SOMMAIRE
L’industrie minière reconnaît depuis longtemps la valeur potentielle des fosses des mines à ciel ouvert comme solution de gestion des passifs environnementaux en particulier lors de la fermeture des mines. Habituellement, on dépose les rejets miniers dans ces fosses, en particulier dans le cadre d’une stratégie de gestion des rejets potentiellement réactifs. L’utilisation des fosses des mines à ciel ouvert dans un contexte de gestion de la qualité de l’eau lors de la fermeture des mines n’a pas tellement attiré l’attention, malgré le fait que gérer la qualité de l’eau représente un risque et, par conséquent, nécessite un suivi à long terme et des activités de maintenance pour de nombreuses mines à l’échelle mondiale. De plus, la gestion de la qualité de l’eau peut représenter le plus important passif environnemental de l’exploitation et les coûts les plus élevés associés aux activités du site. Cela est particulièrement vrai dans les cas où ou l’on doit gérer la qualité de l’eau au moyen de méthodes traditionnelles de traitement dans une usine de traitement de l’eau.
Le traitement dans des fosses des mines à ciel ouvert peut constituer une option moins coûteuse nécessitant moins d’infrastructure et accordant plus de souplesse pour une gestion de l’eau qui s’articule sur les récents concepts réglementaires axés sur l’acceptabilité du traitement perpétuel de l’eau dans des usines de traitement. Le traitement dans les fosses en bassin de résidus peut s’avérer une solution particulièrement attrayante pour les eaux contenant des quantités relativement minimes de certains composants qui dépassent légèrement les critères de rejet. Dans ce genre de situation, les matières solides issues du traitement de l’eau qui se précipitent représentent de très faibles volumes et une fosse peut avoir une grande capacité de rétention des matières solides du traitement.
Le traitement dans les fosses des mines à ciel ouvert a été utilisé pour divers métaux dans plusieurs mines, avec des résultats variables. Le traitement de l’arsenic dans une fosse de mine à ciel ouvert à l’aide du sulfate de fer est une méthode novatrice de traitement de l’eau qui a été évaluée dans le cadre de cette étude. L’objectif global de cette enquête était de démontrer que le traitement en vrac de l’arsenic dans une fosse constitue une autre solution viable et économique au traitement classique de l’eau.
La phase 1 de ce programme d’évaluation incluait une étude sur paillasse de laboratoire qui a servi à définir les critères de conception, y compris les gains d’efficacité possibles pour le traitement, les doses de réactifs requises et les taux de productions de boues. La phase 2, quant à elle, incluait des essais de traitement à l’échelle réelle qui évaluait l’aspect pratique et l’efficacité du traitement en vrac de l’arsenic dans la fosse désaffectée de la mine de Night Hawk Lake (NHLM), à la lumière des résultats obtenus à la phase 1.
La phase 1 de cette recherche comprenait les essais sur les dosages de sulfate de fer sur l’eau de la fosse de Newmont Goldcorp à la mine Night Hawk Lake ainsi que la caractérisation des rejets s solides résultant du traitement de l’eau. On a évalué les ratios molaires fer-arsenic (Fe:As) ainsi que le pH pour établir les besoins relatifs au dosage optimal et la stabilité des solides issus du traitement. Les résultats ont montré que l’ajout de sulfate de fer ne modifie pas les concentrations totales d’arsenic et de fer après un temps de réaction de seulement cinq minutes, mais que ces concentrations diminuent considérablement après une période de sédimentation de 24 heures. Inversement, on a constaté que les concentrations d’arsenic et de fer dissous sont réduites après un temps de réaction de cinq minutes suivant l’ajout du sulfate de fer, mais qu’elles changent très peu après la période de sédimentation de 24 heures.
