La gestion environnementale aux mines canadiennes a mis l’accent jusqu’à maintenant sur le drainage acide produit par les résidus et la roche stérile. L’importance de la responsabilité financière que le drainage acide peut potentiellement représenter pour l’industrie a, dans une certaine mesure, éclipsé les autres enjeux liés aux rejets miniers dans le domaine de la qualité de l’eau. Pourtant, des éléments chimiques présents dans les rejets miniers non producteurs d’acide peuvent se retrouver en des concentrations inacceptables dans les eaux de drainage et entrer dans l’environnement. Plusieurs éléments chimiques n’ont pas besoin d’un milieu acide pour se maintenir en des concentrations supérieures aux concentrations maximales prescrites dans les lignes directrices concernant l’environnement et peuvent, de ce fait, être importants dans le drainage à pH neutre. C’est le cas des éléments mentionnés ci-après.
- antimoine
- arsenic
- cadmium
- chrome
- cobalt
- cuivre
- fer
- manganèse
- mercure
- molybdène
- nickel
- sélénium
- sulfate
- uranium
- zinc
En 2003, 57 mines de métaux étaient en exploitation au Canada. Elles ont contribué plus de 9 milliards de dollars au PIB. En termes de valeur, les principaux métaux extraits au Canada sont l’or, le nickel, le cuivre, le fer et le zinc. Le charbon et le diamant comptent parmi les dix « minéraux » en tête de liste si l’on fait exception du sable, du gravier et de la pierre. À quelques exceptions près, les éléments susceptibles de contaminer l’air et l’eau sont des produits économiques issus de mines réparties dans tout le Canada. Les taux de production annuels (tonnes) ont été les suivants en 2002 : 140 pour l’antimoine, 900 pour le cadmium, 2 000 pour le cobalt, 7 500 pour le molybdène, 180 000 pour le nickel, 226 pour le sélénium et 890 000 pour le zinc. Au Canada, l’arsenic et le mercure ne sont plus produits à titre de matières premières économiques mais comme sous-produits de l’extraction d’autres métaux.
En général, ces éléments chimiques suscitent des inquiétudes parce qu’un vecteur environnemental ou réglementaire (ou un impact potentiel sur l’environnement) est rattaché à chacun d’eux, parce qu’ils ne sont pas retirés de la solution à pH neutre et parce que, dans le cas de bon nombre d’entre eux, l’élimination efficiente des effluents et des eaux usées présente des défis particuliers.
La majeure partie des facteurs réglementaires touchant ces éléments chimiques sont liés à la protection des organismes aquatiques. Font exception l’antimoine et le chrome, pour lesquels les normes pour l’eau potable sont peu sévères; le manganèse, auquel sont rattachées des questions d’esthétisme et qui peut former un précipité dans le milieu récepteur; et le sulfate, qui peut être toxique pour certaines formes de mousses qui vivent dans les cours d’eau. Les sources de ces éléments chimiques varient et bon nombre de ces éléments proviennent de divers types de mines, par exemple, des mines de métaux communs, d’or et d’uranium.
Toutefois, pour ce qui est de la toxicité potentielle, d’autres facteurs entrent en jeu dans le cas d’au moins deux de ces éléments chimiques. Le molybdène et le sélénium peuvent en effet constituer une source de toxicité pour les animaux terrestres, et ce, à des concentrations relativement peu élevées. Le molybdène peut être toxique pour les mammifères, et beaucoup d’attention a été consacrée à l’évaluation de ses effets sur le cerf, l’orignal et d’autres ruminants, aux environs de mines de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan présentant une teneur élevée en molybdène. Le sélénium s’accumule dans la sauvagine et il est toxique pour d’autres animaux sauvages, par exemple les ongulés. Il ne touche donc pas que les organismes aquatiques.
