Les composés du sélénium (Se) et les composés de l’azote (N) représentent des constituants inquiétants pour l’environnement sur les sites d’exploitation minière du charbon dans la cordillère de l’Ouest du Canada. Le Se est libéré dans l’environnement lors de l’altération des surfaces rocheuses exposées associées aux rejets miniers (p. ex. stériles, parois des mines à ciel ouvert, résidus grossiers de charbon (RGC) et résidus). À l’inverse, les charges en composés azotés reliées à la mine [nitrate (NO3), nitrite (NO2) et ammoniac (NH3)] sont principalement régies par la lixiviation des résidus d’explosif associés à ceux de base d’azote.
Il existe des preuves à l’effet que, dans certains environnements, NO3 peut modifier l’oxydation et l’atténuation du Se. Il y a plusieurs mécanismes biogéochimiques par lesquels NO3 peut être lié à la lixiviation du Se, à sa mobilité et à son atténuation. Parmi ceux-ci : 1) réduction concurrente de NO3 et Se par des réactions microbiologiques (mécanisme commun d’atténuation); 2) inhibition de la réduction de Se par NO3 (maintien de la mobilité du Se); 3) mobilisation du Se lors de l’oxydation directe des minéraux (p. ex. la pyrite) par NO3.
Afin de mieux comprendre les liens entre NO3 et Se dans les environnements de rejets de charbon dans l’Ouest du Canada, nous avons réalisé une évaluation en deux phases : 1) étude bibliographique pertinents pour les interactions de NO3 avec Se; 2) compilation et évaluation des données sur la chimie du drainage pour les mines du nord-est et du sud-est de la Colombie-Britannique. La chimie du drainage des rejets miniers a été compilée à partir des données sur huit sites miniers, comprenant un ensemble de données de 833 échantillons (principalement de suintements et de bassins de sédimentation). Le comportement du Se a aussi été pris en compte dans le contexte des caractéristiques des rejets et des pratiques d’exploitation, y compris de l’utilisation d’explosifs, du degré de saturation et du type de rejets (p. ex. RGC ou stériles).
Les rôles de NO3 comme inhibiteur de la réduction du Se, ainsi que comme oxydant de la pyrite et du Se, sont documentés au moyen d’études en laboratoire et sur le terrain sur des systèmes agricoles. Lors d’expériences en laboratoire, il a été montré que l’inhibition de la réduction du sélénate en présence de NO3 survient à des concentrations de NO3-Naussi faibles que 1 mg/L, alors que d’autres études ont montré une réduction simultanée du sélénate et de NO3. L’oxydation du Se et du soufre réduits par NO3 a été observée dans l’eau souterraine chargée en Se dans des schistes du Crétacé. Ceci est appuyé par la thermodynamique de l’oxydation du soufre et du Se, qui montre que le soufre réduit (p. ex. sulfure de fer ou pyrite) et du Se réduit (p. ex. Se0 et Se2-) peuvent être oxydés lors de processus de dénitrification.
L’importance de NO3 pour la libération et la mobilité du Se présent dans les rejets miniers est fortement dépendante du potentiel de développement de conditions suboxiques à l’intérieur des rejets. Spécifiquement, la réduction du sélénate ainsi que l’oxydation du Se par NO3 sont inhibées par la présence de l’oxygène atmosphérique. Les données sur le indicateurs redox du suintement des rejets miniers (NO2, NH3, Mn, Fe, NO2:NO3 et NH3:NO3) et sur les profils de gaz interstitiel examinées dans le cadre de la présente étude suggèrent que l’appauvrissement en oxygène est une caractéristique commune des environnements de stériles de charbon, dont l’ampleur et l’échelle sont probablement très variables. Étant donné la probabilité de conditions suboxiques aux échelles microscopique et macroscopique et la disponibilité de NO3-N (plupart des valeurs > 10 mg/L), NO3 a le potentiel pour modifier la remobilisation et l’atténuation du Se.
