Une étude environnementale du marécage de Panel, dans la région d'Elliot Lake en
Ontario, a été entreprise en 1991 pour le Programme de neutralisation des eaux de
drainage dans l'environnement minier (NEDEM). L'étude a été faite par le Laboratoire
de terrain pour la RD environnementale d'Elliot Lake, Laboratoires des sciences
minérales, CANMET, Énergie, Mines et Ressources Canada, en collaboration avec Rio
Algom Limited d'Elliot Lake en Ontario.
L'étude avait pour grands objectifs:
- de déterminer l'hydrogéochimie souterraine et de surface du bassin de résidus
du marécage de Panel; - d'établir si le marécage naturel existant et l'eau qui recouvre les résidus
générateurs d'acide peuvent se révéler capables de traiter le drainage minier
acide et de contrôler la production d'acide associée à l'oxydation de la pyrite; - de caractériser le substrat résidus/sédiments du marécage pour déterminer les
espèces de métaux, de sulfates et de sulfures, ses populations microbiennes
oxydantes et réductrices et leur rôle dans les diverses interactions géochimiques
et biologiques; et - de caractériser la végétation du marécage quant à son assimilation des métaux
et des radionucléïdes.
L'étude a donné les résultats suivants:
- Le lieu de l'étude, soit le marécage de Panel, est un petit bassin situé dans une
vallée de roche de fond contenant des résidus d' uranium pyriteux partiellement
submergés. La superficie totale est de 14,5 ha et le bassin renferme environ 236
000 tonnes de résidus répartis sur une superficie de 12,9 ha. Environ 88% de la
superficie des résidus étaient submergés ce qui laisse 1,6 ha dans la partie
occidentale où les résidus sont exposés. L'épaisseur moyenne de la couche de
résidus dans le bassin était de 0,92 m. - Les résidus ont été déposés dans le bassin suite à un déversement en amont,
vers la fin des années 1950, qui a complètement rempli les parties occidentale et
centrale du bassin. Une mince couche s'était répandue vers la partie orientale du
bassin. Sous les résidus, le bassin comportait une couche de tourbe de 0,3 à 4
m d'épaisseur qui repose sur des dépôts de sable et de gravier. - La partie orientale du bassin présentait des eaux marécageuses de 0,4 à 1,4 m
de profondeur. Un plan d'eau peu profonde de 0,1 à 0,5 m recouvre les parties
occidentale et centrale du bassin et alimente un couvert végétal dense constitué
de quenouilles, d'herbes des marais, de carex, de sphaigne et d'autres mousses
acidophiles. Les eaux stagnantes profondes contiennent une végétation
partiellement submergée comme les potamots luisants. - Un barrage de castor, à l'extrémité est, régularise le niveau des eaux et leur
écoulement. Le bassin renferme un volume total d'environ 24 000 m3 d'eau d'une
profondeur moyenne de 0,2 m. - Le site possède une superficie totale de captage et de drainage d'environ 49 ha.
Le site reçoit annuellement une précipitation totale nette d'environ 138 920 m3
(calculée d'après la moyenne des données de précipitations annuelles) ce qui
correspond à un écoulement moyen de 4,4 l/s ou de 9 l/s par km2. Le volume
des eaux de drainage a été évalué à six fois le volume de l'eau contenue dans le
bassin, ce qui représente un facteur de dilution de 6. - À l'extrémité occidentale se trouvent un réservoir dleau de drainage acide et un
bassin de résidus retenus par un barrage, à noyau d'argile, transversal à la
vallée. Aucun suintement d'eau acide vers le bassin n'a été observé. - L'écoulement de surface à partir du site se faisait vers l'est. I1 était irrégulier et
intermittent et il a été mesuré à 16,5 l/s durant l'automne. - De facon générale, les eaux souterraines coulent aussi d'ouest en est. Les eaux,
sous la surface des résidus exposés dans la partie occidentale du bassin, se
déversent dans la masse centrale des eaux. À cet endroit, la nappe phréatique
était de 0,2 à 2 m sous la surface et l'écoulement des eaux souterraines se
faisait en remontant, en direction de l'est. Les gradients horizontaux et verticaux
mesurés variaient de 0,003 à 0,015 et de 0 à -0,15 respectivement. Les
gradients verticaux ascendants étaient à leur plus haut niveau en automne.
