Le présent rapport décrit les résultats obtenus dans la partie CTN
d'un projet de recherche réalisé en collaboration avec plusieurs
participants et coordonné par le NEDEM. Le projet a été conçu
afin d'évaluer l'efficacité de couvertures aqueuses peu profondes
à prévenir le drainage minier acide provenant de résidus sulfurés
réactifs. On a utilisé à cette fin la mine Louvicourt comme site
expérimental. Des essais en laboratoire sur les résidus de cette
mine ont permis de déterminer la vitesse d'oxydation intrinsèque
nécessaire pour procéder à une modélisation mathématique de
l'oxydation des résidus submergés.
Au cours de la présente étude, divers échantillons de résidus de
la mine Louvicourt ont été caractérisés afin d'en déterminer la
distribution granulométrique, la composition minéralogique, la
composition géochimique de la roche entière, ainsi que des
essais statiques de prédiction de génération d'acide (essais
ABA). Des essais de lixiviation en continu ont été réalisés pour
analyser les effets de quatre paramètres sur le rejet de métaux
par les résidus dans des conditions d'immersion simulée. Des
essais cinétiques ont été réalisés sur une période de quatre-vingt
semaines avec huit cellules d'humidité renfermant quatre
échantillons en double, afin de déterminer les vitesses
d'oxydation des sulfures et de neutralisation des acides. On a
effectué des analyses avant et après passage dans les cellules
d'humidité pour déterminer les bilans massiques géochimiques
et minéralogiques et pour valider l'interprétation des données
obtenues avec les cellules d'humidité. Les données obtenues lors
de ces essais en laboratoire ont été utilisées pour prévoir la
production acide sur le terrain lors d'une exposition
hypothétique in situ. On a procédé à une modélisation
mathématique pour évaluer les effets de quatre mécanismes de
transport de l'oxygène sur le degré d'oxydation subaquatique des
sulfures.
Les résultats des essais ABA indiquent que les résidus sont
potentiellement des producteurs nets d'acide. Une campagne de
surveillance de quatre mois menée en usine en 1994-1995 a mis
en évidence une variation de 11 à 49 % de la teneur en sulfures.
Les sulfures présents dans les résidus sont constitués
principalement de pyrite et de quantités moindres ou de traces de
pyrrhotine, de sphalérite et de chalcopyrite. La teneur en
carbonates des minéraux dans les échantillons variait de
pratiquement 0 % jusqu'à un maximum de 24 %. Les principaux
carbonates sont l'ankérite et la sidérite qui, l'un et l'autre,
renferment diverses quantités de magnésium et de manganèse.
Le principal silicate neutralisant est le clinochlore.
Les essais de lixiviation en continu réalisés avec différentes
solutions en appliquant l'approche conceptuelle de Taguchi
permettent de supposer l'influence ci-après sur la libération
d'espèces métalliques : concentration de Fe2+ dans la solution de
lixiviation (forte) > niveau d'oxygène dissous dans la solution de
lixiviation (forte) > pH de la solution de lixiviation (moyenne) >
gradient hydraulique (faible). La présence d'ions Fe2+ dans le
flux d'alimentation augmente la quantité de métaux libérés,
probablement grâce à un processus unique d'échange d'ions. Une
forte teneur en oxygène dissous dans le flux d'alimentation
favorise la libération de Zn par l'intermédiaire de l'oxydation des
sulfures, alors qu'une faible teneur en oxygène dissous favorise
la libération de Mn. Des pH plus faibles favorisent la libération
de métaux, probablement en raison de la plus grande solubilité
des hydroxydes et des carbonates de la plupart des métaux . On
a constaté que les résidus possédaient une capacité tampon
suffisante pour maintenir l'eau interstitielle à un pH proche de la
neutralité. Parmi les paramètres contrôlant la libération des
métaux, on compte la solubilité et la vitesse de dissolution. Dans
l'ensemble, la libération de métaux était faible au cours des
expériences, sauf pendant le lessivage initial des éléments
solubles accumulés.
Les essais réalisés avec les cellules d'humidité indiquent que les
résidus de la mine Louvicourt sont relativement très oxydatifs.
La vitesse d'oxydation mesurée lors des huit essais variait de
864 à 2143 (moyenne de 1449) mg d'équivalent de
CaCO3/kg/semaine, tandis que la vitesse de consommation de
NP allait de 955 à 2238 (moyenne de 1500) mg d'équivalent de
CaCO3 /kg/semaine. Tous les échantillons sont potentiellement
des producteurs nets d'acide, le décalage prévu lors des essais en
cellules d'humidité variant de 0,56 à 2,5 (moyenne de 1,2) ans.
Les prévisions basées sur une exposition hypothétique des
résidus sur le terrain indiquent que, pour des résidus typiques, le
décalage précédant la production d'acide est de 4,5 ans. Pour un
cas pire que la moyenne, ce décalage serait réduit à 2,6 ans.
