait aucun effet sur la migration de l'oxygène, en raison de son
incapacité de consommer l'oxygène et de maintenir un niveau de saturation suffisant
pour réduire la vitesse d'infiltration de l'oxygène. Tout comme dans le cas des résidus
désulfurés et du compost, les concentrations de sulfate et de fer dans l'eau interstitielle
des résidus oxydés sous-jacents demeuraient élevées et le pH de l'eau interstitielle
des résidus restait inférieur à 4,0. De plus, tout comme dans le cas du compost, les
cellules de tourbe entraînaient, dans l'environnement, un apport élevé de sels
provenant des résidus oxydés sous-jacents.
D'après les résultats obtenus jusqu'ici, on peut conclure que ce sont les boues
d'épuration stabilisées à la chaux et les résidus désulfurés qui permettraient,
semble-t-il, de réduire le plus l'apport, dans l'environnement, de sulfate et de métaux
dans l'eau se déplaçant par migration à partir des résidus oxydés sous-jacents.
Vu la nature des résidus oxydés (c.-à-d. présence d'oxydants subsistant après une
oxydation préalable; limite des sulfates réductibles), il est nécessaire d'évaluer
l'efficacité des matières de couverture à réduire la formation d'acide sur une période
plus longue. Il a donc été recommandé de poursuivre le contrôle des couvertures
constituées de boues d'épuration stabilisées à la chaux, de résidus désulfurés et de
compost.
Comme il se peut que d'importants volumes de résidus désulfurés soient produits à
des sites d'exploitation minière et comme les caractéristiques de couverture observées
dans le cadre du présent programme d'essais sont favorables, nous examinons des
méthodes qui permettraient de réduire les pertes par évaporation des résidus
désulfurés et la fissuration qui en découle. La présence d'une barrière empêchant
l'évaporation à partir des résidus désulfurés permettrait très probablement de réduire
les pertes par évaporation, l'accumulation de sels en surface et la formation de
fissures.
Une barrière empêchant l'évaporation assurerait aussi une protection contre l'érosion
et, ainsi, permettrait de maintenir l'intégrité physique du système de couverture.
Il est recommandé de procéder sur le terrain à des essais bien conçus, ce qui
permettrait d'évaluer de façon plus approfondie la performance des couvertures, en
complément des études en laboratoire décrites dans le présent rapport.