En général, les mines traitent leurs rejets d’exploitation et leurs eaux d’exhaure afin d’en retirer les éléments chimiques et de se conformer aux règlements sur les effluents. Aucun chiffre fiable n’est disponible en ce qui concerne la valeur actuelle du traitement de l’eau et des effluents (les dépenses en capital plus les dépenses d’exploitation) aux mines canadiennes, mais il est probable que ce chiffre dépasse le milliard de dollars. Le coût des modernisations et des ajouts effectués aux usines de traitement situées à l’extérieur de l’Ontario afin que ces usines soient conformes aux modifications du REMM de 2002 dépasse, estime-t-on, les 600 millions de dollars pour neuf paramètres (arsenic, cuivre, plomb, nickel, zinc, radium 226, cyanure total, total des solides en suspension et pH). Plusieurs paramètres chimiques d’intérêt dans le drainage neutre nécessitent des systèmes de traitement spéciaux ou non traditionnels. Par exemple, l’arsenic et le molybdène sont généralement traités avec du sulfate de fer, mais ils peuvent nécessiter plus d’un ajustement de pH. Nous disposons maintenant de technologies prometteuses pour traiter plusieurs des éléments chimiques qui retiennent notre attention, mais ces technologies sont généralement tributaires des conditions propres au site. De plus, même les métaux comme le nickel qui peuvent être traités par ajout de chaux peuvent nécessiter d’autres approches dans le contexte du drainage neutre, à certaines mines où l’efficacité de traitement est peu élevée, ou encore, où le traitement traditionnel (ajout de chaux) crée d’autres problèmes, par exemple, des concentrations élevées de matières dissoutes.
Les coûts des systèmes de traitement sans chaux (autrement dit, les systèmes de régulation du pH) demeurent pour le moment estimatifs. On peut cependant raisonnablement assumer qu’un circuit de traitement de l’arsenic, du molybdène ou du sélénium ou une usine de traitement autonome ont un coût en capital semblable à celui d’un système de traitement à la chaux. Les coûts d’exploitation pourraient, eux aussi, être semblables parce que, même si moins de réactif est utilisé par unité de volume d’effluent, le coût unitaire des produits chimiques (p. ex., le sulfate de fer) dépasse celui de la chaux. La stabilité et la gestion à long terme des boues sont encore entourées d’une certaine imprévisibilité. C’est un fait que, dans le cadre du traitement de l’arsenic, la stabilité à long terme des boues demeure une question ouverte.
Si l’on assume que les systèmes de traitement non traditionnels ne représentent que la moitié des systèmes de traitement utilisés par les mines en exploitation, la valeur actualisée nette du traitement du drainage neutre pourrait représenter une responsabilité financière collective de plus de 500 millions de dollars pour l’industrie minière canadienne.
L’arsenic, le molybdène et le sélénium comptent parmi les éléments prioritaires retenus aux fins du présent examen. Les principaux facteurs de l’évaluation des éléments prioritaires sont les limites réglementaires peu élevées et les répercussions terrestres potentielles (dans le cas du molybdène et du sélénium) qui échappent à la portée classique des programmes de surveillance des effets sur l’environnement ne visant que le milieu aquatique. De plus, la question des concentrations élevées de sulfate pourrait représenter une responsabilité financière importante pour l’industrie minière si la ligne directrice de 100 mg/l de la Colombie-Britannique est appliquée partout au pays. L’industrie minière devrait examiner cette question en détail.
Les recommandations sont les suivantes :
- élaborer des initiatives et des événements de transfert de la technologie et de coopération (p. ex., des ateliers) afin de mettre l’accent sur les éléments chimiques retenus, notamment l’arsenic, le molybdène et le sélénium;
- élaborer ou augmenter les lignes directrices s’appliquant à l’évaluation de la lixiviation des métaux à pH neutre, à des fins de stratégies d’élimination particulières au milieu, par exemple, en cas d’inondation et dans des fosses à ciel ouvert;
- évaluer la stabilité à long terme des boues produites par l’ajout de sulfate de fer dans le cadre du traitement de l’antimoine, de l’arsenic, du molybdène et du sélénium;