Selon certaines données limitées, la réactivité chimique des résidus serait en fait inhibée lorsque ces résidus sont stockés sous l'eau; de plus, ce mode de stockage pourrait constituer une méthode préférée pour l’élimination à long terme. En vue d'évaluer la rentabilité environnementale à long terme de l'élimination subaquatique des résidus miniers, on examine, dans le présent rapport, les eaux et les sédiments du bassin sud du lac Buttle, en Colombie-Britannique (où se trouve un dépôt inactif de résidus submergés). Des résidus riches en Cu, en Zn et en Pb ont été déposés dans le lac à partir d'un point de rejet submergé, entre 1966 et 1984. Actuellement, une couche de sédiments naturels se dépose sur ces résidus qui sont répartis sur une grande surface dans le bassin. Dans ce rapport, on présente une étude détaillée de la distribution des métaux dans la phase solide et dans les eaux interstitielles des sédiments, ainsi que dans l'eau qui les recouvre.
Nous présentons des profils très précis de la distribution du Zn, du Cu, du Pb, du Cd, du Fe et du Mn dans les eaux interstitielles de quatre carottes prélevées dans le bassin sud du lac Buttle, à l'automne 1989. Dans le cas de trois carottes, la carotteuse avait traversé la couche de résidus et avait pénétré dans les sédiments naturels (déposés avant le début de l'exploitation minière); toute la quatrième carotte, prélevée à proximité de l'ancien point de rejet, était constituée de résidus relativement grossiers riches en pyrite. La distribution des métaux dissous est interprétée en tenant compte des données minéralogiques et des mesures très précises de la distribution des éléments principaux et secondaires, dont le C, le N, et le S, dans les phases solides associées.
Nous avons également déterminé la qualité de l'eau aux quatre points de carottage. Ces mesures comprenaient, entre autres, la détermination de profils physiques et le prélèvement d'échantillons d'eau à trois profondeurs (à la surface, mi-chemin entre la surface et le fond, et au fond), en vue de déterminer les caractéristiques générales et de doser les métaux. Les résultats de ces échantillonnages et l'examen de données antérieures révèlent que la concentration des métaux a diminué considérablement depuis que les apports en espèces métalliques par le ruisseau Myra ont été réduits après la mise en place, en 1983, d'un système de récupération et de traitement. Toutefois, les concentrations de zinc, de cuivre et de cadmium, bien que réduites, dépassaient à l'occasion les objectifs provinciaux proposés pour le lac, particulièrement en profondeur. Les concentrations de métaux variaient avec les saisons, et les valeurs étaient maximales au cours des mois d'hiver; les concentrations étaient aussi plus élevées en profondeur, mais non en raison, semble-t-il, du dégagement d'espèces métalliques contenues dans les sédiments.
À tous les points de carottage, une couche de sédiments naturels riches en matière organique, de 1-2 cm d'épaisseur, s'était accumulée sur la surface des résidus. La distribution du Fe et du Mn dans la phase dissoute et dans la phase solide indique que les sédiments sont anoxiques à tous les points de carottage, à quelques centimètres de l'interface sédiments/eau.
À tous les points, les sédiments superficiels sont enrichis en Fe et en Mn, mais ces distributions ne sont pas équilibrées avec les profils d'eau interstitielle correspondants. Toutefois, les sédiments superficiels sont en train d'être enrichis progressivement en Fe et en Mn par le recyclage diagénétique de ces deux éléments dans les premiers centimètres de toutes les carottes.
La concentration de Zn, de Cu, de Cd et de Pb dans les eaux interstitielles de l'ancienne zone de rejet est très faible dans les deux premiers décimètres. Les résidus à cet endroit s'accumulaient très rapidement, et les résultats relatifs aux eaux interstitielles ainsi que les valeurs calculées de l'apport benthique indiquent que le déplacement de Zn, de Cu, de Cd ou de Pb vers la colonne d'eau est nul à cet endroit. Dans les eaux interstitielles des autres endroits, qui sont tous caractérisés par une couche de résidus atteignant parfois trois décimètres d'épaisseur et reposant sur des sédiments naturels anoxiques contenant du méthane, la concentration de Cu, de Pb et de Cd est relativement faible dans les premiers centimètres. Aux trois endroits, la concentration de Zn dans les eaux interstitielles à de faibles profondeurs est légèrement plus élevée que dans les eaux de fond, ce qui laisse supposer qu'il y a déplacement ascendant des métaux vers les couches d'eau plus près de la surface. Toutefois, la précipitation des oxyhydroxydes de Fe dans les premiers 30-50 mm à ces endroits semble diminuer l'apport d'espèces métalliques dissoutes. Dans toutes les carottes, de minces zones spécifiques situées sous la surface sont enrichies en Zn, en Cu, en Pb et en Cd dissous, ce qui indique que les zones de dégagement d'espèces métalliques en profondeur sont limitées. Ces zones correspondent à la présence de poches de concentrations élevées en carbone organique dissous.
Les calculs de l'apport benthique révèlent que les quatités de Zn, de Cu, de Cd et de Pb dégagées par les sédiments sont très faibles et sont comparables à celles associées aux processus géochimiques naturels dans les sédiments des lacs et des zones littorales. Selon une estimation prudente (pire cas), l'accroissement de la concentration de Zn dans les eaux profondes du bassin sud, provoqué par la réactivité chimique des dépôts riches en métaux sur le fond lacustre, serait inférieur à 0,2 partie par trillion. Ce chiffre est négligeable, et il est raisonnable de conclure que les résidus submergés n'ont actuellement aucun effet sur la qualité de l'eau du lac Buttle. La précipitation de sédiments naturels sur ces résidus au fil des ans viendra renforcer cette conclusion.