Trouver une méthode d'élimination des déchets miniers réactifs, qui soit à la fois
économique et sûre pour l'environnement, est un défi que doivent relever l'industrie
minière et le gouvernement. Lorsque ces matières contiennent des sulfures, la
méthode d'élimination classique sur terre a souvent causé l'acidification de l'eau et la
lixiviation concomitante des métaux en traces contenus dans les déchets miniers.
L'acidification observée dans les résidus et les stériles résulte de l'oxydation des
minéraux sulfurés (principalement la pyrite de fer). Elle a de multiples répercussions,
souvent graves, sur la chimie de l'eau et les ressources biologiques. Ses effets sur
l'environnement sont considérables, en particulier si le problème persiste après la
fermeture de l'exploitation minière.
L'une des méthodes de contrôle de l'acidification qui reçoit actuellement une attention
croissante est celle qui consiste à entreposer les déchets miniers sous l'eau. Même si
le Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux, adopté conformément à
la Loi sur les pêches, interdit actuellement l'élimination des résidus miniers dans les
lacs, une exemption peut être faite par décret du cabinet fédéral. L'un des arguments
en faveur d'une élimination subaquatique est que cette méthode supprime
l'acidification, étant donné que les déchets immergés ne sont pas exposés à l'oxygène
ni à l'activité bactérienne. La proposition de cette méthode repose sur les
connaissances acquises sur la nature biogéochimique des sédiments lacustres,
lesquelles s'appuient sur des observations faites dans le cadre d'études spécifiques
sur le terrain. Par conséquent, il est logique de proposer l'élimination subaquatique des
déchets miniers sulfurés sans libération significative de métaux vers les eaux
sus-jacentes. Dans certaines circonstances, cependant, un certain nombre de facteurs
peuvent agir individuellement ou de concert pour favoriser la libération de métaux et
provoquer peut-être la dégradation de l'environnement. Néanmoins, en disposant de
connaissances suffisantes sur la réactivité chimique de certains résidus, après leur
entreposage, tout en respectant les exigences en matière d'élimination, ces facteurs
peuvent être atténués de façon variable et les répercussions sur la qualité de l'eau et
la biote indigène peuvent être minimisées.
Même si les raisons justifiant l'élimination subaquatique peuvent être valables, les
analyses entreprises pour approfondir la question sont peu nombreuses et les études
réalisées sur le terrain le sont encore moins. Par conséquent, l'efficacité de
l'élimination subaquatique demeure largement incertaine.
Répondant à la nécessité nettement établie d'élaborer des méthodes efficaces
d'atténuation du drainage minier acide et reconnaissant que l'élimination subaquatique
présente des résultats prometteurs à cet égard, le British Columbia Acid Mine
Drainage Task Force a fait une demande de propositions pour effectuer une étude de
la documentation scientifique sur l'élimination subaquatique des résidus miniers
réactifs. Cette étude visait surtout les connaissances théoriques de pointe et des
études de cas portant sur des mines de la Colombie-Britannique qui éliminent leurs
déchets dans un milieu d'eau douce. On a porté une attention spéciale aux
répercussions que peut avoir cette méthode sur les systèmes biologiques d'eau douce,
notamment sur les effets physiques et chimiques de l'élimination des déchets miniers.
Rescan Environmental Services Ltd. a ainsi été retenue pour effectuer la recherche
documentaire sur l'élimination subaquatique des déchets miniers réactifs.
Cette étude a consisté à effectuer une analyse globale de tous les aspects, théoriques
et pratiques, de l'élimination subaquatique des déchets miniers réactifs dans un milieu
d'eau douce. Même si l'on a mis l'accent sur les expériences faites en
Colombie-Britannique, selon le mandat énoncé dans la demande de proposition, les
expériences tentées dans d'autres régions du Canada et des États-Unis ont également
retenu l'attention. Durant l'analyse, des sources de documentation nombreuses et
variées ont été consultées par des méthodes de recherche manuelles ou
informatisées. Les sources d'information incluaient, entre autres, les documents sur les
mécanismes du drainage minier acide (DMA) et leur composition chimique, la chimie
aquatique, la géochimie, l'hydrogéochimie, la biochimie, la microbiologie, la limnologie
et la biologie/écologie aquatique. Dans la mesure du possible, on a obtenu des
données sur des études de cas pertinentes traitant souvent d'un ou plusieurs des
domaines susmentionnés de façon plus ou moins détaillée. Malgré le fait que le
présent rapport devait se limiter aux eaux douces (soit lacustres), la recherche
documentaire a aussi porté sur les documents traitant des résidus éliminés dans des
parcs à résidus sur terre et des tas de lixiviation, à condition de contenir des
informations pertinentes sur l'élimination subaquatique. Les données sur l'élimination
sous marine n'étaient incluses que si les travaux illustraient des principes applicables à
l'ensemble des systèmes subaquatiques. Les résultats de cette étude de la
documentation sont résumés ci-dessous. La section 7.0 contient la bibliographie
complète des informations sur la théorie et les connaissances pratiques de l'élimination
subaquatique.