Les concentrations totales d’arsenic et d’arsenic dissous ont tendance à baisser après une hausse du dosage de fer dans les tests suivant la période de sédimentation de 24 heures. C’est le dosage de fer le plus élevé, soit environ 20:1, qui a donné les meilleurs résultats en éliminant l’arsenic de la solution jusqu’à des concentrations totales d’arsenic et d’arsenic dissous inférieures à 0,05 mg/L. Les concentrations de cobalt et de nickel ont aussi été examinées lors des tests avec ajout de sulfate de fer. Les résultats ont révélé que l’ajout de sulfate de fer fait d’abord augmenter les concentrations de cobalt, mais les réduit après une période de sédimentation de 24 heures. Les concentrations finales de cobalt (fractions totales et dissoutes) ont toutefois été supérieures aux concentrations initiales, probablement à cause de l’utilisation de sulfate de fer de qualité réactif associé au contenu élevé de cobalt. Les concentrations de nickel total et dissous ont diminué et sont passées sous les concentrations initiales dans tous les tests, avec tous les dosages. Le cobalt et le nickel ont donc été considérés comme des paramètres clés pour l’évaluation des essais sur le terrain.
On a mené un test des éléments solides dans le cadre du traitement pour déterminer la période minimale de sédimentation et pour générer suffisamment de solides aux fins de caractérisation. En se fondant sur les concentrations totales d’arsenic et de fer, la majeure partie de la sédimentation a eu lieu dans un délai de 5 à 30 minutes, après quoi les concentrations sont restées relativement stables pendant une période de sédimentation de 24 heures, puis elles ont légèrement diminué de nouveau entre 24 et 120 heures de sédimentation. Les résultats des tests de sédimentation constituent également une indication de la stabilité relative des solides issus du traitement. Les concentrations après une période de plus de 120 heures sont restées stables ou ont diminué pendant cette période. Ces résultats portent à croire que les solides qui sont en contact avec l’eau sont relativement stables et que les concentrations observées sont représentatives de celles qui se produiraient dans des eaux en contact avec les solides issus du traitement. Ces résultats sont cohérents avec d’autres études portant sur les solides issus du traitement de l’arsenic qui se forment à l’ajout de sulfate de fer.
La phase 2 de ce programme d’évaluation incluait une étude des traitements à échelle réelle visant à évaluer l’aspect pratique et l’efficacité du traitement en vrac de l’arsenic dans la fosse de la mine Night Hawk Lake (NHLM), à la lumière des résultats obtenus à la phase 1.
Le relevé bathymétrique a montré que le volume d’eau dans la fosse de la mine à ciel ouvert NHLM était d’environ 100 000 m3, que la profondeur moyenne de la fosse était d’environ 10 m et que sa profondeur maximale était de 22 m. En moyenne, les résultats du suivi de la qualité de l’eau révèlent des concentrations mesurées d’arsenic de 0,6 mg/L, ce qui représente un total de 60 kg d’arsenic dans l’eau de la fosse. Les tests en laboratoire menés dans le cadre de la phase 1 ont indiqué qu’un ratio molaire 20:1 fer-arsenic (Fe:As) permet d’atteindre des concentrations d’arsenic de 0,05 mg/L ou moins après traitement, et c’est ce ratio qui a été choisi pour le dosage de l’eau de la fosse. Par conséquent, le dosage pour l’ensemble de la fosse a nécessité environ 900 kg de fer (Fe). Cela représente environ six réservoirs de solution commerciale de sulfate de fer (50 % en p/p), chacun contenant 1 350 kg de solution avec 12,25 % ou 165 kg de Fe.
L’essai en terrain a été conçu pour inclure une circulation d’environ 10 % du volume d’eau de la fosse. Le concept était de pomper un volume minimum afin de mélanger la dose requise de sulfate de fer avec l’eau de la fosse, en dispersant le réactif mélangé à l’eau de la fosse sur un grand périmètre à la surface de l’eau. Pour ce faire, on a utilisé deux canons à eau placés autour du périmètre de la fosse.
