SOMMAIRE
Dans le cadre du Programme d'évaluation des techniques de mesure d'impacts en milieu aquatique (ETIMA), une étude visant à résumer l'expérience de l'industrie minière canadienne dans les domaines de l'évaluation des mesures d'identification des causes de toxicité (IT) et de réduction de la toxicité (RT) a été entreprise. Les objectifs visés étaient les suivants : i) réaliser une évaluation critique de la qualité des données amassées dans le cadre de programmes d'IT et de RT; ii) réaliser un sondage afin d'évaluer l'utilité des stratégies d'IT et de RT et des méthodes d'évaluation des mesures d'IT et de traitement des effluents pour la détermination et la résolution des problèmes causés aux écosystèmes aquatiques par l'exploitation minière.
Un examen de la documentation scientifique a mis en évidence le manque d'informations publiées pertinentes directement liées au secteur minier canadien et aux études consacrées aux stratégies d'IT et de RT. Par voie de conséquence, l'évaluation sur la base de ces informations de l'applicabilité des stratégies de d'IT et de RT au secteur minier canadien s'est révélée impossible. Toutefois, le nombre limité d'articles auxquels il est fait référence dans le présent document ne doit pas induire le lecteur à croire que la question suscite peu d'intérêt parmi la communauté scientifique. En réalité, pour diverses raisons, les résultats de la très grande majorité des études consacrées à la question ne sont jamais publiées dans les revues scientifiques.
Il a été impossible de réaliser une évaluation globale de l'expérience du secteur minier canadien dans les domaines de l'IT et de la RT puisque moins de 50 % des entreprises minières ont répondu au sondage. Parmi les 42 entreprises minières qui ont répondu à ce sondage, seulement 25 (57 %) ont affirmé avoir éprouvé ou éprouver des problèmes de toxicité aiguë. Parmi ces dernières, 7 (28 %) ont indiqué avoir procédé à une évaluation des mesures de réduction de la toxicité, et 17 (%) ont affirmé avoir achevé au moins la première étape du processus d'IT. Très peu d'entreprises minières ont poursuivi la caractérisation des causes de la toxicité au-delà de la première étape. Parmi les 25 entreprises minières qui ont affirmé rejeter des effluents toxiques, 9 (36 %) ont mentionné que les problèmes de toxicité étaient constants, tandis que 16 (64 %) ont indiqué que ces problèmes étaient intermittents.
L'ammoniac a été le contaminant le plus fréquemment mentionné, et le degré de toxicité des effluents semblait étroitement lié au pH. Plusieurs entreprises minières ont éprouvé des difficultés à identifier les causes secondaires de toxicité. Cinq mines ont apporté des modifications à leur système ou procédé de traitement à la lumière des résultats de l'évaluation des mesures d'IT ou de RT. Ces modifications se sont révélées plus ou moins efficaces selon les mines : élimination complète des problèmes de toxicité (2 mines), réduction des causes de toxicité (1 mine) et aucun changement (2 mines). Les modifications apportées au système ou procédé de traitement ont également varié d'une mine à l'autre, allant d'une simple substitution de produit à la mise en place d'une installation de traitement des effluents à grande échelle.
Cinq études de cas consacrées à l'évaluation des mesures d'IT ou de RT ont également fait l'objet d'un examen approfondi. L'objectif visé était de fournir des exemples de telles études menées par des entreprises minières canadiennes et d'expliquer pourquoi ces études ont permis ou non d'identifier les causes de toxicité, d'apporter des modifications au système ou au processus de traitement des effluents et de réduire ou d'éliminer les problèmes de toxicité.
Étude ce cas no 1, mine de cuivre et de zinc : le cuivre et l'ammoniac étaient les principales substances toxiques mises en cause, mais la présence de substances toxiques secondaires (argent, aluminium et TSD) était soupçonnée. L'évaluation des mesures d'IT a conduit à l'élaboration d'une stratégie visant à réduire la toxicité de l'ammoniac pour la truite arc-en-ciel, principale préoccupation du client. La mine a mis un terme à ses activités, mais les rejets se poursuivent et l'effluent est occasionnellement toxique.