De toutes les conclusions tirées de cette étude, celle qui ressort probablement le plus
est que le DMA présente des inconvénients importants en ce qui concerne l'élimination
des déchets miniers réactifs sur terre mais que l'élimination sous l'eau de ces déchets
offre de nombreuses possibilités de suppression de l'acidification. Cependant, les
répercussions à long terme de l'élimination subaquatique sont encore mal connues.
De nombreux facteurs, agissant parfois de façon synergique, déterminent le potentiel
d'acidification des déchets miniers éliminés sous l'eau et, par conséquent, les
répercussions biologiques possibles. Ces facteurs incluent, entre autres, la chimie
naturelle du milieu récepteur, les conditions physico-chimiques qui peuvent limiter les
concentrations de métaux dissous, les conditions hydrochimiques qui peuvent
accroître la solubilité des métaux lourds et la composition des déchets miniers
éliminés. Parmi les essais de prévision utilisés pour évaluer le potentiel d'acidification
(section 2.3), l'essai en flacon vibrateur cinétique semble légèrement approprié à
l'entreposage subaquatique des déchets miniers réactifs.
Les procédés complexes de biodisponibilité des métaux dans les sédiments lacustres
et de bioaccumulation dans la chaîne alimentaire des eaux douces ne sont pas bien
compris, en particulier en ce qui concerne l'élimination des déchets miniers réactifs.
Pour approfondir ces processus, il faudrait réaliser des études limnologiques dans
lesquelles la réactivité des déchets immergés après leur élimination serait évaluée
pour déterminer s'il y a des flux benthiques de métaux choisis, soit Cu, Pb, Zn, Cd, Mn,
Fe, As et Hg, et dans quelle mesure la mise en place graduelle d'un revêtement en
fines couches de sédiments naturels les prévient. En plus des répercussions
possibles, il faut mentionner d'autres effets biologiques de l'élimination subaquatique,
soit la turbidité, la sédimentation sur le fond des lacs et l'intoxication des organismes
aquatiques.
Après une analyse de la documentation portant sur le drainage minier acide,
l'élimination subaquatique et ses effets biologiques possibles, de nombreuses études
de cas documentant les sites actuels d'élimination subaquatique en eau douce ont été
étudiées. En Colombie-Britannique, les cas étudiés ont notamment été ceux des lacs
Buttle, Benson, Babine, Bearsldn (proposé), Brucejak (proposé), Kootenay, Pinchi et
Summit, les mines à ciel ouvert inondées de l'Equity Silver Mines Ltd. et d'Endako, le
projet aurifère de Cinola (proposé) et la mine Phoenix. Les autres cas étudiés au
Canada et aux États-Unis sont ceux du lac Garrow (Territoires du NordOuest); des
lacs Mandy, Anderson et Fox (Manitoba); et celui de Réserve Mining Co. Ltd. à Silver
Bay au Minnesota. La conclusion générale est que même si les études de cas
présentées correspondent à des milieux différents, les résultats ont été peu
concluants. Les données étaient généralement superficielles et partiellement
pertinentes, reflétaient des méthodes d'échantillonnage douteuses et n'avaient pas été
recueillies pour approfondir les connaissances des répercussions à long terme de
l'élimination subaquatique des déchets miniers réactifs.
En se basant sur les résultats de la recherche documentaire, il est recommandé que
des études sur le terrain soient menées pour évaluer la réactivité des déchets miniers
sulfurés après leur élimination et de réaliser des analyses individuelles plus détaillées
des répercussions biologiques possibles dans un milieu d'eau douce. Les études
devraient comprendre une évaluation détaillée de la minéralogie du minerai et des
résidus, de leur granulométrie, de la sédimentation prévue des déchets miniers et de la
lixiviation ou de la réactivité des déchets dans l'eau douce. Il est considéré crucial de
mener sur le terrain des analyses à la fois géochimiques et limnologiques afin de
mieux comprendre les facteurs qui influent sur la libération ou l'absorption de métaux
par les résidus ainsi que leurs répercussions directes ou indirectes possibles sur la
communauté biologique.