L'écoulement sous la surface, qui se faisait de la partie occidentale du bassin
vers l'étang central, a été évalué de 380 à 1 800 m3/a ce qui représente moins
de 2 à 8% du volume total des eaux de surface du bassin. - Dans la partie orientale du bassin, l'écoulement des eaux souterraines se faisait
aussi vers l'est mais vers le bas. Les gradients horizontaux et verticaux mesurés
variaient de 0,0002 à 0,001 et de -0,72 à 0,14 respectivement. - Les eaux de surface dans le bassin variaient de légèrement à modérément
acides dans les parties occidentales du bassin exposées et couvertes de
végétation et présentaient des concentrations de faibles à moyennes en solides
dissous (600 à 2 000 mg/l), en fer (1 à 80 mg/l), en calcium (150-500 mg/l) et en
sulfate (50 à 1 000 mg/l). - Dans les parties centrale et orientale du bassin où existe un plan d'eau
permanent, les eaux de surface variaient de neutres à modérément alcalines, pH
(6,2 à 9,8) et avaient de faibles concentrations en solides dissous (100 à 300
mg/l), en fer (0,002 à 0,4 mg/l), en calcium (30 à 50 mg/l) et en sulfate (50 à 100
mg/l). - La qualité des eaux de surface n'était pas fortement dépendante du cycle
saisonnier sauf le pH dans les parties centrale et orientale du bassin qui
augmentait de 7,5 à 9,8 en été. - Les eaux souterraines à faibles profondeurs dans le bassin étaient en majeure
partie des eaux interstitielles venant des résidus, d'un pH légèrement acide ou à
peu près neutre (5,7 à 7,8), d'une acidité faible à modérée (10 à 200 mg de
CaCO3/l), d'une alcalinité faible à forte (de 0 à 1 400 mg de CaCO3/l) d'une
concentration faible à modérée en fer (0,5 à 70 mg/l), forte en Ca (400 à 800
mg/l), forte en sulfate (800 à 1 500 mg/l) et forte en Ra-226 (280 à 10 900
mBq/l). Le cycle saisonnier n'avait pas beaucoup d'influence sauf en ce qui
concerne les concentrations en fer dissous qui étaient variables. - Le substrat dans le bassin consistait surtout en résidus sauf à l'extrémité
orientale où existaient les sédiments de tourbe originale. Le pH de la pâte variait
d'à peu près neutre à fortement acide (7,5 à 2,1). - Thiobacillus ferrooxidans (Tf) et les bactéries sulfato-réductrices (BSR) étaient
présents dans tous les échantillons de substrats et de sédiments prélevés dans
les endroits exposés et faiblement submergés dans la partie occidentale du
bassin. En eaux profondes, près du centre et vers l'est, les comptes bactériens,
en ce qui regarde Thiobacillus ferrooxidans, baissaient fortement à des quantités
insignifiantes (0 à 100). Les populations de bactéries sulfato-réductrices, à ces
endroits, étaient supérieures à celles de Thiobacillus ferrooxidans. I1 n'a pas été
relevé de tendances significatives des profils de répartition des BSR sur la
longueur du bassin. - Les données sur les espèces de soufre ont montré aussi que les concentrations
en sulfures et en sulfates étaient variables à l'intérieur des sites et entre eux sans
tendances claires. La réduction des sulfates était évidente à cause des senteurs
de H2S qui se dégageaient des eaux souterraines aux endroits à eaux profondes
du centre et de l'est. - Les résidus étaient oxydants dans les parties exposées, légèrement submergées
et couvertes de végétation. Dans les parties exposées, l'oxydation se faisait près
de la surface dans la zone non saturée et près de la nappe phréatique. Dans les
parties couvertes de végétation, l'oxydation de la matière organique et des
résidus se faisait de la surface à la zone de racine du substrat. À cause de la fine
granulométrie des résidus et de leur forte saturation en humidité, les taux
globaux d'oxydation étaient faibles, produisant des eaux de drainage de surface
et sous la surface d'un pH peu élevé (3,4 à 5,5). - Dans la zone de végétation, il n'a pas été observé d'amélioration de la qualité
des eaux de surface drainées des régions exposées vers les eaux stagnantes.