Etude ce cas no 2, mine d'uranium : un alcool aliphatique (isodécanol) était la principale substance toxique identifiée. La mine a apporté des modifìcations à ses procédés et système de traitement afin de résoudre ce problème de toxicité. L'effluent n'est actuellement plus toxique pour la truite.
Étude ce cas no 3, mine de cuivre et de nickel : I'ammoniac était la principale substance toxique mise en cause, mais la présence de substances toxiques secondaires (métaux) était également soupçonnée. L'entreprise a modifié son système de traitement afin de le rendre plus efficace et introduit un mécanisme de régulation du pH, ce qui a permis de réduire les problèmes de toxicité. Le personnel de la mine estimait que les résultats de l'évaluation des mesures d'IT ne justifiaient pas le coût total de l'étude puisque les conclusions étaient essentiellement fondées sur des hypothèses plutôt que sur des résultats concrets fiables statistiquement. Les études de traitabilité ont permis d'obtenir des renseignements plus concluants se prêtant mieux à une application pratique, notamment en ce qui a trait à l'établissement de limites appropriées pour le pH. La majorité des épreuves de toxicité réalisées antérieurement avec des truites et des daphnies (Daphnia magna) avaient démontré que I'effluent posait des problèmes de toxicité aiguë. Tous les essais effectués depuis ont révélé que l'effluent n'est plus toxique pour ces deux espèces.
Étude ce cas no 4, mine d'or : l'évaluation des mesures d'IT a permis de cerner les caractéristiques générales des substances toxiques présumées (p. ex., métaux, selon toute vraisemblance le cuivre) sans toutefois confirmer leur identité précise. Des études de traitabilité incluant des évaluations en laboratoire, des essais d'épuration d'eau et des essais d'installations pilotes ont été réalisées. Ces études ont débouché sur la mise en place d'une installation fonctionnelle de traitement des effluents. Toutefois, la concentration de cuivre visée dans le cadre de ces essais étaitla CL50 pour le Daphnia magna. L'ensemble des échantillons traités analysés durant les essais de l'installation pilote se sont révélés non létaux pour la truite. Toutefois, 20 % des daphnies exposées aux échantillons présentant des teneurs en cuivre total excédant la concentration visée sont mortes. Les dernières analyses d'échantillons d'eau provenant de I'effluent de la mine ont révélé que l'effluent est encore toxique (taux de mortalité observé de ~ 80 %) pour la truite arc-en-ciel et le Daphnia magna. L'ammoniac généré par la destruction des cyanures est soupçonné d'être à l'origine de la mortalité observée chez la truite arc-en-ciel, tandis que les métaux sont mis en cause dans la mortalité observée chez la daphnie.
Étude de cas no 5, affinerie de cobalt/nickel et de métaux précieux : on soupçonne plusieurs substances d'être toxiques mais elles n'ont pas été identifiées de façon définitive. On avance l'hypothèse que les concentrations de sodium étaient suffisantes pour occasionner un taux de mortalité d'au moins 50 % de Daphnia magna. Le cuivre, le potassium et les carbonates ont été identifiés comme étant des éléments potentiellement importants qui expliqueraient le taux de mortalité des daphnies. Un bilan d'ions atypiques est également susceptible d'avoir été létal pour les daphnies. En se basant sur les données disponibles limitées, on soupçonne que les pics périodiques des concentrations de sodium et/ou de cuivre ont contribué à la toxicité sporadique. Il a été impossible d'utiliser I'approche normalisée pour identifier les substances toxiques puisque les traitements en vue d'identifier les causes de toxicité ( IT) de la Phase I de I'EPA, É.-U. n'ont pas réussi à réduire ou à éliminer la toxicité de l'effluent. Les efforts ultérieurs qui ont été faits pour identifier la substance toxique se poursuivent mais ont exigé l'élaboration de méthodologies et de techniques novatrices.