L'oxydation de la sphalérite semblait être accélérée par des
effets galvaniques après diminution du pH du lixiviat sous une
valeur d'environ 3,0. L'ankérite semblait contribuer pleinement
au NP total disponible. La sidérite et le clinochlore étaient moins
réactifs et contribuaient moins au NP total disponible. La
dissolution de la sidérite semblait s'accélérer après le début du
processus acidogène, alors que la dissolution du clinochlore était
relativement peu touché par le processus d'acidification.
On a utilisé une nouvelle technique pour calculer les vitesses de
dissolution de chaque minéral neutralisant et de chaque minéral
sulfuré à partir des volumes hebdomadaires de lixiviat et de
données chimiques. Cette technique semble être valable, si on se
base sur les bilans massiques minéralogiques mesurés de
manière indépendante.
En raison de la « non-idéalité » des essais réalisés en cellules
d'humidité, toutes les particules placées dans les cellules
n'étaient pas soumises aux processus d'oxydation et de
neutralisation, probablement à cause de la formation d'agrégats
imperméables de particules résultant de processus de
cémentation et d'enrobage. On a proposé et on a fait la
démonstration de méthodes permettant de tenir compte de cette
« non-idéalité ». On a constaté que, sans agitation, seulement 37
% en moyenne de la masse de l'échantillon présent dans les
cellules d'humidité était disponible pour les processus
d'oxydation et de neutralisation.
En se basant sur les propriétés typiques des résidus miniers et
sur d'autres conditions observées au site de la mine Louvicourt,
on a procédé à la modélisation mathématique des quatre
scénarios de base qui peuvent se présenter après la déposition
des résidus réactifs sous une couverture aqueuse de 0,3 m. Ces
quatre scénarios sont : couverture aqueuse stagnante; couverture
aqueuse totalement oxygénée et mélangée; couverture aqueuse
totalement oxygénée et mélangée avec infiltration vers le bas; et
remise en suspension des résidus. La couverture aqueuse
stagnante au travers de laquelle l'oxygène doit diffuser est celle
qui transporte la plus faible quantité d'oxygène vers les résidus
submergés, la vitesse de diffusion étant de l'ordre de 3 g de
O2/m2 d'interface/an. Bien que ce scénario corresponde aux
conditions les plus souhaitables, les données obtenues jusqu'ici
sur le terrain lors d'autres études indiquent qu'il est fort douteux
que ces conditions existent réellement, car en situation réelle il y
a presque toujours présence de vents qui provoquent le mélange,
la circulation, le brassage par les vagues et l'aération des masses
d'eau peu profondes. Les trois autres scénarios sont plus
réalistes, la vitesse de diffusion de l'oxygène vers les résidus
submergés étant alors nettement plus importante. Les résultats
de la modélisation permettent de supposer que, comparativement
au scénario de base comportant une couverture aqueuse
stagnante, le mélange/oxygénation de la couverture aqueuse et la
remise en suspension de résidus sont, l'un et l'autre, capables
d'accroître la vitesse de diffusion de l'oxygène par un ordre de
grandeur, alors que l'infiltration vers le bas de l'eau entièrement
aérée peut accroître cette vitesse par un facteur de trois. La
gamme de vitesses de diffusion de l'oxygène indiquée par les
résultats de la modélisation permet de penser que, sur la plupart
des sites, une simple couverture aqueuse bien entretenue, sans
aucune autre mesure additionnelle, est suffisante pour éliminer
l'oxydation des sulfures dans les résidus réactifs, tout en
maintenant la conformité de la décharge à partir de la couverture
aqueuse au cours des saisons humides. Néanmoins, en présence
de circonstances exceptionnelles où cela n'est pas possible, des
mesures supplémentaires, comme des barrières physiques,
chimiques ou biologiques ou des intercepteurs d'oxygène sont
disponibles pour réduire encore plus la vitesse de diffusion de
l'oxygène et ainsi améliorer l'efficacité de la couverture aqueuse.
On recommande que les résultats de la présente étude en
laboratoire et des modélisations soient comparés aux résultats
des essais en cellule réalisés sur le terrain (par l'INRS - Eau -
MEND 2.12.1c) et aux résultats de l'étude en colonne réalisée en
laboratoire (par CANMET - MEND 2.12.1e), afin d'en
déterminer la cohérence et de voir s'ils peuvent être corroborés.
Toute divergence des résultats de base de ces trois études devrait
être étudiée et ultérieurement résolue.
On devrait exploiter les possibilités de recherches futures sur les
couvertures aqueuses pour étudier les facteurs qui contrôlent
l'aération/le mélange de la couverture aqueuse et la remise en
suspension de résidus. Ces recherches devraient avoir comme
objectif d'établir la capacité à prévoir quantitativement le degré
d'aération et de remise en suspension dans des couvertures
aqueuses peu profondes à partir de données de base comme les
propriétés des résidus, les données météorologiques et la
physiographie du site.