Ce rapport est une mise à jour de la revue de la littérature effectuée pour le NEDEM en 1993, au sujet du développement et de l’application de méthodes de prédiction pour les effets des métaux de transition présents dans les sédiments, l’eau et la nourriture dans le milieu aquatique. Plusieurs des méthodes examinées en 1993 ont maintenant été validées et certaines d’entre elles ont été adoptées par des organismes de réglementation. Ces approches peuvent être utilisées pour les milieux aquatiques qui reçoivent des effluents miniers pour évaluer le potentiel de toxicité des sédiments, pour déterminer des critères de qualité de l’eau propre à un site et pour évaluer le risque d’exposition secondaire. Ces méthodes comprennent l’utilisation des sulfures volatils à l’acide et des métaux extractibles simultanément (AVS - SEM) pour prédire l’absence de toxicité dans les sédiments anoxiques, le modèle du ligand biotique (BLM) pour prévoir la toxicité des métaux présents dans l’eau et le modèle dynamique de bioaccumulation à voies de d’exposition multiples (DYMBAM) pour prédire la bioaccumulation des métaux dans les organismes aquatiques.
Prédire la biodisponibilité et la toxicité des métaux présents dans les sédiments demeure un défi. Dans le cas des sédiments peu oxygénés, une méthode a été élaborée en se basant sur l’hypothèse selon laquelle les métaux liés aux sulfures ne sont pas biodisponibles et cette méthode a été utilisée pour prédire l’absence de toxicité de plusieurs métaux (cadmium, cuivre, plomb, nickel et zinc). Les modèles présentés en 1993 qui prédisent les concentrations d’ions métalliques libres d’après l’équilibre d’adsorption avec les hydroxydes de fer ont été utilisés dans plusieurs études. Toutefois, cette méthode n’a pas été pleinement validée ou adoptée par des organismes de réglementation. L’élaboration de l’approche des AVS -SEM a été poursuivie et inclut l’utilisation de la différence entre les AVS et SEM plutôt que le rapport entre les deux tel qu’initialement prévu et inclut également une normalisation pour le contenu en matière organique du sédiment. La méthode est basée sur l’hypothèse selon laquelle les métaux présents dans les sédiments ont une biodisponibilité peu élevée lorsqu’il y a excès de sulfures et présence de matière organique. La méthode AVS - SEM a été utilisée avec succès par des organismes de réglementation, notamment l’Environmental Protection Agency des États-Unis. Toutefois, cette méthode n’est utilisable que pour un nombre relativement restreint de métaux et elle ne peut prédire que l’absence de toxicité.
Pour les métaux dans la colonne d’eau, le BLM permet la prédiction de la toxicité aiguë de plusieurs métaux à l’intérieur d’un facteur de 2 à 3 et de la toxicité chronique pour les invertébrés. Cependant, il faut poursuivre la recherche pour pouvoir utiliser un jour le BLM pour prédire la spéciation des métaux dans les eaux naturelles et pour prédire autant la toxicité chronique que la toxicité aiguë. Le BLM est basé sur le modèle de l’activité des ions libres (FIAM) qui a été analysé dans la revue de la littérature effectuée pour le NEDEM en 1993. La méthode utilise des modèles de l’équilibre géochimique afin d’évaluer pour une composition chimique de l’eau donnée la quantité de métal liée à un ligand biotique, par exemple les branchies des poissons. La toxicité des métaux est ensuite évaluée d’après la composition chimique de l’eau. Depuis 1993, d’importants progrès ont été réalisés à l’égard de la capacité de prévoir la spéciation des métaux dans les eaux naturelles au moyen des modèles géochimiques. Mais les études disponibles suggèrent que ces modèles ne fournissent pas toujours des évaluations précises. Par conséquent, il est souhaitable d’utiliser les paramètres par défaut corrigés s’ils sont disponibles et de valider les résultats en les comparant avec les mesures réelles. Néanmoins, le BLM permet normalement de prédire la toxicité des métaux à l’intérieur d’un facteur de 3 ou moins, ce qui constitue une importante amélioration par rapport à la méthode actuelle étant donné que la toxicité des métaux basée sur les concentrations totales peut varier de plusieurs ordres de grandeur en fonction des diverses compositions chimiques de l’eau. L’utilisation du BLM pour prédire la toxicité aiguë des métaux pour les poissons (truites arc-en-ciel et têtes-de-boules) a été extrêmement concluante et est basée sur une solide connaissance mécanistique des effets des métaux sur les concentrations ioniques dans les fluides internes des poissons. L’application du BLM à d’autres organismes et à la toxicité chronique a produit des résultats modérément prometteurs. Toutefois, les mécanismes sous-jacents à la toxicité ne sont pas encore parfaitement bien connus et l’approche conceptuelle du BLM pour la toxicité aiguë n’est pas toujours directement applicable. Le BLM a tout de même été adopté à différents degrés par des organismes de réglementation, notamment aux États Unis et dans l’Union européenne, et il sert à prédire la biodisponibilité des métaux dans les critères pour la qualité de l’eau pour la vie aquatique (toxicité aiguë et chronique) et dans les évaluations du risque écologique.
La nourriture est une importante voie d’exposition aux métaux et les données des expériences d’alimentation en laboratoire sont actuellement intégrées à l’approche de modélisation du DYMBAM qui tient compte de la bioaccumulation des métaux provenant de l’eau et de la nourriture. Les divers auteurs ne s’entendent pas sur l’importance relative des métaux présents dans l’eau par rapport aux métaux présents dans la nourriture pour ce qui est de la bioaccumulation et de la toxicité. La toxicité des métaux a le plus souvent été reliée à une exposition aux métaux présents dans l’eau. Toutefois, pour ce qui est de la bioaccumulation des métaux, l’exposition aux métaux présents dans la nourriture peut jouer un rôle important et, dans certains cas, elle peut être la principale voie d’exposition pour les invertébrés d’eau douce (par exemple Daphnia magna, Sialis velata ou Chaoborus punctipennis). Le DYMBAM tient compte explicitement des deux voies d’exposition, et il a été utilisé avec succès pour prédire la bioaccumulation de métaux lors d’expositions en laboratoire et sur le terrain. En règle générale, la méthode ne permet pas de prédire la toxicité des métaux parce que celle-ci n’est pas directement liée à l’accumulation totale de métaux dans l’organisme.
Par conséquent, les efforts de recherche devraient mettre l’emphase sur la toxicité chronique et les métaux particulaires. Des progrès importants ont été faits en ce qui concerne notre capacité à prédire les effets aigus des métaux dissous, mais des travaux de recherche supplémentaires sont requis pour adapter cette approche aux effets chroniques, en particulier pour les poissons et les plantes. De plus, notre capacité de prédiction des effets des métaux dans les sédiments et dans la matière en suspension est encore limitée. La recherche devrait viser à améliorer l’évaluation de la spéciation de métaux dans les milieux d’exposition et à développer une meilleure compréhension des effets et de l’adaptation physiologiques aux métaux traces.