Les réponses au sondage effectué auprès des entreprises minières et les résultats de l'examen des études de cas consacrées aux mesures d'IT et de RT prises par l'industrie minière canadienne ont inspiré les conclusions et recommandations suivantes :
- L'évaluation des mesures d'IT ne permet pas de << confìrmer >> la cause de toxicité, mais elle utilise une approche fondée sur la valeur des preuves.
- Le processus d'IT/RT est une approche systématique qui incorpore les réactions des organismes dans l'analyse de mélanges d'effluents complexes visant à identifier les substances toxiques en cause.
- La qualité du transfert d'informations et de la communication entre la mine et le laboratoire joue un rôle critique dans le succès de l'évaluation des mesures d'IT/RT.
- Le succès global d'une évaluation des mesures d'IT/RT dépend d'un certain nombre de facteurs, dont l'expérience du personnel du laboratoire chargé d'effectuer les essais et la variabilité de la qualité de l'effluent.
- Les laboratoires chargés d'effectuer les essais doivent être pourvus de l'équipement de base et du matériel spécialisé voulus pour mener à bien une évaluation des mesures d'IT/RT, et leur personnel doit être compétent et savoir comment faire fonctionner ces équipements.
- Au-delà de l'étape I, le processus d'évaluation des mesures d'IT n'est pas normalisé, et le succès des études subséquentes visant à identifier des substances toxiques particulières repose sur l'expérience du personnel.
- Pour que le processus d'identification et les études de confirmation se révèlent un succès, il est essentiel que les essais soient bien planifiés et justifiés scientifiquement. L'expérience du chercheur joue un rôle crucial à ces étapes du processus IT/RT.
- L'évaluation des mesures d'IT et de RT est habituellement plus efficace si les problèmes de toxicité posés par l'effluent se manifestent de façon constante, si la diminution dans le temps de la toxicité est minimale et si les facteurs responsables de la toxicité ne varient pas d'un échantillon à l'autre.
- À l'inverse, le processus peut perdre de son efficacité si les problèmes de toxicité surviennent de façon intermittente, si la toxicité des échantillons s'amenuise rapidement ou si les facteurs à l'origine des problèmes de toxicité varient (p. ex. agents causals différents).
- Pour prendre en compte la variabilité de la composition de l'effluent et confirmer que la cause des problèmes de toxicité demeure la même quelles que soient les conditions, il est essentiel de procéder à des essais répétés.
- Il importe d'effectuer des analyses chimiques appropriées de concert avec les épreuves de toxicité pour tous les échantillons d'effluent traités et non traités.
- L'absence de comparaison statistique peut ne pas être critique à certaines étapes du processus d'IT/RT dans les cas où les changements grossiers de toxicité représentent la seule considération. Toutefois, le traitement et l'interprétation d'un grand nombre de données peut être difficile en l'absence d'analyse statistique. Les analyses par régressions multiples sont plus susceptibles de fournir de meilleurs résultats dans le cas où la toxicité des substances considérées dépend de la matrice ou dans le cas où la présence de plusieurs substances toxiques est soupçonnée.
- Il est essentiel que la mine obtienne suffisamment de données pour confirmer l'identification de la (des) substance(s) toxique(s) avant d'investir des sommes considérables dans la mise en place de mesures correctrices coûteuses intéressant l'ensemble de l'usine.
- Tous les essais en laboratoire et les essais d'installations pilotes doivent comporter des épreuves de toxicité.
- Il convient d'apporter des modifications à l'étape I du processus d'IT proposé par l'EPA des Etats-Unis et d'élaborer de nouvelles méthodes ou approches de traitement à l' intention de l'industrie minière canadienne.
- L'utilisation de truites arc-en-ciel dans le cadre de l'étape I d'une étude est fastidieuse et onéreuse, car il faut prévoir des volumes d'eau plus importants pour les essais. Toutefois, le remplacement de la truite arc-en-ciel par une autre espèce (p. ex. tête-de-boule) peut ne pas convenir aux conditions particulières qui prévalent au Canada. Il convient de proposer et de normaliser des modifications au protocole d'essai normalisé d'Environnement Canada s'appliquant à la truite-arc-en-ciel en vue d'en favoriser l'utilisation dans le cadre du processus d'IT.