Les données sur les eaux de surface et souterraines indiquaient que la
végétation oxydait le substrat plutôt que d'en effectuer le traitement. Un peu de
fer était précipité et éliminé sous forme d'hydroxyde ferrique dans la zone de
végétation. - Les eaux de drainage acide de surface provenant des résidus exposés et des
zones couvertes de végétation était diluées selon un facteur de 6 à 10 alors
qu'elles étaient drainées et mêlées aux eaux stagnantes. Les eaux souterraines
des parties occidentales et centrales du bassin se déchargeaient aussi dans les
eaux stagnantes où elles neutralisaient les eaux de surface acides. Le fer,
l'aluminium et le manganèse dissous étaient aussi précipités lorsque les eaux se
mêlaient. - Le pH des eaux stagnantes augmentait de 7,5 à 9,5 durant l'été, ce qui était
attribué à la réduction bactérienne des nitrates dans les sédiments organiques et
par le procédé de photosynthèse de la végétation partiellement submergée
(potamots luisants); chaque action produisant respectivement de l'ammoniac et
des ions hydroxyles. I1 faudrait étudier ce phénomène plus à fond. - Selon les données sur la qualité de l'eau concernant le drainage de surface
provenant des zones exposées et des zones légèrement submergées et
porteuses de végétation et des eaux stagnantes près de la décharge, les taux
annuels de la production totale de fer provenant de l'oxydation de la pyrite et du
fer sorti du système ont été calculé à 183,7 et 9 kg par année respectivement.
Ces valeurs correspondent à des taux annuels d'oxydation de la pyrite et de
décharge du fer de 1,11 et 0,04 de Fe par kg de résidus dans le bassin. - Le système existant du marécage, à cause des divers contrôles physiques,
chimiques et biologiques, retient ou recycle environ 96% du fer total produit par
l'oxydation de la pyrite. I1 a été évalué qu'à ce rythme il faudra environ 31,7 x
103 années pour que toute la pyrite soit oxydée et 926 x 103 années pour que
tout le fer en cause quitte le système, à condition que le rythme ne change pas
avec le temps. - Dans les cas du calcium et du Ra-226, les temps correspondants pour leur
complète élimination ont été établis à environ 708 années et 40 x 103 années
respectivement. - En ce qui concerne les quenouilles et les herbes, les niveaux observés
d'absorption des métaux étaient semblables à ceux qui ont été trouvés pour
d'autres résidus d'uranium pyriteux ainsi que d'autres résidus de mines de
métaux de base et de mines d'or. De fortes concentrations de fer, d'aluminium,
de calcium et d'autres métaux lourds ont été observées dans les potamots
luisants et les sphaignes mais leur contribution à la production de la biomasse
totale et à la charge de rétention et d'élimination des métaux était très minime
comparativement aux quenouilles et herbes qui étaient les espèces les plus
abondantes. - Dans toute la végétation, les concentrations observées de métaux étaient
en-deça des niveaux de phytotoxicité et présentaient des accumulations minimes
ou peu significatives ne justifiant aucune inquiétude quant à la dispersion par les
vents ou à l'ingestion par les animaux. Aucun symptôme de phytotoxicité n'a été
observé. - Les concentrations de Ra-226 dans la végétation marécageuse (30 à 3 800
mBq/g) étaient significativement fortes dans toutes les espèces comparativement
aux niveaux de fond qui étaient de 10 à 20 mBq/g dans les spécimens de
végétation terrestre prélevés localement ou à des endroits plus éloignés.
I1 est possible de conclure que le système eaux/marécage de Panel contrôlait
effectivement le drainage acide provenant des résidus d'uranium pyriteux partiellement
submergés. Le système devrait continuer à fonctionner aussi longtemps que la
couverture d'eau sera maintenue. Sa performance pourrait être améliorée si les
résidus étaient complètement submergés.
I1 est recommandé que la dynamique d'oxydation-réduction des sédiments et le
processus de photosynthèse des plantes submergées, dans la partie orientale du
bassin, fassent l'objet d'autres recherches afin d'élucider le comportement saisonnier
qui produit les pH élevés durant l'été.