Dans ce rapport, on décrit les résultats d'un projet de recherche entrepris en vue
d'analyser quantitativement les processus chimiques et biologiques élémentaires
interreliés qui sont responsables de l'oxydation de la pyrite et du drainage rocheux
acide (DRA). Vu la nature hautement non linéaire des équations décrivant la cinétique
des réactions chimiques et microbiennes couplées qui interviennent dans l'oxydation
de la pyrite, il y a lieu de se poser de graves questions sur la prévisibilité de l'impact du
drainage rocheux acide sur l'environnement.
Ce projet avait comme principal objectif de déterminer si les réactions chimiques
couplées intervenant dans l'oxydation à plusieurs étapes de la pyrite sont
accompagnées de changements, irréguliers ou chaotiques dans le temps, dans les
produits des réactions chimiques et microbiennes responsables du drainage rocheux
acide. L'absence d'un tel comportement irrégulier dans le temps constitue la principale
conclusion de l'analyse de modélisation décrite dans ce rapport. Le système
d'équations décrivant la cinétique non linéaire des réactions chimiques intervenant
dans l'oxydation de la pyrite ne révèle ni comportement chaotique ni autres types de
fluctuations de nature chimique. La nature non linéaire des processus élémentaires
non à l'équilibre est à l'origine des concentrations d'ions ferreux et ferriques à
quasi-équilibre. Cette propriété est essentielle pour comprendre la complexité du
drainage acide et devrait être utile dans la mise au point de méthodes permettant de le
réduire le plus possible. L'existence d'états de quasi-équilibre améliore nos chances
d'élaborer des modèles permettant de prévoir le DRA. Toutefois, dans cette étude on
n'exclut pas les fluctuations physico-chimiques qui seront observées après inclusion,
dans un modèle futur, des processus de transport de l'eau et de l'oxygène. (L'analyse
des processus de transport débordait le cadre du présent projet qui a été conçu
comme une analyse préliminaire, à faible budget, de la cinétique chimique et
biologique non linéaire.)
On a réévalué plusieurs résultats expérimentaux et, dans certains cas, on a obtenu
des constantes de vitesse différentes de celles qui avaient été publiées dans la
littérature. On a élaboré un modèle cinétique se présentant sous forme d'équations
différentielles ordinaires non linéaires couplées, afin de décrire les réactions chimiques
couplées responsables du drainage rocheux acide. Les équations décrivent la
dépendance sur le temps de la concentration des ions hydronium, du fer ferreux et du
fer ferrique, du sulfate et de l'oxygène dissous dans l'eau.
Dans notre analyse, nous faisons une distinction bien nette entre les réactions
chimiques et bactériennes qui exigent et qui n'exigent pas la présence d'oxygène
dissous. À un pH supérieur à 4, c'est l'oxygène dissous dans l'eau qui est surtout
responsable de l'oxydation de la pyrite:
FeS2(s) + 7/2 O2 + H20 = Fe+2 + 2 SO4
-2 + 2H+ (R1)
Le fer ferreux passe en solution dans l'eau et est oxydé en fer ferrique:
Fe+2 + 1/4 O2 + H+ = Fe+3 + 1/2 H20 (R2)
A un pH inférieur à 4, le fer ferrique réagit avec la pyrite:
FeS2(s) + 14 Fe+3 + 8 H20 = 15 Fe+2 + 2 SO4
-2 + 16 H+ (R3)
A un pH élevé, le fer ferrique réagit encore avec l'eau et l'oxygène pour donner de
l'hydroxyde ferrique qui précipite:
Fe+3 + 3 H20 = Fe(OH)3(s) + 3 H+ (R4)
Les réactions (R1), (R3) et (R4) produisent de l'acide qui, s'il n'est pas neutralisé,
dissout les ions contenus dans les stériles. Un pH élevé peut être maintenu par la
présence de minéraux neutralisants, que l'on trouve souvent dans les stériles, ou par
l'addition de minéraux comme la calcite. Les deux réactions suivantes décrivent le
processus de neutralisation par la calcite:
CaC03 + 2 H+ + SO4
-2 + 2 H20 = CaSO4A2 H20 + H2CO3° (R5.1)
CaC03 + H+ + SO4
-2 + H20 = CaSO4A2 H20 + HCO3
- (R5.2)
Les vitesses relatives des réactions (R5.l) et (R5.2) dépendent du pH et déterminent
l'efficacité du processus de neutralisation. Comme la vitesse d'oxydation du fer ferreux
augmente au fur et à mesure qu'augmente le pH et que le potentiel de neutralisation
des réactions (R5.l) et (R5.2) diminue au fur et à mesure qu'augmente le pH, il y a
incompatibilité stoechiométrique entre les réactions libérant un acide et les réactions
de neutralisation. La réduction au minimum de l'incompatibilité stoechiométrique durant
le processus de neutralisation devrait entraîner une baisse de la quantité de boue
produite et réduire le coût de la neutralisation. Comme le processus de neutralisation
ne peut se faire que dans des conditions d'équilibre pour l'espèce neutralisante (le pH
est le paramètre de régulation), il faut procéder à une analyse plus approfondie.