Les études géochimiques recommandées nécessitent une analyse des eaux
interstitielles provenant d'une série de carottes prélevées dans des résidus immergés
dans un certain nombre de lacs, notamment dans les lacs Buttle, Benson et Kootenay
(Colombie-Britannique); les lacs Mandy, Fox et(ou) Anderson (Manitoba). Ces études
devrait porter sur différents dépôts, y compris des sédiments non perturbés et des
résidus à minéralogie contrastante, et elles devraient inclure une évaluation des effets
liés à l'altération et à la composition chimique de l'eau de constitution et(ou)
souterraine par opposition aux résidus entreposés sur terre. Ces études devraient
également porter sur des sites où ne sont plus entreposés des déchets miniers et sur
d'autres activement utilisés. Il est fortement recommandé d'inclure dans les études
géochimiques une analyse chimique des concentrations d'éléments communs et
secondaires choisis dans les phases solides d'où sont prélevées les eaux interstitielles
ainsi qu'une caractérisation de la minéralogie et une détermination des concentrations
en carbone organique.
Des études minéralogiques des deux faciùs devraient être faites pour comparer
l'importance et la nature de l'altération minérale là où des résidus de même
composition ont été éliminés à la fois sous l'eau et sur terre (par exemple, aux lacs
Buttle et Benson). Ces comparaisons pourraient servir à dégager des exemples
particulièrement représentatifs du comportement diagénétique relatif des résidus
exposés à l'air par rapport à des résidus immergés dans un milieu d'eau douce.
Concurremment aux analyses géochimiques décrites ci-dessus, des analyses
limnologiques et biologiques doivent être menées pour établir un lien entre le
processus complexe de libération des métaux par les déchets immergés et leur
absorption possible par des organismes aquatiques et leur accumulation biologique
dans la chaîne alimentaire. Ces études ont pour but de décrire le(s) lac(s) en question
en fonction des éléments qui peuvent faciliter la prévision des répercussions de
l'entreposage de déchets miniers dans des lacs semblables. La morphologie et
l'hydrologie des lacs, la limnologie physique et chimique ainsi que les caractéristiques
biologiques devraient être déterminés de façon à permettre aux chercheurs de calculer
les temps de renouvellement et de séjour des eaux du lac, d'établir les caractéristiques
de la circulation et du mélange ainsi que d'évaluer le potentiel de mobilisation des
déchets et le taux de dispersion des contaminants à partir des déchets miniers. Cela
permettrait également de mieux comprendre le transfert des métaux entre les
sédiments et la chaîne alimentaire aquatique.
Les expériences individuelles sur la biote lacustre devraient être conçues pour
permettre de déterminer les répercussions des métaux lourds sur l'endofaune et
l'épifaune. Les concentrations métalliques dans les tissus de ces organismes peuvent
refléter les taux d'absorption de métaux et le potentiel d'accumulation biologique dans
la chaîne alimentaire. Il est également conseillé de choisir une ou deux espèces de
poissons appropriées (c'est-à-dire caractérisées par une faible mobilité, une longue
durée de vie et(ou) une alimentation de niveau trophique élevé) pour analyser les
métaux dans les tissus compte tenu de l'intérêt marqué que portent au poisson les
organismes de réglementation et le grand public.
Enfin, en se basant sur un mélange de données théoriques, tirées de cette recherche
de la documentation, et de données empiriques recueillies sur le terrain, il est
recommandé d'élaborer un modèle décisionnel pour évaluer la pertinence des
stratégies d'élimination subaquatique des déchets. Les premiers essais à cette fin ont
été contrecarrés par un manque de données fiables décrivant les conditions aux sites
d'élimination subaquatiques actuels.
Le type de modèle décisionnel proposé intégrerait des données théoriques sur les
conditions physiques, chimiques, géochimiques, biochimiques, limnologiques et
biologiques qui seraient affinées grâce à des études sur le terrain, par la méthode du
chemin critique afin d'évaluer les incidences environnementales associées aux
stratégies d'élimination subaquatique des déchets miniers. Il offrirait à l'industrie et aux
organismes de réglementation une méthode de sélection pratique pour le choix d'une
méthode d'élimination, basée sur une approche des défauts fatals qui mettrait en
évidence les principaux problèmes clés pour les stratégies d'élimination proposées. Le
modèle décisionnel serait élaboré en utilisant les données théoriques et celles
révélées par les études de cas, conjuguées à des données empiriques recueillies au
cours d'études sur le terrain comme celles présentées ci-dessus; ce modèle
permettrait à l'industrie de choisir efficacement la méthode d'élimination des déchets
miniers réactifs et faciliterait la tâche du gouvernement qui doit s'assurer que les
déchets sont éliminés d'une façon acceptable pour l'environnement.