On a mesuré le pH, l’oxygène dissous (O.D.), la température et la conductance précise du profil de l’eau de la fosse à une profondeur maximale de 22 m, avant et après l’ajout du sulfate de fer. Les résultats démontrent que le pH se situait généralement dans un intervalle de 7,5 à 8,5 et que les valeurs globales étaient légèrement plus basses après le traitement qu’avant ce dernier. Les valeurs de saturation en oxygène ont varié entre 100 % près de la surface à moins de 10 % à des profondeurs de plus de 16 m, avec très peu de différence entre avant et après le traitement. La température de l’eau a varié entre 4° et 5° avant le traitement et entre 3° et 5° après le traitement, les températures près de la surface étant plus élevées que celles mesurées en profondeur. En novembre, les valeurs de conductance spécifique de l’eau avant et après le traitement se situaient entre 450 et 575 µS/cm, avec des valeurs moins élevées près de la surface et une hausse abrupte des valeurs à une profondeur d’environ 12 m sous la surface. Les valeurs de conductance étaient légèrement plus élevées après le traitement qu’avant celui-ci. Les profils portant la conductance spécifique de l’eau établis en novembre portent à croire qu’il pourrait y avoir des couches de densité à des profondeurs de plus de 12 m de la surface avec des taux de matières dissoutes totales (MDT) plus élevés dans les couches du fond.
Des échantillons prélevés à trois profondeurs dans la fosse immédiatement avant le traitement ont été comparés à trois autres échantillons prélevés après le traitement pour comparer les concentrations totales d’arsenic et d’arsenic dissous. Les échantillons prélevés en profondeur avant le traitement contenaient des concentrations d’arsenic dissous légèrement inférieures aux concentrations totales. Immédiatement après le traitement, soit en novembre 2018, la concentration totale d’arsenic à la surface NHP1 a diminué, passant d’une valeur totale d’arsenic de 0,6 mg/L au départ, en moyenne, à une valeur totale de 0,01 mg/L, avec une concentration d’arsenic dissous inférieure à 0,002 mg/L. Ces résultats se traduisent par un degré d’efficacité du traitement d’environ 98 % près de la surface. Les échantillons prélevés à des profondeurs médianes lors de la même prise d’échantillons étaient d’environ 0,03 et 0,01 mg/L pour les concentrations totales d’arsenic et d’arsenic dissous, respectivement. En profondeur, les concentrations d’arsenic sont restées proches des concentrations initiales avant le traitement. Les concentrations d’arsenic relevées lors des prélèvements d’échantillons après le traitement ont révélé des tendances semblables, soit des concentrations moins élevées près de la surface et plus élevées en profondeur.
L’étude a révélé que le traitement de l’arsenic est efficace dans les dix premiers mètres de la fosse, soit un effet positif pouvant servir à la gestion de l’eau dans des fosses des mines à ciel ouvert en climat tempéré. Ces résultats portent également à croire que les fosses qui ont des exutoires naturels peuvent permettre la gestion des eaux usées, les eaux de surface étant relâchées dans l’environnement aux valeurs observées pendant cet essai de traitement. Nous avons également exploré des considérations liées aux ramifications pratiques du traitement en vrac sur place dans le cadre de cette étude. Nous avons effectué une évaluation de la fréquence de traitement requise à l’aide d’une approche de modélisation quantitative pour la fosse de la mine NHLM. Les données du suivi post-traitement ont servi de base pour évaluer le besoin potentiel de traitement additionnel à l’avenir. Nous avons utilisé MineModMD, un outil commercial exclusif pour la modélisation de la qualité de l’eau, afin d’évaluer le besoin de traitements ultérieurs de la fosse et la fréquence de ceux-ci. Un modèle semblable a également été mis au point pour une fosse de plus grande envergure en utilisant, pour ce faire, la Black Fox Mine de la McEwen Mining Inc., près de Matheson (Ontario), à titre d’exemple pour comparer les exigences de traitement sur place à cette échelle. Nous avons en outre comparé les dépenses d’immobilisation et d’exploitation pour cet exemple afin d’évaluer l’application d’un traitement sur place par rapport à la construction d’une usine de traitement de l’eau.
La modélisation a établi qu’après un traitement initial au moment du remplissage de la fosse, on peut maintenir les concentrations d’arsenic sous une limite choisie de rejet de 0,5 mg/L avec une fréquence de traitement d’environ sept ans pour la fosse de la mine à ciel ouvert NHLM et de 32 ans pour la fosse Black Fox. Cette fréquence de traitement plutôt faible représente des économies substantielles sur le plan des coûts d’exploitation par rapport au traitement continu et permanent d’une usine traditionnelle de traitement de l’eau.