À un pH inférieur à 4, l'hydroxyde ferrique est soluble et la réaction d'oxydation de la
pyrite par le fer ferrique contribue au drainage acide. Le fer ferrique peut être produit
par la réaction (R2) (l'oxydation du fer ferreux) ou provenir de l'hydroxyde ferrique
formé plus haut dans la halde et entraîné vers une zone où le pH est plus faible. Il peut
aussi y avoir oxydation de la pyrite par le fer ferreux, si la quantité de minéraux de
neutralisation ajoutés est insuffisante.
On a analysé le modèle cinétique à différents régimes correspondant à différentes
situations possibles à divers sites. On détermine la vitesse d'oxydation de la pyrite et la
vitesse de désoxygénation à différentes températures comprises entre 273 K et 333 K
et à des concentrations d'oxygène dissous correspondant à des concentrations
d'oxygène gazeux comprises entre 21% et 2%. Le rapport entre l'aire de la surface
active, S, et le volume de l'eau, V, varie entre 0,1 m2/L et 100 m2/L. C'est la nature non
linéaire des processus chimiques élémentaires qui est à l'origine de la hausse
dramatique de la concentration de fer en fonction de l'acidité. On examine en détail la
compétition entre l'augmentation de la température et la diminution de la concentration
d'oxygène dissous dans l'eau. La hausse de température, bien qu'elle soit
accompagnée d'une baisse de la concentration d'oxygène dissous, entraîne une
augmentation de la vitesse d'oxydation par un facteur d'environ 10 pour chaque
accroissement de température de 20 K. On a procédé à des simulations par ordinateur
des concentrations d'ions hydronium, de fer ferreux, de fer ferrique et de sulfate
produits au cours de périodes allant de quelques heures à plusieurs mois, pour
différentes valeurs des paramètres chimiques et physiques régissant le drainage
acide. Dans certains cas, les équations décrivant la cinétique non linéaire ont été
résolues par analyse et plusieurs formules mathématiques utiles de forme fermée ont
été obtenues.
À un faible pH et à une température d'environ 303 K, Thiobacillus ferrooxidans en
concentration de l'ordre de 1 gramme de cellules humides par litre peut accélérer le
processus de dissolution de la pyrite par un facteur d'environ 1000. On propose pour la
première fois des équations décrivant la cinétique de l'oxydation bactérienne de la
pyrite par l'oxygène dissous et par le fer ferrique. Les processus bactériens accélèrent
différemment les réactions (R1), (R2) et (R4), I'augmentation de vitesse étant d'environ
300, d'environ 1 000 000 et d'environ 3 respectivement.
Les réactions d'oxydation bactérienne du fer ferreux en fer ferrique et l'oxydation de la
pyrite par le fer ferrique constituent un mécanisme de rétroaction négative non linéaire
responsable d'un ralentissement, plus faible que le ralentissement escompté, de
l'oxydation de la pyrite par diminution de la concentration d'oxygène. Une diminution de
la pression partielle d'oxygène de 0,21 atmosphère à 0,04 atmosphère (c.-à-d. une
baisse de 75%) se traduit par une réduction de seulement 30% de la vitesse
d'oxydation de la pyrite par Thiobacillus ferrooxidans. Ce mécanisme de rétroaction
négative est également à l'origine de l'action bactérienne chémistatique et de l'activité
bactérienne prolongée en milieu acide.
On souligne plusieurs problèmes sur lesquels il y aurait lieu d'effectuer d'autres travaux
expérimentaux et d'autres études de modélisation.
Les résultats quantitatifs obtenus au cours de cette étude devraient être vérifiés par
des données obtenues sur le terrain; ainsi, après étalonnage, le modèle cinétique
présenté dans ce rapport peut être utilisé dans le cadre d'un modèle simulant
l'ensemble des aspects physiques des stériles et d'un modèle d'élimination
subaquatique.