En ce qui concerne l’atténuation concurrente de NO3 et du Se, il existe d’innombrables preuves à l’effet que les environnements anaérobies dans certains rejets miniers facilitent l’élimination du Se et de NO3 en solution grâce à des réactions de réduction microbiologique, produisant des compositions d’eau avec des concentrations de NO3 relativement faibles et des rapports Se/SO4 faibles. Ceci est particulièrement évident pour les RGC et le remblayage de mines à ciel ouvert saturé, qui sont les plus propices à développer des conditions suboxiques, comparativement aux stériles subaériens. Les couples redox de l’azote (NO2:NO3 et NH3:NO3) et les concentrations de Mn exhibent une relation inverse de celle de la concentration de Se et des rapports Se/SO4 dans certains drainages de stériles, associées à une mobilité du Se réduite dans des environnements à faible potentiel redox.
Les rejets avec des rapports Se/SO4 relativement faibles exhibent des corrélations moins fortes entre le Se et les principaux indicateurs ioniques de l’altération des stériles (SO4, Ca et Mg), comparativement aux rejets avec des rapports Se/SO4 élevés. Ceux avec des rapports Se/SO4 élevés exhibent généralement aussi de fortes corrélations entre Se et NO3. Le fait que Se ne soit pas bien corrélé avec SO4 ou d’autres ions majeurs dans les drainages à faible rapport Se/SO4 indique un comportement non conservateur du Se (atténuation du Se) et suggère spécifiquement que le Se est atténué par des procédés qui n’affectent pas SO4, Ca ou Mg. Dans ce telles installations, le Se conserve sa corrélation avec NO3, suggérant que le principal processus d’atténuation du Se affecte aussi NO3. Les seuls procédés ayant le potentiel d’atténuer à la fois Se et NO3 sont reliés à des mécanismes de réduction anaérobies (p. ex. réduction du sélénate et dénitrification).
En termes de NO3 en tant qu’inhibiteur de la réduction du Se, il est possible que des concentrations élevées de NO3 inhibent l’atténuation du Se dans des zones anaérobies des stériles. Toutefois, ce mécanisme ne peut pas être défini avec certitude, car il n’existe pas de mesure directe du degré d’anoxie dans la plupart des haldes de stériles. Parmi de possibles indicateurs du comportement inhibiteur, on retrouve l’observation de fortes corrélations entre Se et les principaux ions (SO4, Ca et Mg) dans les rejets caractérisées par des rapports Se/SO4 et des concentrations de NO3 élevés. Ceci peut indiquer que le Se est relativement mobile et exhibe un comportement (conservateur) similaire à celui d’autres produits de l’altération. Dans les haldes de la formation Gates, il existe peu de preuve de l’atténuation du Se, tel que présumé par les rapports Se/SO4. De telles observations peuvent refléter l’inhibition de la réduction du Se par NO3, les stériles de la formation Gates produisant généralement des concentrations de NO3 dans une gamme plus élevées (NO3-N de 15 à 133 mg/L) comparativement aux drainages des formations Gething et Mist Mountain.
Le potentiel de remobilisation du Se par des réactions d’oxydation directe est plus difficile à déterminer. De telles difficultés sont reliées à la complexité à faire la différence entre plusieurs voies d’oxydation, qui mettent en jeu des produits de réaction communs, et au potentiel d’effets auto-corrélatifs liés au lessivage de Se, N et S solubles à partir de surfaces rocheuses récemment exposées après explosion. Néanmoins, étant donné la probabilité de conditions suboxiques à l’échelle macroscopique et/ou microscopique et l’abondance de NO3 dans des environnements de stériles, il est possible que l’oxydation de Se/S soit régie de manière variable par des voies de réduction du NO3. L’importance relative de cette voie d’oxydation secondaire est défficile à évaluer.
Globalement, les résultats de l’étude bibliographique et de l’analyse de la chimie du drainage suggèrent que NO3 peut potentiellement avoir une influence sur le comportement du Se dans des environnements de mine de charbon, bien que l’échelle et l’ampleur de telles influences soient incertaines. En ce qui concerne l’inhibition de la réduction du Se, la présence de NO3 peut être une variable limitante et est d’intérêt pour les systèmes de traitement passifs ou actifs. Le rôle de NO3 en tant qu’oxydant du Se et du S réduits est moins clair. Toutefois, les conditions pré‑requises pour qu’un tel processus ait lieu (suboxie combinée à la disponibilité de NO3) existent dans la majorité des installations de rejets étudiées.